De la percussion à la collision

par C’est Nabum
mardi 15 novembre 2022

 

Changement d'époque en Ovalie.

 

Le monde de l'Ovalie se réjouit de la belle série du quinze de France qui sort du bois pour se présenter clairement comme un favori de la prochaine coupe du monde qui aura lieu en France en 2023. À ce titre, la victoire sur les champions en titre a été vécue comme un point d'orgue, un signal fort adressé à leurs adversaires.

Au-delà de ce message interne au microcosme ovale, l'intensité délirante du dernier match pose question sur la nature même de ce qui devrait rester un sport et non un combat de tranchées, un champ de bataille duquel les gueules cassées sortent les unes après les autres. Il y a une limite qui ce soir-là à Marseille a été allégrement franchie.

Le Rugby avait fait sa révolution, abandonnant ce qui faisait son charme pour les anciennes gloires, prince de la main courante et abonné à la buvette. Adieu les parties de marrons, les belles générales, les coups de marteau et les délicates fourchettes, le terrain n'était plus un coupe gorge, les déménageurs de piano avaient appris à mettre leurs poings dans leur short et les godasses bien loin des joueurs à terre. Le jeu s'était policé, prenant avec succès le virage du professionnalisme et du succès télévisuel.

Le Rugby école de la vie, pratique de gentlemen supportés par des connaisseurs qui se conduisent à rebours des manchots, avait le vent en poupe d'autant plus que le championnat domestique est réputé être le meilleur de la planète. Le quinze de France mettant lui aussi fin à des années de défaites encourageantes et de déceptions chroniques pour s'offrir une cure de jouvence et de victoires.

Et soudain l'ogre Sud-africain est venu démontrer que ce sport est aussi un combat impitoyable, une sorte de pancrace moderne où les pratiquants offrent leur corps au spectacle, à la belle et noble incertitude du sport. Devenus gladiateurs bardés de protections et d'un gainage de Golgoth, ils s'envoient de plus en plus fort, se fracassant joyeusement les uns les autres.

Et ce fut une boucherie, victorieuse certes pour le courageux coq mais au goût de sang dans la bouche. Cinq protocoles commotion, un plancher orbital fracturé, tous les remplaçants appelés à suppléer les victimes de la furia sud-africaine. Est-ce encore du sport quand l'intégrité physique et mentale sont en jeu ? Le Rugby était ce soir-là un chamboule-tout, une palpitante hécatombe avec des gros plans saisissants.

Du sang, des plaies, des bosses et des blessures, deux cartons rouges pour rester dans le ton et des joueurs allant au-delà de leur force, sacrifiant sans doute, quelques années d'espérance de vie. Il ne m'en fallut pas plus pour couper le téléviseur avant le dénouement de cette terrifiante tragédie. Trop c'est trop quand le sport atteint un tel degré de violence au point de décourager nombre de parents qui entendaient inscrire leurs rejetons à ce magnifique sport.

Car le Rugby est un jeu flamboyant quand il est fait d'évitement et de fixation, de force et de vitesse, d'astuce et de sacrifice, d'abnégation et de coup de génie. Il l'est comme l'ont démontré les féminines qui apportent un grand vent de fraîcheur sur la pelouse. Mais que diable avions-nous besoin d'assister à cette désastreuse opération de promotion avec une équipe championne du monde qui n'a d'autre projet que de détruire ceux d'en face ?

J'espère que l'équipe du Japon (prochain adversaire des tricolores) apportera une tout autre conception de ce jeu merveilleux qui doit prendre garde à ne pas tomber dans les jeux du cirque. J'en serai fort marri.

À contre-esprit.


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