L’Etat actionnaire et le suivi de ses participations

par Eliane Jacquot
samedi 19 octobre 2024

Au moment où la situation budgétaire de la France est à ce point préoccupante face à la dérive des finances publiques laissée par les gouvernements qui se sont succédés depuis la mise en place de la politique de l'offre en 2017 qui a conduit à une baisse des prélèvements obligatoires de 60,7 MdsE, il nous semble essentiel de remetre en cause la doctrine actionnariale de l'Etat et de la forteresse de Bercy 

Plus largement sans définition de la politique industrielle, de la planification écologique de l'Etat et de son rôle d'actionnaire d'entreprises financières et du secteur concurrentiel, peut-on lui accorder une quelconque légitimité ?

Les structures éparpillées de l'Etat actionnaire minoritaire 

Créée en 2004 l'agence des Participations de l'Etat (APE) rattachée historiquement au ministère chargé de l'Economie regroupe en 2024 85 entreprises dont 10 cotées dans des secteurs d'activité aussi différents que l’aéronautique, la défense, l'énergie, les transports, l'audiovisuel. L'APE assure ainsi le contrôle de plusieurs entreprises industrielles d'importance stratégique et répondant à des enjeux de souveraineté nationale dont EDF, Airbus, Safran, Thales... et la gestion de participations minoritaires de quelques autres. La valeur totale de son portefeuille au 30 Juin 2024 s'élève à 179,5 MdsE dont 50,29 MdsE correspondent à la valeur des participations dans les sociétés cotées ( Figure 1 Principales participations de l'Etat source, Rapport annuel 2023). Nous avons sélectionné certaines d'entre elles détenues minoritairement qui nous paraissent relever du secteur concurrentiel national et international et susceptibles d'être cédées dans les meilleurs délais.

Engie est détenue à 23,64% pour une valeur de 7677 Millions d'E

Orange est détenue à 13,39% pour une valeur de 3332 Millions d'E

Air – France – KLM est détenue à 27,98 % pour une valeur de 605 Millions d'E

Renault est détenue à 15,01 % pour une valeur de 2122 Millions d'E

La Française des Jeux est détenue à 21,09% pour une valeur de 1243 Millions d'E

Total 14979 Millions d'E

Depuis environ 4 ans, Engie est devenu un leader dans le développement de systèmes énergétiques décarbonés et a retrouvé une stabilité financière. Chez Air-France-KLM les pressions sur les tarifs conduisent à une perte de trafic au profit des concurrents internationaux. Chez Orange la guerre des prix très vive entre les différents opérateurs fait baisser les marges du secteur. Un redressement chez Renault s'est poursuivi en 2023, avec la mise en place du travail partiel, des suppressions d'équipes... mais l'arrivée des constructeurs chinois et de leurs usines permettant de contourner les droits de douane va aggraver sa situation financière. Il est évident enfin que La Française des jeux ne sert pas l'intérêt général.

Il ne s'agit pas de lancer une opération de privatisation : ce sont des participations détenues minoritairement, mais ne serait-il pas opportun de vendre sur les marchés revitalisés par les baisses de taux de la BCE ces 15 Milliards d'E de participations pour les affecter au remboursement de la dette et de supprimer certains postes occupés par quelques hauts fonctionnaires et leurs équipes dans les services pléthoriques de Bercy ? 

Citons à ce propos un Rapport de la Cour des comptes de Janvier 2017( 2) « Cinquante ans après le rapport Nora les mêmes faiblesses demeurent : un portefeuille de participations dispersé et peu mobile, souvent dictées par un étau de contradictions aboutissant à ce que les autres objectifs de politique publique l’emportent sur les préoccupations patrimoniales, aux dépens des entreprises détenues ».

 

Les activités d'investissement de la Caisse des Dépôts et de sa filiale BPI France et leur inventaire à la Prévert conduit à nous interroger sur leur capacité de gestion  Public, Privé gestion d'actifs cotés et non cotés, activité pour compte de tiers avec le développement de Fonds communs de Placement à risque. C'est ainsi que la croissance des métiers a abouti à l'expansion du bilan de Bpi France entre 2016 ( 68 Mds E) et 2021 ( 100MdsE) à laquelle il faut ajouter le développement des activités pour compte de tiers qui représentent plus de 10Mds E fin 2021. Depuis 2020, BPI France propose aux investisseurs non professionnels sa gamme Bpi France Entreprises qui permet aux particuliers d'accéder à une sélection de fonds dans les industries traditionnelles et les secteurs technologiques. 99 Millions E ont été collectés auprès de personnes physiques à travers le FCPR Bpi France Entreprises, selon les conclusions d'un rapport de la Cour des Comptes en 2023. Or ce sont des investissements risqués éloignés de son métier originel. Ces interventions en Capital Développement financées par la CDC la conduit ici à se substituer à des investisseurs privés. 

Au moment où les défaillances de 65000 PME et ETI effacent les effets du quoi qu'il en coûte et que 250000 emplois sont menacés à court terme selon une étude menée par BPCE l'Observatoire, ce signal d'alerte devrait être pris en compte par l'exécutif. Les informations qui remontent du terrain sont sans appel sur le ralentissement de la croissance. D'autre part le dirigeants des instances de l'Etat actionnaire devraient être vigilants dans leurs choix d'investissements à long terme financés par nos impôts et nos dépôts sur les livrets d'épargne règlementés.

(1 )Figure 1 Principales participations de l'Etat, source Rapport annuel 2023

(2) https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/201

Eliane Jacquot

 


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