Racisme à la sauce pseudo- intellectuelle sur les ondes de Radio-Canada

par Michel Monette
lundi 3 octobre 2005

Des propos offensants tenus à la télévision de Radio-Canada par un psy qui joue à la star médiatique ont provoqué un lever de bouclier au Québec. Je vous donne en mille ce qu’a déclaré ce psychiatre-amuseur-de-foule : les noirs et les Amérindiens ont un quotient intellectuel génétiquement plus faible. Cette affirmation qu’il prétend fondée sur des études scientifiques est tellement grosse qu’elle vaut davantage que le mépris comme réponse.

Si l’on se fie aux cotes d’écoute, plus d’un million de Québécois, dont un bon nombre d’enfants, ont entendu l’animateur poser sa question grosse comme un missile dirigé vers le centre ville de Bagdad. Résultat : Tout le monde en parle au Québec, du faible quotient intellectuel des noirs et des Amérindiens. Malheureusement, les dommages collatéraux sur les communautés noire et amérindienne ont été amplifiés par l’auréole scientifique entourant la réponse. Le pire est que ni l’animateur en question, ni Radio-Canada, ne regrettent leur choix de diffuser l’extrait qu’ils auraient fort bien pu enlever.

La science n’autorise pourtant nullement de tels propos

Plusieurs chercheurs québécois ont souligné le caractère biaisé ou partial de la principale étude sur laquelle se fonde l’invité de l’émission clône de celle diffusée sur France 2 : The Bell Curve de Richard J. Herrnstein et Charles Murray.

Mais, au-delà de la validité d’une ou deux études sur le QI, la communauté scientifique est surtout divisée sur la capacité de mesurer l’intelligence, et encore plus sur la possibilité de le faire à partir du quotient intellectuel.


The view that intelligence is complex and multifactorial has predominated in recent times (Daniel, 1997), suggesting the single global IQ derived from an intelligence test does not reflect intellectual functioning for all children.

James B. Hale & Catherine Fiorello. Beyond the Academic Rhetoric of g : Intelligence Testing Guidelines for Practitioners, Part I.

Il aurait mieux valu que le psy des ondes ne s’aventure pas à l’aveuglette dans ce marécage scientifique qu’est la mesure de l’intelligence. Mais il l’a fait, et nous devons réparer les pots cassés.

Le racisme intellectuel est le pire des racismes

Ce que le QI semble mesurer assez correctement, ce n’est pas l’intelligence, mais « les performances dans la capacité de raisonner, de prévoir, de résoudre les problèmes, de penser abstraitement (...) qualités auxquelles est subordonné le succès scolaire (Michel Duyme, directeur de recherches au Cnrs) ». Toute une nuance !

Or, d’une part la capacité de réussite scolaire dépend de nombreux facteurs qui jouent tant sur l’inné que sur l’acquis, d’autre part « l’intelligence ne se manifeste pas indépendamment de la culture ».

Laisser entendre le contraire, n’est-ce pas insinuer que ce qui est analysé comme un effet, dans cette prétendue infériorité intellectuelle des noirs, serait en réalité une cause ?

L’impact du facteur génétique sur l’inné est de l’ordre de l’hypothèse. Il s’agit d’un sentier tellement parsemé de pièges scientifiques qu’on se demande bien si l’on pourra un jour réussir à se rendre au bout de cette hypothèse.

Lancer avec assurance qu’il a été scientifiquement prouvé que la génétique joue en défaveur des noirs, et ajouter en plus que cela est dû à la sélection naturelle lors de la traite des noirs, ne peut donc servir qu’à des fins racistes.

Aurons-nous droit à des excuses publiques, au moins de la part de Radio-Canada ?


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