Pour ou contre M. Zubizarreta – à quoi sert un directeur sportif ?

par Alexandre Vuilleumier
mardi 7 février 2017

En plein état de grâce des nouveaux dirigeants de l’Olympique de Marseille, le nouveau directeur sportif, Andoni Zubizarreta, cristallise les premières sources de scepticisme. Les suiveurs du club, comme ceux du Talk-Show du phoceen.fr, lui reprochent en effet de ne pas avoir activé ses réseaux et fait signer une pépite espagnole. Il est donc certainement utile de clarifier le débat et tenter de comprendre à quoi sert un directeur sportif.

Souvent le débat sur ces questions en effet est pollué par la confusion entre directeur sportif et responsable de la cellule de recrutement. C’est bien ce dernier qui doit dénicher les stars en herbe, même si ce travail est devenu extrêmement compétitif. Un club comme l’OM doit ainsi avoir un employé vivant au Brésil, un en Argentine et trois sillonnant l’Afrique. Le but est devenu non plus de détecter les talents, comme s’il était encore possible de trouver un jeune prodige qu’on achèterait une bouchée de pain et revendrait 60 millions. La détection est mondiale, tout le monde connaît tout le monde, en particulier avec les nouveaux logiciels informatiques.

 

Le but aujourd’hui est de convaincre les jeunes de signer dans son club et pas dans un autre, et plus précisément de convaincre les parents, l’agent, ou l’entourage. Sans personnel sur place qui tisse des liens avec les autochtones, cela devient cher et hasardeux, beaucoup plus cher en tout cas que le salaire du « scout », et périlleux car on en sait jamais vraiment à qui faire confiance.

 

Pour en revenir au directeur sportif, celui-ci doit donc s’entourer des meilleurs dénicheurs de talents, pas faire le travail lui-même. Ce sur quoi il sera jugé, c’est s’il arrive à mettre en place un véritable réseau de salariés à plein temps de l’OM, en particulier en Afrique, qui ne se résumera pas à payer des vacances à un ancien entraîneur qu’on ne savait où recaser.

 

De même, le directeur sportif doit solidifier l’ensemble de l’organigramme sportif : diététiciens, psychologues, cuisiniers, préparateurs physiques de toutes sortes, entraîneurs des gardiens, des attaquants, du contrôle de balle, etc. Une des tâches les plus importantes est de sélectionner le responsable du centre de formation. Sur le papier, il ne doit pas être très difficile de proposer un million d’euros au responsable du centre de formation de l’Ajax quand celui-ci a gagné la Ligue des Champions avec Kluivert, Davids ou Seedorf, mais personne ne l’a fait. S’il veut deux millions, c’est encore une aubaine. A défaut, celui du Nantes champion de France pourra faire l’affaire. De même, si une équipe est constamment championne de France des moins de 12 ans, il n’y a qu’à offrir un pont d’or à son entraîneur, de même pour les moins de 14, etc. Voilà le vrai travail du directeur sportif.

Enfin, l’élément peut-être le plus délicat est celui de l’arbitrage entre les souhaits de l’entraîneur et ceux du président en matière d’achat de joueur. En effet, l’entraîneur se place dans une temporalité courte, une année, pour pouvoir rester celle d’après, alors que le président se projette à 5 ou 10 ans. Plus concrètement, cela signifie que l’entraîneur aura toujours tendance à privilégier le joueur plus âgé qui performera mieux aujourd’hui même alors que le président aura tendance à préférer le jeune qui pourra éclore par la suite. Il est dès lors difficile de faire confiance à aucun des deux acteurs. Comme dans le cas d’une lutte pour la garde des enfants, un avocat des enfants ou tout du moins un juge doit défendre les droits des premiers intéressés.

Cet avocat impartial, l’avocat du bien-être du club, si l’on veut, est le directeur sportif. C’est lui qui a la compétence pour dire si tel joueur plus âgé est vraiment plus fort que le plus jeune et est absolument nécessaire pour atteindre les objectifs de l’année ou si le plus jeune suffit amplement, ce d’autant plus que ce dernier a véritablement un potentiel de revente intéressant.

Dans le cas de l’OM, Andoni Zubizaretta ne pourra donc être jugé qu’en fonction de ces éléments : recrutement de pointures à tous les étages du centre de formation, recrutement d’un psychologue pour pouvoir évaluer si tel joueur est prêt à jouer à Marseille, mise en place d’un réseau de détection permanent en Afrique et en Amérique du Sud, choix de tel joueur plutôt que de tel autre. S’il arrive à faire venir un joueur de la Masia qui s’avère par la suite être un crack, ce ne sera que du bonus !


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