Anwar al-Awlaki : Le parcours d’un citoyen américain

par William Kergroach
jeudi 8 juin 2023

Après le traumatisme des attentats du 11 septembre 2001, les journalistes américains en quête de liens avec la communauté musulmane trouvaient du réconfort auprès d'un imam à la mosquée de Falls Church, dans la banlieue de Washington. Anwar al-Awlaki, un grand jeune homme barbu, vêtu de façon traditionnelle, cachait son regard espiègle derrière des lunettes rondes. Il était difficile de ne pas être séduit par ce jeune imam de 30 ans qui avait également conquis le cœur de l'armée américaine. Al-Awlaki parlait avec raison et modération, proclamant : "Nous ne sommes pas là pour détruire mais pour construire. Nous sommes un pont entre les Américains et les milliards de musulmans à travers le monde".

Quatorze ans plus tard, Chérif Kouachi, l'un des deux frères responsables de l'attaque meurtrière contre les locaux de Charlie Hebdo à Paris, se revendiquait de Sheikh Anwar al-Awlaki. Lors de la prise d'otages à Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), Kouachi, en contact avec une chaîne de télévision française, révélait : "Moi, Chérif Kouachi, j'ai été envoyé par Al-Qaïda au Yémen. Je suis parti là-bas, et c'est Sheikh Anwar al-Awlaki qui m'a financé". 
Que s'était-il passé ? Comment l'imam qui avait autrefois charmé la presse américaine était-il devenu l'instigateur du "11 septembre français", suscitant une condamnation mondiale ? 
La réponse réside dans son parcours. Anwar al-Awlaki avait une compréhension profonde des deux sociétés. Sa vie oscillait entre le Croissant de l'Islam et les Arches dorées de McDonald's. 


Les sept premières années de sa vie au Nouveau-Mexique, où il était né en 1971, avaient fait de lui un véritable enfant américain. De son adolescence yéménite, il avait acquis une foi inébranlable et une connaissance exceptionnelle du Coran, qu'il pouvait pratiquement réciter du début à la fin. Au Yémen, aux côtés de son père, haut fonctionnaire et proche du redoutable président Ali Abdullah Saleh, il s'était familiarisé avec les subtilités de la vie politique yéménite, l'une des plus complexes au monde. Les vents du djihad soufflaient depuis l'Afghanistan, où les guerriers islamistes luttaient contre l'armée rouge soviétique, avec le soutien en arme et la bénédiction en dollars des Américains. Chez les al-Awlaki, on visionnait les premiers films dépeignant les exploits des moudjahidines afghans, et le jeune Anwar apprenait à aimer ces héros qui quittaient le Yémen pour trouver le martyre en Afghanistan.

Radicalisé à Denver
La radicalisation d'Al-Awlaki a commencé après son retour aux États-Unis. En tant qu'imam dans les mosquées de Denver et de San Diego, il prêchait une forme modérée de l'islam, mais se radicalisait silencieusement, influencé par les enseignements des Frères musulmans égyptiens et le racisme latent de la société américaine.

Le rôle influent d'Internet
La transition d'Al-Awlaki d'un imam influent à un propagandiste en ligne a été catalysée par l'émergence d'Internet. Utilisant sa maîtrise de l'anglais et ses compétences oratoires puissantes, il a commencé à prononcer des sermons et des conférences sur Internet, attirant un public mondial. Sa présence numérique et sa maîtrise des plateformes de médias sociaux lui ont permis d'atteindre des individus vulnérables aux idéologies extrémistes, y compris Chérif Kouachi et d'autres futurs terroristes.

Du charisme à l'infamie
La transformation d'Al-Awlaki a culminé avec son implication dans Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA). Il est devenu une figure influente, prônant la violence et le djihad contre l'Occident. Ses discours enflammés et sa présence en ligne ont attiré des disciples, le conduisant à être considéré comme une menace majeure par les services de sécurité américains.

Le parcours d'Anwar al-Awlaki, d'imam charismatique capable de combler les écarts culturels à une figure de la haine islamique, témoigne des facteurs complexes qui contribuent à la radicalisation. Son exposition au djihad afghan autant qu'au racisme latent de la société américaine ont joué un rôle important dans son évolution. Son expertise des plateformes en ligne a été son arme. L'impact de son influence internationale, démontré par l'allégeance de Chérif Kouachi, souligne la nécessité d'une réflexion approfondie et de réformes en profondeur de nos comportements dans les sociétés occidentales, devenues de véritables fabriques à terroristes. 


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