Navrant : le Musée du Slip a fermé ses portes

par Fergus
jeudi 14 janvier 2016

 La presse belge avait relayé la menace en décembre : le Musée du Slip risquait de fermer ses portes pour cause de fin de bail. Hélas ! cette tragique nouvelle qui met gravement à mal l’identité de la Belgique est devenue une triste réalité. Côté slip, Bruxelles n’a plus la frite...

Il existe dans la capitale belge quelques lieux incontournables que tout voyageur se doit d’avoir visité, de préférence – pour éviter « la douffe » (la cuite) – avant d’avoir enchaîné les chopes de Gueuze, les apéros branchés au Zizi Coin Coin ou, à l’ancienne, les petits verres de « peket » après le traditionnel moules-frites ou le non moins traditionnel waterzooï qu’il convient de ne pas avaler par le « trou du dimanche » (de travers). Sont évidemment au programme touristique l’Atomium, la Grand-Place, la cathédrale Saints Michel et Gudule, ainsi que le Palais royal où, savez-vous une fois, ne nichent plus Sa Majesté Philippe, roi des Belges, et son épouse Mathilde. Qu’à cela ne tienne, les lecteurs de Voici ou de Gala savent pousser jusqu’à Laeken pour entrevoir le château où vit désormais le couple royal, et visiter les serres au printemps.

Quant aux amoureux de l’esprit belge et tous ceux qui, malgré l’embonpoint et la calvitie qui trahissent l’outrage du temps, ont conservé un esprit résolument jeune, c’est à la découverte du fameux parcours de la Bande Dessinée qu’ils partent dans les rues de la capitale belge. Au programme, principalement à Bruxelles et Laeken, une cinquantaine de fresques murales qui mettent à l’honneur les principaux héros nés de l’imagination des créateurs de BD « d’Outre-Quiévrain », comme disaient naguère les commentateurs sportifs français. Avec, tout au long du chemin, de nombreux estaminets pour se rincer la glotte ou se réchauffer s’il fait dehors un temps trop « caillant » à se filer les « kiekebiche » (la chair de poule). Mais attention aux « bacs à schnick », ces bistrots bruyants parfois mal fréquentés où un échauffé par les bières d’abbaye peut vous prendre à partie et vous apostropher ainsi : « Kus men kluut  !  », ce qu’un britannique avisé ne manquerait pas de traduire par « Kiss my bollocks ! »

Impossible pour le visiteur de ne pas faire également un petit détour par cette intersection du quartier Saint-Jacques où sévit en toute impunité l’exhibitionniste belge le plus connu. Je veux parler bien sûr de ce petit bonhomme, juché sur une fontaine à l’angle des rues de l’Étuve et du Chêne. Nommé Manneken-Pis et bistouquette en main, ce délinquant multi-récidiviste s’est en effet acquis une réputation internationale qui l’apparente à Dominique Strauss-Kahn et Bill Clinton dont une partie de la notoriété est également due à la manière d’utiliser leur chipolata.

À ces attraits touristiques diversifiés, Bruxelles avait en outre ajouté en 2009 un musée pour le moins original à l’initiative de Jan Bucquoy, un artiste belge à l’imagination débordante, parfaitement ancrée dans la bonne vieille tradition surréaliste : le Musée du Slip. Installé au 52 rue des Éperonniers, à 150 m de la Grand-Place, cet établissement de taille modeste occupait l’étage d’un débit de boissons un tantinet libertaire, le « Dolle Mol  », ce qui, comme chacun sait, signifie en français « Taupe aveugle ». Hélas, le propriétaire du lieu a décidé de ne pas renouveler le bail qui s’achevait le 31 décembre 2015 pour installer à cette adresse un B&B. Exeunt le Dolle Mol et le Musée du Slip, comme me l’a confirmé Jan Bucquoy, à la recherche désormais d’un autre lieu d’accueil pour sa collection de calbuts, slibards, calcifs et autres petites culottes plus ou moins affriolantes.

Quelle perte, en effet ! Songez que figurent dans cette collection les dessous de personnalités comme Jean-Marc Barr, Guillaume Durand, Brigitte Lahaie, Plastic Bertrand, Jean-Michel Ribes, et même le caleçon de Didier Reynders, vice-Premier ministre belge. Hélas ! il manque à cette originale collection les slips de François Hollande et Nicolas Sarkozy, mais au train où s’effondre leur popularité, c’est à poil qu’il risquent d’aborder l’année 2017. La décence impose donc de leur laisser au moins cet accessoire vestimentaire pour sauver ce qu’il leur restera de pudeur.

Croisons les doigts pour que le réalisateur de l’inoubliable film « La vie sexuelle des Belges », parvienne à trouver un lieu d’accueil pour cette collection emblématique dont seuls les « zinneke » (imbéciles) n’apprécient pas la noblesse à sa juste valeur. On ne dira en effet jamais assez à quel point le slip est important dans l’imaginaire collectif, et même – j’ose l’affirmer – dans le génie de l’humanité et la défense des Droits de l’Homme. Ce que résume parfaitement Jan Bucquoy par ces quelques mots : « Il ne s’agit pas d’une attitude fétichiste, mais purement philosophique qui est de démontrer que tous les hommes sont égaux devant le slip. »

Puisse cet émouvant accessoire vestimentaire retrouver son musée, Potferdek ! (Nom d’un chien !)


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