2 : La dure réalité des trimardeurs

par C’est Nabum
mardi 13 novembre 2012

Orléans – Nevers – Orléans

Épisode 2

Vidéo 

Le voyage de l'insolite

La soirée chez Bibi appartient aux secrets qui ne se disent pas. Quand l'accueil est à ce point chaleureux, il est bon de le garder au fond de son cœur. C'est donc au petit matin que nous reprîmes nos allures marinières. Il fallait préparer l'expédition, faire de menus achats pour subsister sans le confort élémentaire qui nous est désormais coutumier.

Cela prit du temps et nous appareillâmes seulement à 10 h 30 tout en découvrant le bateau avec lequel nous allions partager intimement nos prochaines heures. C'est une grande plate-forme métallique sur laquelle est posée une immense cabane de bois de 12 mètres de long par 5 de large. L'ensemble est très encombrant et passe juste dans les écluses.

Pour agrémenter notre équipée, quelques gredins oisifs ont brisé toutes les vitres du bâbord et de la proue. L'intérieur est vide, heureusement qu'il y avait quelques panneaux de bois pour permettre de nous construite une yourte ou un abri de fortune grâce à l'ingéniosité de Bibi. Ce capitaine-là se soucie du confort de son équipage !

La navigation de complaisance (nous convoyons un bateau pour une charmante dame …) pouvait débuter. Notre journée fut une succession lente et ininterrompue de biefs et d'écluses, de verres levés et d'huîtres avalées, de récit de Loire et de commentaires sur le devenir de sa nouvelle marine.

Le froid, petit à petit, nous enveloppait. Nous avancions à 6 kilomètres par heure. L'ami Bertrand faisait feu de tous les clichés possibles. Bibi abandonnait rarement le gouvernail. Nous rêvions de voir la Loire dès ce soir. La réalité et l'heure de fermeture des écluses nous firent déchanter. C'est au pied de la bute de Sancerre que s'acheva notre course du jour : 8 heures 30 de navigation.

L'heure était venue, dans un froid pinçant et la plus totale obscurité, de nous réfugier dans notre cabane. Des bougies nous offrirent une lumière blafarde et un peu de chaleur. Nous trouvâmes même moyen de faire réchauffer une choucroute avec deux grosses bougies d'église et une installation rudimentaire …

Le repas pris, nous n'avions d'autre alternative que de nous enfiler dans notre amas de couvertures et de duvets. Il faisait 5 degrés dans notre « cabouin ». Hardi les gars, hisse le torchon et ferme les yeux. Que le sommeil te prenne avant les premiers frissons ! Mais que nenni mon bon monsieur, ma bonne dame, nous eûmes chaud tant notre caverne était parfaite !

Puis vint l'heure des premiers ronflements, malheur à celui qui ne s'endort pas avant les sonneurs. Je fus celui-là et put alors apprécier le vacarme de ceux qui, la veille encore, me reprochaient ma respiration d'asthmatique. Les gens sont mesquins et les camarades pires encore ! Heureusement, je finis par m'endormir du souffle court de celui qui n'a rien à se reprocher.

C'est au mi-temps de la nuit que l'improbable se produisit. Des bruits de pas sur le rafiot. Une inquiétude sourde pour le dormeur surpris dans son sommeil. Je m'inquiète, que faire ? Je garde par-devers moi cette alarme ridicule, cela doit être un objet flottant qui est venu frapper notre coque...

Non, le bruit reprend plus net, plus certain. Un individu marche sur le bateau. Je me dis qu'il y a quelqu'un sur le bateau, une remarque à moi-même pour me donner le courage de quitter ma douce torpeur et aller à la rencontre du visiteur. J'allume ma lumière rouge pour ne pas réveiller mes camarades ….

 

Et là, la remarque cinglante de Bertrand vient briser mon rôle de gendarme des flots. « Ben, on n'a plus le droit d'aller se soulager ! » Le bougre ne m'avait pas réveillé à son départ. Chacun notre tour, nous allâmes faire du bruit sur le pont. Notre tour de garde pris, nous pûmes retrouver nos rêves de confort et notre doux duvet. Voilà la vie d'un matelot à bord !

Batelièrement vôtre.


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