L’Adieu à la Terre. Fantasmes et réalités à propos d’une éventuelle colonisation de Mars

par Automates Intelligents (JP Baquiast)
samedi 11 mai 2013

Appelons colonisation, même si le terme a pris une consonance négative, le fait pour des ressortissants d'un groupe de pays donnés de s'établir durablement dans d'autres pays afin de les exploiter et d'y vivre. En ce qui concerne l'avenir de l'humanité en dehors de la Terre, notamment sur la Lune, Mars ou éventuellement un satellite de cette dernière planète, le terme peut être utilisé, en souhaitant seulement que, si cette colonisation se produisait effectivement un jour, elle soit aussi respectueuse que possible des environnements ainsi occupés.

 



Concernant des implantations humaines plus ou moins durables sur la Lune, les projets ne manquent pas. Notre satellite est proche, il recèle certainement des matières premières éventuellement exploitables. Il pourrait servir par ailleurs de bases pour des explorations plus lointaines. A ce jour, la firme privé Bigelow Aerospace et la Nasa auraient convenu d'étudier la mise en place à frais commun d'une base lunaire, éventuellement comportant des modules « gonflables » Image ci-dessus. Voir un article de Cosmiclog

Concernant Mars, aucune des grandes agences publiques, américaine, européenne, russe ou chinoise, n'envisage rien de tel pour le moment. Arguant de restrictions budgétaires, elles se limiteront sans doute à mettre en place soit de nouveaux robots explorateurs, soit des stations d'observation en orbite. Il faut rappeler en effet que les conditions sont très différentes. La distance implique des voyages aller et retour de plus de 6 mois, des conditions de télécommunications bien plus difficiles et, en ce qui concerne des missions humaines, le risque d'exposition à des radiations cosmiques pour lesquelles il n'existe guère encore de parade pratique.



Depuis longtemps cependant, entre autres groupes d'influence, la Mars Society américaine, dont il existe des versions européennes, dont l'une française, militent pour que les gouvernements prennent au sérieux le projet non seulement d'envoyer sur Mars des missions habitées de courte durée, mais d'y prévoir des bases d'implantation durables. Selon les prévisions (optimistes) généralement faites à ce sujet, la chose serait possibles vers 2030-35...à supposer que la crise économique actuelle ne s'aggrave pas.

Il se trouve cependant que, récemment, Dennis Tito, multimillionnaire américain et ancien astronaute, a proposé de financer une première mission de 2 ans qui conduirait deux personnes (de préférence un homme et une femme) à orbiter à proximité de la Planète Rouge, sans attendre le délai de 2030 proposé par la Nasa. Cette date, selon lui, est trop éloignée et ne maintiendrait pas l'enthousiasme. Le départ serait fixé à janvier 2018, date à laquelle Mars orbitera au plus près de la Terre. Sinon cela serait effectivement 2031.

Mais il existe à ce jour un projet beaucoup plus ambitieux, intitulé Mars One. Il a été lancé par un ingénieur néerlandais, Bas Lansdorp et vise à installer une colonie humaine sur Mars dès 2023. Les promoteurs du projet estiment que la chose serait réalisable dès aujourd'hui à des coûts relativement modérés (6 milliards de dollars US pour la première phase) en utilisant des techniques existantes et des composants déjà développés, notamment par la société SpaceX. Une particularité du projet est qu'il serait financé en partie par une exploitation médiatique de l'expédition, sur le modèle de la télé réalité. D'autres sociétés privées américaines, intervenant avec succès aujourd'hui dans le domaine des liaisons avec la station spatiale internationale et des vols orbitaux, pourraient envisager de participer. Pour des raisons stratégiques, divers gouvernements ne voudraient sans doute pas rester à l'écart.

Rien n'est encore cependant avancé concernant les solutions technologiques précises qui seraient développées : lanceurs et orbiteurs lourds, modules au sol, accès à d'éventuelles ressources au sol et, par ailleurs, protection durable contre les radiations, pertes de substances osseuses et musculaires, etc. Différentes perspectives circulent, mais autant que nous sachions, elles paraissent encore assez superficielles. Nous renvoyons à l'article en français de Wikipedia qui donne un bon résumé des questions posées et non encore résolues.


Une question de grande importance philosophique

Ceci n'a pas empêché Mars One de lancer une campagne de recrutement pour la sélection finale d'une trentaine de volontaires, qui constitueraient la première équipe de « colons », aux alentours des années 2030.

Se pose à cet égard une question dont l'importance humaine et philosophique est considérable : s'agirait-il, si les conditions techniques le permettaient, en 2030 ou plus tard, d'une mission sans retour ? Autrement dit, les premiers colons devraient-ils envisager de demeurer le reste de leur vie sur Mars, dans l'espoir non seulement de s'y implanter avec succès, mais d'être rejoints (outre leur progéniture éventuelle), par d'autres terriens décidés comme eux de s'implanter dans l'espace, afin d'en assurer progressivement la colonisation et le peuplement.

Aujourd'hui, la question reste floue. Selon certains des promoteurs de Mars One, les moyens pour assurer le retour sur Terre ne seraient pas disponibles avant plusieurs décennies. Le plus raisonnable serait d'envisager un voyage sans retour, autrement dit un adieu à la Terre et aux terriens, en dehors des arrivées de nouveaux colons (et bien entendu des liaisons virtuelles). Mais se trouveraient-ils des humains capables de faire délibérément un tel choix, même s'ils en espèrent la gloire de rester durablement dans la mémoire des hommes. Les autorités publiques devraient-elles, pour leur part, l'encourager ?

Le prix Nobel de Physique Gerard' t Hooft, « ambassadeur » du projet Mars One, a pour sa part expliqué dans un article du NewScientist en date du 6 avril 2013 qu'il soutenait fortement cette idée d'une colonisation sans retour, seule solution capable selon lui de créer un véritable flux exploratoire durable. Lire l'article "Nobel physicist : Give people a one-way ticket to Mars"

S'il en avait l'âge, selon lui, il serait sans doute candidat au départ. Nous voulons bien le croire. Nous voulons bien croire aussi, plus sérieusement, que le moment venu, les volontaires ne manqueront pas. C'est de cette façon que les premiers hominiens ont progressivement peuplé la Terre. On peut penser que cette capacité se trouve inscrite dans les gènes des espèces exploratrices, quel que soit leur attachement à leurs berceaux d'origine.

Jean-Paul Baquiast 10/05/2013


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