La Chine interviendra-t-elle pour mettre fin aux attaques des Houthis  ?

par Dr. salem alketbi
mardi 27 février 2024

Le nom de la Chine a été fréquemment mentionné dans les médias récents lorsqu’il s’est agi de mettre un terme aux attaques des Houthis contre les navires marchands en mer Rouge. Les États-Unis pensent que la Chine pourrait utiliser ses relations étroites avec l’Iran pour persuader Téhéran de mettre fin aux attaques des Houthis. C’est ce qui ressort d’une déclaration du porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby, qui a exprimé le souhait des États-Unis de persuader la Chine d’adopter une attitude positive à l’égard des attaques des Houthis. En réponse à la question d’un journaliste, il a déclaré que la Chine avait une influence sur Téhéran et pouvait négocier avec les dirigeants iraniens, ce que «  nous ne pouvons pas faire ».

Il y a deux aspects importants pour discuter de ce point crucial. D’abord l’aspect économique, où le commerce chinois, comme les autres pays, est affecté par l’augmentation du coût du transport maritime et de l’assurance maritime. Il convient de noter que les navires chinois ne sont pas la cible des attaques des Houthis. Dans ces conditions, les navires chinois voient une opportunité favorable pour développer leurs activités commerciales et bénéficier de l’immunité de la marine chinoise dans cette crise.

Ceci en dépit du fait que les principales compagnies chinoises de transport maritime de conteneurs, telles que COSCO, la quatrième plus grande compagnie de transport maritime de conteneurs au monde, qui exploite 5 % de la flotte de transport lourd et contribue à environ 11 % du commerce mondial, ont interrompu leurs livraisons aux ports israéliens.

Le deuxième aspect est lié à la vision stratégique de la Chine, qui est à plusieurs niveaux et susceptible de changer. La Chine souhaite notamment épuiser les efforts des États-Unis et de l’Occident dans divers conflits régionaux en détournant leur attention de la Chine, tandis que la rivalité stratégique entre Washington et Pékin se poursuit. Cela est également lié au rôle de la Chine en tant que puissance internationale émergente qui souhaite renforcer son statut et jouer un rôle mondial dans la résolution des conflits et la réduction des tensions. Cela pourrait inciter la Chine à faire pression sur l’Iran pour que les Houthis cessent leurs attaques en mer Rouge.

Tout cela implique des objectifs apparemment contradictoires de la Chine. L’équilibre final de ses intérêts selon l’équation des gains et des pertes montre que la Chine pourrait ne pas tirer beaucoup d’avantages stratégiques de l’endiguement de la poussée des Houthis, surtout pas à l’heure actuelle. La position du président Joe Biden devient de plus en plus précaire à l’intérieur du pays à mesure que sa popularité et ses perspectives de réélection diminuent. Pékin pourrait préférer ne pas lui donner une bouée de sauvetage dans ces circonstances, d’autant plus que son mandat, en particulier au cours des deux dernières années, a été caractérisé par une vague de pressions économiques et de sanctions sans précédent de la part de la Maison Blanche à l’encontre de la Chine.

Ces dernières années, la Chine a cherché à démontrer sa position au Moyen-Orient en jouant un rôle clé dans la médiation entre deux grandes puissances régionales, l’Arabie saoudite et l’Iran.

La Chine peut avoir un calcul complexe dans le cas des Houthis, d’autant plus que Pékin sera réticent à intervenir dans une affaire qui implique la possibilité d’un échec et d’un succès. La médiation dans un tel contexte implique de pouvoir influencer les parties au conflit, à savoir les Houthis et les États-Unis, qui dirigent la coalition de l’opération Prosperity Guardian. Par exemple, il est difficile de convaincre Washington de dissoudre la coalition et de mettre fin à la mission si Pékin parvient à faire pression sur l’Iran pour qu’il freine les attaques des Houthis.

Un autre point important concerne la position des Houthis eux-mêmes, qui ont remporté une prétendue victoire de propagande en affirmant soutenir le peuple palestinien. Ils n’ont rien à perdre dans la confrontation avec les Etats-Unis, qui est une bataille de propagande de premier ordre, visant avant tout à saper l’image de la grande puissance et à remettre en question son statut et son influence. Ce qui se passe aujourd’hui s’inscrit donc dans cet objectif principalement soutenu par l’Iran. Reuters a rapporté, en citant des sources iraniennes bien informées, que la Chine avait exhorté la partie iranienne à faire pression sur les Houthis pour qu’ils cessent leurs attaques en mer Rouge. Elle a souligné que ses relations commerciales avec Téhéran souffriraient si les intérêts commerciaux de Pékin étaient lésés de quelque manière que ce soit.

Toutefois, le rapport, qui ne donne pas d’autres détails, indique que Pékin a dit à Téhéran qu’il serait très déçu par l’Iran si des navires liés à la Chine étaient attaqués ou si ses intérêts étaient lésés de quelque manière que ce soit. C’est compréhensible, car la Chine ne veut pas se mettre dans une position embarrassante qui l’obligerait à répondre militairement aux alliés de l’Iran ou à se mettre en colère contre le manque de considération de l’Iran à l’égard des navires chinois.

De toute évidence, la Chine souhaite avant tout obtenir l’immunité ou l’assurance verbale que ses navires marchands transitant par la mer Rouge ne seront pas pris pour cible, d’autant plus qu’elle a d’importants intérêts commerciaux maritimes avec d’autres parties régionales dans la mer Rouge, comme l’Égypte et d’autres, en plus d’Israël. Il est également plausible que la Chine demande à l’Iran de faire pression sur les Houthis si elle parvient à des accords non divulgués avec les États-Unis et leurs alliés navals et Israël sur des intérêts communs. Si la Chine parvient à faire pression à la fois sur l’Iran et sur les Houthis, elle satisfera les autres partenaires régionaux de Pékin, tels que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et d’autres États du Golfe, qui s’inquiètent de l’escalade des tensions en mer Rouge et dans le détroit de Bab-el-Mandeb.

En résumé, la Chine procède à diverses considérations stratégiques pour contrer la menace que les Houthis font peser sur la navigation maritime.

L’équilibre final qui guidera la prise de décision de la Chine dépendra donc de la direction qu’elle prendra  : intervenir activement en faisant pression sur l’Iran pour que les Houthis cessent leurs attaques, ou rester silencieuse et se contenter d’observer le déroulement de la crise.


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