Les naufragés du système de santé
par Danièle PIERRA
lundi 11 novembre 2024
La pénurie de médecins traitants nous plonge dans de véritables errances sanitaires.
Le texte fondateur de la déontologie médicale est le serment d'Hippocrate. Il stipule entre autres : "je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me le demandera". "Je ferai tout pour soulager les souffrances". Il semblerait que ce précepte soit largement bafoué.
Ainsi :
- La pénurie de médecins que nous connaissons actuellement est discriminatoire à plus d'un titre.
* Certains territoires sont favorisés par rapport à d'autres. Cette loterie est insoutenable.
* La discrimination économique est une conséquence indirecte mais inévitable de cette inégalité. En passant par un médecin traitant, vous êtes remboursé à 70 % du prix de la consultation par la caisse primaire de l'assurance maladie (CPAM). La consultation chez un médecin hors parcours coordonné sera remboursée à hauteur de 30 % du prix de la consultation. Les "sans médecin" subiront ainsi la double peine ou renonceront à se faire soigner.
Certaines tentatives de culpabilisation du patient accusé de vouloir s'établir dans une région à faible densité de médecins, voient le jour. La France vieillit et nos aînés aspirent légitimement à se rapprocher de leurs enfants. Cette mobilité géographique s'observe aussi et surtout chez les 150000 fonctionnaires d'état. Ainsi, tous ces potentiels patients sont livrés aux affres de ces difficultés actuelles.
Des vagues de patients dont les pathologies ne devraient pas relever des urgences déferlent dans ces endroits surpeuplés, faute de mieux. C'est leur seule bouée de substitution. L'automédication s'inscrit dans ce même esprit au détriment de la sécurité de chacun. Les délais d'obtention d'un rendez-vous sont longs, très longs, risquant de transformer des pathologies légères en pathologies lourdes.
L'UFC que choisir du 8 novembre 2022 dénonce la pénurie de médecins qui ne pratiquent pas de dépassements d'honoraires. Par contre, les enquêteurs observent que 46 ;9 % des pédiatres, 64,3 % des ophtamologues et 68,6 % des gynécologues pratiquent le dépassement d'honoraires.
Vingt cinq siècles après Hippocrate les traits de la médecine d'exclusion se font jour. Sept millions de Français n'ont pas actuellement de médecins traitants, dont 600000 en affection de longue durée (ALD).
Ce qui était considéré comme un outil de régulation (numérus clausus) depuis 50 ans, nous met la tête sous l'eau. Monsieur François Bayrou déclarait "moins il y aura de medecins, moins il y aura d'ordonnances à rembourser". Il était alors au CNR volet santé (source : enquête de Arnaud Aubry pour France 2 Mayenne).
La liberté d'installation des médecins généralistes a été remise en question au plus haut niveau de l'état. Malgré l'avis de la cour des comptes et les promesses d'Emmanuel Macron, cette "caste" reste intouchable.
Pour ajouter aux failles croissantes de la médecine, il faut préciser que le nombre de lits hospitaliers ne cesse de reculer. Par ailleurs, l'enquête de France Info du 24 septembre 2023 par Benoit Collombat alerte sur le manque de médicaments, surtout d'anticancéreux et de médicaments pour malaladies cardiovasculaires.
Nous n'avons, hélas, aucun moyen de pression à part nos votes. Ceux qui parviennent à se faire entendre dans notre pays ont un certain pouvoir de nuisance par blocage de l'économie, paralysie des routes, des chemins de fer etc ... Nous, nous sommes les naufragés de la santé. Nous nageons et nagerons encore dans les eaux troubles des refus et des parcours de santé exténuants pour de longues années encore.
Pour Isabelle P