Solidarité au peuple marocain !

par Sylvain Rakotoarison
dimanche 10 septembre 2023

« Le chaos total, les gens couraient partout. Je suis allé dans la médina. Il y a deux mosquées dans le quartier Derb Dabachi dont les minarets sont tombés, deux maisons sont écroulées. Il y a des gravats partout. » (Un expatrié français à Marrakech, sur France Info le 9 septembre 2023).

Le matin de ce samedi 9 septembre 2023, les Marocains se sont réveillés avec l'horreur dans la tête. En fait de réveil, beaucoup n'ont pas dû dormir cette nuit-là et probablement les nuits suivantes : il y a eu un tremblement de terre de magnitude 6,8 sur l'échelle de Richter le vendredi 8 septembre 2023 vers 23 heures 11 à environ 70 kilomètres au sud-ouest de Marrakech, au Maroc.

C'est le plus grave séisme qu'a connu le Maroc depuis plusieurs siècles. Celui qui a énormément secoué Agadir le 29 février 1960 à 23 heures 40 et qui a entraîné la mort d'environ 12 000 personnes (et a blessé environ 25 000 personnes) n'était "que" de magnitude 5,7 mais il a fait de terribles dégâts en raison de la localisation de l'épicentre (juste en dessous d'une grande ville), une catastrophe qui est restée dans la mémoire collectif du Maroc.

Ce pays est malheureusement "mal placé", il est situé sur une faille entre la plaque africaine et la plaque eurasienne. Depuis cent ans, six autres séismes ont été enregistrés au Maroc d'un magnitude comprise en 5 et 6, dont celui d'Al Hoceima, à 400 kilomètres au nord-est de Rabat, le 24 février 2004 de magnitude 6,3 qui a tué 628 personnes.

Il faut remonter au tremblement de terre dit de Lisbonne du 31 mars 1761 (qui affecta aussi le Maroc et l'Espagne) de magnitude 8,5, au tremblement de terre de Meknes du 27 novembre 1755 de magnitude comprise entre 6,5 et 7,0, et au célèbre tremblement de terre de dit Lisbonne du 1er novembre 1755 (qui affecta de même le Maroc et l'Espagne) de magnitude comprise entre 8,5 et 9,0 (suivi d'un tsunami) pour retrouver des catastrophes équivalentes ou même plus extrêmes.

Depuis la matinée de samedi, les compteurs affolés, hélas, ne cessent d'augmenter dans un décompte macabre du nombre de victimes. Au 9 septembre 2023 à minuit, les autorités marocaines ont annoncé au moins 2 012 morts et 2 059 blessés (dont de nombreux en état critique) et malheureusement, il faut imaginer que cela s'aggravera au fur et à mesure que les secours découvriront les corps des victimes.



La grande majorité des victimes a été trouvée dans les provinces d'Al Haouz (au moins 1 293 morts) et Taroudant (au moins 452 morts), mais il y a eu aussi des morts jusque dans les provinces d'Agadir et Casablanca. Marrakech, Ouarzazate et Azilal ont été touchés également. Des secousses ont été ressenties à Essaouira, Rabat, Fès, et au-delà, en Algérie, au Portugal et en Espagne.

Le pays subit actuellement une forte sécheresse et une canicule, ce qui ne facilite pas les secours, et le relief non plus car beaucoup de villages en montagne ont été touchés dans le Haut Atlas où se trouvait l'épicentre.

Le roi du Maroc Mohammed VI, qu'on dit malade et séjournant actuellement en région parisienne pour des raisons privées, a décidé de revenir d'urgence au Maroc pour soutenir ses compatriotes.

L'aide humanitaire est en train de s'organiser, y compris et surtout de l'étranger pour prendre en charge les personnes blessées (il faut notamment beaucoup de sang et faire des dialyses) et pour tenter de désincarcérer les personnes prises au piège d'un effondrement d'immeuble. C'est une course contre la montre pour sauver le maximum de personnes, en particulier dans les régions les plus reculées et isolées.

Même l'Algérie, en froid diplomatique avec le Maroc depuis deux ans (en raison du Sahara occidental, des relations entre le Maroc et Israël, etc.), a accepté d'envoyer de l'aide et d'ouvrir son espace aérien pour faire venir l'aide internationale.



