Standard & Poor’s moins indulgente pour la France que les autres agences de notation
par Sylvain Rakotoarison
lundi 3 juin 2024
« Nous avons sauvé l'économie française ! » (Bruno Le Maire, le 31 mai 2024).
C'est avec cette petite phrase que le Ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire a accueilli la décision très attendue (et redoutée) dans la soirée de ce vendredi 31 mai 2024 de l'agence de notation Standard & Poor's de dégrader la note de la France de AA à AA–. « Nous avons dépensé pour bien protéger. Ces dépenses indispensables ont évidemment augmenté la dette. », mais la dette française trouve « facilement preneur sur les marchés », a-t-il ajouté.
Pour Bruno Le Maire, en effet, la politique très dépensière du quoi-qu'il-en-coûte a permis de sauver des centaines de milliers d'emplois et des milliers d'entreprises de la faillite lors de la crise sanitaire du covid-19. Il a réaffirmé son objectif très ambitieux de réduire le déficit budgétaire en-dessous de 3% du PIB en 2027.
Alors que Moody's et Fitch avaient maintenu la note de la France le 26 avril 2024, Standard & Poor's, qui est sans doute l'agence de notation des dettes souveraines les plus écoutées des marchés, a été un peu plus sévère qu'elles pour sanctionner le déficit de 2023 beaucoup plus élevé que prévu. Il faut cependant rappeler que si elle avait maintenu sa note, cette note pour Fitch était déjà à AA– (avec un système de notation comparable). Malgré cette dégradation, la note signifie que le pays reste encore un pays de haute qualité pour ses obligations.
Cette dégradation de la note pourrait, si elle se répétait, avoir des effets dévastateurs si les taux d'intérêts devaient monter pour que la France puisse emprunter dans les marchés mondiaux. Elle sanctionne non seulement le déficit de 2023 mais finalement l'ensemble des budgets déficitaires depuis le début de la Présidence de François Mitterrand. Globalement, cela fait plus d'une génération que nous vivons au-dessus de nos moyens et que nous reportons l'addition aux générations suivantes. Les augmentations de taux pourraient amorcer un cercle vicieux, une spirale où les intérêts de la dette seraient tellement importants qu'il faudrait emprunter et emprunter.
Heureusement, la France n'en est pas là et a des fondamentaux sains puisque malgré le freinage de la croissance, le nombre de création d'emplois ne descend pas. Certes, la dégradation envoie un signal négatif, mais il y a d'autres signaux positifs pour les investisseurs étrangers et la France reste toujours le pays européen le plus attractif pour les investisseurs.
La dégradation de la note de la France doit donc être comprise comme un avertissement pour bien suivre la trajectoire annoncée du gouvernement de baisse à 2,9% du PIB de déficit dans trois ans. La crédibilité du gouvernement est cependant mise en cause par l'expérience du passé.
Inévitablement, les opposants de toute sorte à Emmanuel Macron vont bien sûr fustiger cette dégradation sans voir d'ailleurs une contradiction avec leur opposition aux réformes des retraites, de l'assurance-chômage, etc. qui contribuent pourtant à réduire les dépenses de l'État. On se plaint des carences dans l'éducation, la santé, la justice, la police, etc. et si on suivait la plupart des programmes des partis d'opposition, le déficit budgétaire bondirait de 100 milliards d'euros supplémentaires !
L'agence S&P, qui analyse la situation financière des États, prévoie que la dette de la France, qui est à 109% du PIB en 2023, atteindra 112% en 2027. Dans un communiqué, l'agence ajoute de manière assez pessimiste : « Même si nous pensons que la reprise de la croissance économique et les réformes économiques et budgétaires récemment mises en œuvre permettront à la France de réduire son déficit budgétaire, nous prévoyons maintenant qu'il restera supérieur à 3% du PIB en 2027. ».
Deux motions de censure pour contester la gestion des finances publiques ont été déposées et seront débattues lundi 3 juin 2024, une du RN et une de la Nupes. Le parti Les Républicains, en principe, ne devrait pas les voter, même si son président Éric Ciotti est très critique sur la politique du gouvernement en matière budgétaire. Dans "Le Parisien", Bruno Le Maire a affirmé : « Il n'y aura pas d'impact sur le quotidien des Français (…). Je prends note de cette décision. Elle ne change rien à ma détermination à rétablir les finances publiques. Nous avons commencé à le faire, nous continuons. ».
Malgré ces propos visant à dédramatiser, la dégradation de la note française ne va toutefois pas contribuer à renforcer la liste de la majorité présidentielle menée par Valérie Hayer aux élections européennes dans maintenant une semaine.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (01er juin 2024)
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Pour aller plus loin :
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Assurance-chômage : durcissement pour plus d'emplois ?
Les 10 mesures de Gabriel Attal insuffisantes pour éteindre la crise agricole.
Le Tunnel sous la Manche.
Agences de notation Moody's et Fitch : la France n'est pas dégradée !
Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".