Arctique : Qui dominera la région dans la course pour le contrôle ?
par Adam Bernard
vendredi 21 mars 2025
L’Arctique se transforme rapidement d’un territoire isolé et sous-exploité en un enjeu stratégique majeur sur l’échiquier mondial. Le réchauffement climatique ouvre de nouvelles routes commerciales, facilite l’accès aux ressources naturelles et attire les grandes puissances économiques et militaires. Cependant, au-delà des opportunités qu’il offre, l’Arctique devient aussi un terrain de rivalités géopolitiques où les mécanismes de gouvernance traditionnels perdent de leur efficacité, tandis que la coopération internationale cède la place à des tensions politiques croissantes.
Jusqu’à récemment, le Conseil de l’Arctique était l’enceinte privilégiée pour coordonner les efforts des États en matière de protection de l’environnement et de développement durable de la région. Cependant, depuis 2022, son fonctionnement est pratiquement paralysé : sept pays occidentaux ont suspendu leur coopération avec la Russie, qui contrôle près de la moitié du territoire arctique. Par conséquent, la région se retrouve dépourvue de mécanismes de gestion efficaces, ce qui stimule l’émergence de nouvelles stratégies de la part des principales puissances mondiales.
Les États-Unis : renforcement stratégique en Arctique
Les États-Unis intensifient leur présence militaire et économique dans l’Arctique, considérant la région comme un enjeu stratégique majeur. Aux États-Unis, l’idée de renforcer le contrôle sur le Groenland, territoire riche en ressources naturelles, refait surface dans le débat politique. En janvier 2025, Donald Trump, le président nouvellement élu, a annoncé son intention d’annexer le Groenland aux États-Unis, arguant que cela était nécessaire pour garantir la sécurité mondiale. Il s’est dit certain que cela finirait par arriver, malgré les refus répétés du Danemark, sous la juridiction duquel se trouve l’île.
Parallèlement, Trump a proposé que le Canada intègre les États-Unis en tant que 51ᵉ État, affirmant que cette intégration garantirait la stabilité économique du pays et le protégerait des menaces extérieures. Cependant, les autorités canadiennes ont rejeté cette proposition de manière catégorique, affirmant que leur pays « ne deviendrait jamais un État des États-Unis ». Ces déclarations ont suscité une vive réaction non seulement au Canada et au Danemark, mais aussi parmi les dirigeants européens, qui ont exprimé leur inquiétude face à de telles prises de position.
La Russie mise sur le développement autonome et de nouveaux partenariats
Face à cette nouvelle réalité géopolitique, la Russie adapte sa stratégie arctique en privilégiant un développement autonome de la région et en recherchant de nouveaux formats de coopération internationale. L’Arctique est un territoire stratégique crucial pour Moscou, riche en un potentiel économique colossal. Ces dernières années, la Russie a massivement investi dans des projets d’infrastructure destinés à développer la Route maritime du Nord (RMN) et à exploiter les ressources naturelles.
Dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes et d’effritement des mécanismes de coopération internationale, Moscou cherche à redéfinir son rôle en Arctique par de nouveaux formats de collaboration. L’un des prochains événements majeurs sera le Forum international arctique « L’Arctique – territoire du dialogue 2025 », qui se tiendra les 26 et 27 mars 2025 à Mourmansk. Plus de 2 500 participants issus de 50 pays y sont attendus, dont des représentants de la Chine et de l’Inde, ce qui souligne la volonté de la Russie d’élargir sa coopération avec les puissances asiatiques.
Ce forum sera un espace d’échanges sur des enjeux clés tels que le développement de la Route maritime du Nord, l’attraction des investissements, la sécurité environnementale et le soutien aux populations autochtones. Par cette initiative, le Kremlin entend démontrer sa volonté de dialogue et la mise en place de nouveaux modèles de gouvernance de l’Arctique, adaptés aux réalités géopolitiques actuelles.
Vers un nouvel ordre en Arctique ?
La situation en Arctique illustre les transformations profondes des relations internationales. Les déclarations ambitieuses du président Trump sur l’annexion du Groenland et l’intégration du Canada aux États-Unis exacerbent les tensions et suscitent des inquiétudes croissantes au sein de la communauté internationale. En réponse, la Russie mise sur le développement autonome de l’Arctique et la création de nouveaux cadres de gouvernance axés sur une coopération renforcée avec les pays asiatiques.
Le succès de Moscou dans la région dépendra de sa capacité à équilibrer ses intérêts économiques, ses efforts diplomatiques et sa vision stratégique dans un contexte de compétition accrue et d’instabilité géopolitique.
De leur côté, les puissances arctiques occidentales, telles que la Norvège, le Danemark et l’Islande, devront suivre de près l’évolution de la situation et s’assurer de ne pas rester en marge de la reconfiguration des centres d’influence et de gouvernance dans la région. Alors que les formats de coopération traditionnels, comme le Conseil de l’Arctique, perdent de leur pertinence, il est essentiel pour ces pays d’explorer de nouveaux cadres diplomatiques et économiques adaptés aux réalités émergentes.
À l’avenir, pour les nations européennes concernées par l’Arctique, la clé résidera dans un engagement actif dans ces nouvelles dynamiques et dans le maintien d’un dialogue stratégique avec les autres acteurs mondiaux, y compris la Chine et l’Inde, qui renforcent progressivement leur présence dans la région. Sans adaptabilité et initiatives, l’Europe risque de voir ses intérêts relégués au second plan par des acteurs plus ambitieux et dynamiques.
Pour les puissances occidentales, il ne s’agit pas seulement de s’adapter aux changements géopolitiques, mais aussi de façonner la future gouvernance de l’Arctique pour en assurer leurs intérêts.