Israël manque-t-il d’une dissuasion efficace contre l’Iran  ?

par Dr. salem alketbi
mardi 10 octobre 2023

Une déclaration qui a particulièrement attiré mon attention parmi les nombreuses remarques des autorités israéliennes et iraniennes a été faite par Mohammad Islami, le chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique. Il a affirmé qu’Israël est bien conscient que sa menace de cibler les installations nucléaires iraniennes manque de substance et dépasse ses capacités. Il a souligné que toute attaque de ce type provoquerait des représailles dévastatrices. En outre, il a déclaré que «  notre programme nucléaire ne peut être éradiqué par des attaques militaires ou des sanctions  » et il a insisté sur le fait que «  des frappes militaires sur nos installations nucléaires s’avéreraient futiles et conduiraient à une réponse résolue et destructrice ».

Cette déclaration soulève plusieurs questions, principalement en ce qui concerne la crédibilité de ce responsable iranien, qui occupe un poste civil et est généralement considéré comme n’ayant pas l’autorité nécessaire pour évaluer l’efficacité d’une éventuelle frappe militaire israélienne sur le programme nucléaire iranien. Il a même suggéré qu’Israël serait incapable de mettre sa menace à exécution en raison d’un manque de capacités opérationnelles nécessaires.

Pour ceux qui connaissent la politique iranienne, il est évident qu’il existe une dynamique de jeu de rôle bien rodée parmi les dirigeants et les fonctionnaires du régime. Les messages ne sont pas transmis par les canaux conventionnels et les protocoles typiques des systèmes politiques traditionnels.

Compte tenu des caractéristiques uniques du système politique iranien, qui englobent à la fois son idéologie et sa hiérarchie institutionnelle, des messages spécifiques sont attribués aux dirigeants des Gardiens de la révolution. Ils jouent constamment le rôle d’articuler les positions du régime dans les relations régionales et internationales, en particulier à l’égard de ceux qu’ils perçoivent comme des ennemis et des adversaires.

Dans le discours politique iranien, la plupart des officiels adhèrent généralement aux procédures protocolaires conventionnelles. Toutefois, il existe des exceptions, en particulier pour certaines questions et certains dossiers pour lesquels il est convenu que les positions et les déclarations seront sans compromis. Les récentes déclarations du chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique concernant l’incapacité d’Israël à lancer une attaque militaire contre les installations nucléaires iraniennes révèlent plusieurs aspects. Notamment, une grande partie du discours politique et médiatique iranien tourne autour de l’exagération et de la vantardise de la capacité de l’Iran à contrer ses «  ennemis ». Dans le même temps, les capacités d’autres entités à nuire à l’Iran ou à le prendre pour cible sont constamment minimisées et remises en question.

Ce type de rhétorique suit des principes propagandistes enracinés dans les tactiques de guerre psychologique. Par conséquent, il est difficile de s’y fier pour se forger une opinion objective sur la question.

Les remarques du chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique impliquent également qu’il n’écarte pas totalement la perspective d’une attaque militaire israélienne contre les installations nucléaires iraniennes, malgré ses tentatives initiales de faire naître des doutes sur un tel scénario. Il a fermement affirmé que toute attaque de ce type déclencherait une réponse dévastatrice. Cela suggère que l’Iran n’écarte pas complètement cette possibilité et qu’il utilise la menace d’une riposte destructrice comme mesure préventive contre toute action israélienne envisagée.

En outre, cela jette un doute sur la possibilité d’éradiquer le programme nucléaire iranien par une frappe militaire. Ce dernier point a du poids pour les stratèges parce qu’il touche à l’expertise de base du responsable iranien, ce qui implique qu’un assaut sur une ou plusieurs installations nucléaires iraniennes ne conduirait pas nécessairement à l’élimination du programme nucléaire.

Le cœur du programme ne se trouve pas dans les installations physiques, les structures, les usines d’enrichissement de l’uranium ou même les stocks. Il réside plutôt dans les connaissances et les technologies accumulées par les scientifiques iraniens au sein de l’Organisation de l’énergie atomique, dirigée par Islami. Par conséquent, il tire parti de sa position et de son rôle pour transmettre un message qui inclut un «  fait  » qu’il sait que les Israéliens étudieront de près.

Les évaluations préalables à l’attaque suggèrent que les répercussions potentielles d’un échec seraient importantes.

Plus précisément, le programme nucléaire iranien pourrait devenir incontrôlable, ce qui rendrait extrêmement difficile pour l’Occident de le maîtriser par la suite. En outre, une telle issue pourrait fournir à l’Iran un prétexte pour répondre par divers moyens établis, tels que des conflits par procuration et le lancement de multiples zones de conflit visant à saper la sécurité et la stabilité d’Israël.

Il s’agit là de considérations auxquelles Israël réfléchit certainement lorsqu’il évalue le potentiel d’une attaque ou qu’il formule une évaluation stratégique précise à cet égard. La question fondamentale qui se pose ici est de savoir si Israël possède la capacité de dissuader efficacement les menaces nucléaires iraniennes. Il ne fait aucun doute que ce qui préoccupe le plus l’Iran, c’est la possibilité que la ligne de conduite d’Israël à l’égard de Téhéran soit indépendante de la prise de décision des Etats-Unis. Téhéran compte beaucoup sur les Etats-Unis pour tenir Israël en échec.

Par conséquent, la rhétorique et les efforts accrus de l’Iran pour contrer les allusions constantes d’Israël à une éventuelle frappe semblent s’aligner sur tout développement, aussi mineur soit-il, dans les relations Téhéran-Washington, ou venir dans le sillage de ce développement.

Les Iraniens sont parfaitement conscients que l’administration du président Biden est sous pression pour progresser sur la question du nucléaire iranien.

Ce progrès constituerait une réalisation essentielle dans le portefeuille de politique étrangère du président démocrate, surtout si l’on considère les perspectives difficiles auxquelles il est confronté pour assurer un second mandat par le biais d’une réélection.

Avant tout, l’Iran reconnaît la nature complexe de l’option de frappe militaire contre ses installations nucléaires. Il reconnaît également que pour qu’Israël mette ses menaces à exécution, il faudrait l’approbation des Américains. Par conséquent, le discours politique iranien tend à emprunter une voie médiane. Il s’abstient de rejeter catégoriquement cette possibilité, mais cherche plutôt à mettre en doute son efficacité, en particulier dans le contexte d’un gouvernement israélien de droite.

En résumé, ces indicateurs montrent qu’Israël a la capacité de dissuader les menaces nucléaires iraniennes. Les déclarations iraniennes pourraient en effet servir de tactique de guerre psychologique. Néanmoins, elles découlent fondamentalement de la réponse de Téhéran aux positions et déclarations israéliennes concernant le programme nucléaire iranien.


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