Un Camerounais champion du monde de marathon à 75 ans
par Aimé Mathurin Moussy
vendredi 15 février 2008
Ce mois-ci, c’est l’ascension du mont Cameroun. Les athlètes viendront assister à une feria sportive et culturelle. Cette manifestation existe depuis des dizaines d’années. Par ailleurs, cette édition sera particulière. Paul Biya, premier sportif camerounais, et président de la République, pourrait concourir à ce marathon. Les spéculations, supputations et commentaires vont bon train. Il vient de « fêter » ses 75 ans d’âge et ses 46 ans de gestion de l’assiette publique au Cameroun. C’est grâce à l’aide du colonel Louis-Paul Aujoulat, homme de main du général de Gaulle, qu’il atterrit aux arcanes du pouvoir en 1962. Ancien membre des services de renseignements français et membre de l’Anek (association nationale des étudiants Kamerunais), Biya a joué, auprès d’Ahidjo, le rôle de chargé de mission pour le compte de la France. Il jouait le rôle de garant auprès des compagnies qui avaient la mainmise sur les gisements pétroliers du pays et tout le bois de la forêt équatoriale. Ces firmes internationalistes règnent encore en maîtres au Cameroun et en Afrique.
La biyatitude, un sport national
Du général de Gaulle, Pompidou, Giscard, à Mitterrand, en passant par Chirac et Sarkozy, Paul Biya s’est montré dans les mémoires de la politique, selon ses propres déclarations, un « élève de la France ».Voilà qui traduit son aptitude à pouvoir gérer un pays. Ce bon « élève » est jugé digne de veiller sur les intérêts des multinationales installées dans son pays. Il a profité de la manne pour gagner le marathon du pays le plus corrompu au monde, où l’enrichissement personnel est le sport le mieux pratiqué par les fonctionnaires. Ces pratiques d’un autre temps ont été décriées par François-Xavier Verschave, qui s’insurgeait contre le fait que certains présidents africains, parmi lesquels Paul Biya, Bongo, Sassou, financent les campagnes électorales en France.
Avec son clan, le premier sportif camerounais a pu s’offrir les nationalités de plusieurs grandes puissances, et a pu obtenir un vaste patrimoine immobilier en Hexagone. L’un de ses proches collaborateurs possède dans une banque qui a pignon sur rue en France, la bagatelle de 200 millions d’euros liquides. Entre-temps, le peuple vit dans une pauvreté déconcertante : les infrastructures routières, scolaires et sanitaires sont exsangues. Le taux d’inflation s’élève comme une balle de volley. Il a atteint les 200 % entraînant une escalade des prix de produits de première nécessité : la misère !
Et le Samu soutiendra l’athlète
Sarkozy le pompier, ou si vous voulez, le Samu des démocraties déguisées pour ne pas dire des dictatures, doit se rendre au cours de cette année, au Cameroun. Cette visite augure de grands accords commerciaux pour renforcer le joug colonial et, à la clé, l’effacement de la dette du Cameroun. Cette pratique est courante chez les chefs d’Etats des pays occidentaux qui viennent avaliser les premiers investisseurs institutionnels en Hexagone, que sont les chefs d’Etats africains, passés maîtres dans l’immobilier et la capitalisation boursière. La thèse de maillon faible, qui semble définir l’homme africain, est contradictoire avec l’idée que certains libéraux et conservateurs se font du développement des pays africains. On n’a qu’à voir le seuil des dérives de revenus qui oppose le prolétariat à la bourgeoisie, les colonisés aux impérialistes d’une part, les gouvernants et les gouvernés d’autre part. Cette opinion est véhiculée, par l’industrie des fabricants de chefs d’Etats, qui ne proposent que des étalons sortis de leurs usines, les dictateurs. Il faut en tenir compte tactiquement dans la lutte pour le développement de l’Afrique en général et du Cameroun en particulier. Cependant, la chaîne impérialiste ne se brisera pas en maillons de sitôt, car ses imbrications dans l’économie et la politique de l’Afrique la rende compacte. Les maillons faibles que sont les pays africains aboutiront au renversement de la dictature et à l’instauration du partage de la richesse nationale si, et seulement si, la lutte est dirigée par un authentique pouvoir populaire, comme l’a démontré la Révolution russe de 1917. On peut sans risque de se tromper dire que sans une prise de conscience collective, aguerrie par la lutte sociale et d’une solide idéologie, on ne pourrait escompter des résultats probants. L’Afrique doit faire preuve de fermeté et d’audace dans le domaine de l’organisation, avec à sa tête des dirigeants expérimentés sachant prévoir et accélérer les événements. C’est à partir de cette expérience cognitive, qu’on peut espérer parler un jour d’indépendance. Au travers d’une pareille conscience populaire, il est évident que les succès d’une telle action seront palpables, tant sur le plan économique que politique. Il est temps que le jour se lève sur les consciences pour qu’on ne soit plus selon Sarkozy, une Afrique qui « jamais ne s’élance vers l’avenir ». A contrario des dictateurs dont le sport favori est la fuite des capitaux, une aube de renaissance institutionnelle doit prendre son essor.
Aimé Mathurin Moussy, Paris