On sait malheureusement bien que le nombre de victimes d'un séisme est inversement proportionnel au niveau de développement du pays. Les normes parasismiques, même si elles sont obligatoires, ne sont intégrées dans les constructions qu'à partir d'un certain niveau de vie. Le nombre de victimes en Turquie (celui du 6 février 2023 par exemple qui coûta la vie à près de 60 000 personnes) et au Japon est très différent pour un séisme de même gravité en raison du type d'habitation.

Le 9 septembre 2023 midi, la radio France Info a recueilli des témoignages de Français qui se trouvaient à Marrakech et d'autres habitants.

Selon Guillaume Darcourt, le séisme a duré longtemps : « Raisonnablement, ça a dû duré trente à quarante secondes, mais c'est interminable ! ». Cet expatrié a raconté son expérience : « C’est la première fois que je vis un tremblement de terre. Je suis au cinquième étage et d’un coup, ça s’est mis à bouger. C’est pas un tremblement, c’est vraiment une sensation qu’on ne connaît pas. Ça bougeait par en dessous, c’était très fort et très long. L’électricité est tombée tout de suite et j’ai entendu des cris qui venaient de partout. C’est là que j’ai commencé à réaliser. Je me suis dit : il faut sortir mais du cinquième étage, ça faisait déjà dix bonnes secondes que ça bougeait, donc je me suis dit que ce n’était plus le moment de prendre les escaliers. Donc je suis bêtement allé me réfugier sur ma terrasse en pensant : comme ça, je n’ai rien au-dessus de ma tête. Mais ça ne s’arrêtait pas et là, on commence vraiment à avoir peur. (…) À 4 heures du matin, il y avait des dizaines de milliers de personnes qui dormaient dans les rues, dans les parcs. ».

Un autre expatrié français, Michaël Bizet, qui propose des villas en location à Marrakech, a lâché sur Twitter à 3 heures du matin : « À deux pas de nos riads... On a eu chaud ! Pensées aux 100 morts et 50 blessés (pour l'instant) ». Éric Zipper, président d'une ONG, a expliqué : « À 23 heures, les gens étaient à l'intérieur des maisons, ce qui explique le bilan très lourd. ».

Sadia Habiby, une autre habitante de Marrakech : « J'ai senti que mon lit bougeait, il y avait un bruit énorme. Le miroir bougeait, ma fille criait : "Maman, debout ! Debout !". Je n'ai pas eu peur. J'ai été la dernière à sortir. Mon beau-fils a récupéré la voiture et on est parti. Il y avait un monde fou dans la rue, des femmes évanouies, des maisons détruites. Les pauvres ! ».

Que faire en cas de tremblement de terre ? Celui-ci n'était pas vraiment prévisible, du moins précisément en unité de temps et unité de lieu. Sur France 5 le 9 septembre 2023, l'architecte Boris Weliachew, expert en risques majeurs, a raconté son expérience dans un appartement au Japon lors d'un tremblement de terre. Un enfant de 7 ans lui expliquait alors, en le faisant, qu'il fallait fermer le gaz, l'eau et l'électricité, ouvrir les portes et les fenêtres, et se mettre sous une table et attendre. Les Japonais enseignent ces rudiments au plus jeune âge. Pas de panique et rapidité des gestes.

Quand c'est possible, il faut quitter les habitations le plus rapidement possible et se mettre sur une place où il n'y a pas de construction, de monument, dans un parc public par exemple. Au Maroc, échaudées avec le tremblement de terre d'Agadir en 1960 (déjà évoqué), les autorités publiques préconisent entre autres de se réfugier dans sa baignoire si possible.

Le consulat de France à Marrakech recommande, quant à lui : « Il est à l’heure actuelle recommandé par les autorités locales de rester en dehors de tout bâtiment, dans un endroit ouvert, afin d’éviter tout risque en cas de réplique, et ce jusqu’à nouvel ordre. ». Beaucoup d'habitants vont encore dormir à la belle étoile ces prochaines nuits.

Malheureusement, le nombre de victimes va croître ces prochaines heures. Espérons qu'une réplique n'aggravera pas la situation. Condoléances, compassion, soutien et solidarité au peuple marocain.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 septembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
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