La jeune garde du SPD flingue à tout va

par Europeus
samedi 5 novembre 2005

Décidément, l’Allemagne n’en finit plus de ne pas se remettre des résultats des dernières législatives. Alors que gauche et droite poursuivent péniblement leur longue marche vers la constitution d’une grande coalition socialiste-conservatrice (Mitterrand aurait aimé...) le parti du chancelier sortant, le SPD, a tout bonnement décidé de virer ses « vieux » ! Là, comme ça. Sans ménagement. De quoi profondément agacer (on imagine) des papys flingueurs qui avaient, tout au long de ces dernières années, pris bien soin de tuer dans l’œuf toute velléité (même passagère) de leurs petits. Exit donc la génération

Schröder-Müntefering, et bienvenue à celle des Platzeck-Heil. Bon, forcément, vu sous l’aspect linguistique, la chose n’émeut peut-être pas les foules et n’aide pas à la compréhension de ce micro-séisme, mais elle est suffisamment étonnante pour retourner une partie de l’Allemagne au moins. Car si Matthias Platzeck, actuel Premier ministre du Land de Brandebourg et nouveau « leadsinger » du SPD, ne peut décemment être qualifié de poussin politique avec ses 51 ans bien tassés, il n’en va pas de même de Hubertus Heil qui, à 33 ans, occupe le poste de député de Basse-Saxe. Quant à l’autre « chicken running », Andrea Nahles (35 ans et issue de la région de Coblence), celle-là même qui vient de provoquer la démission de Franz Müntefering de la direction du SPD, elle a pour sa part « préféré » se retirer de la course aux postes... pour le plus grand bonheur d’un Platzeck, qui voit là l’occasion de porter un peu plus loin encore son triomphe.

Reste qu’au-delà des petits meurtres entre amis, la question qui se pose est celle de l’opportunité de cette injection de sang neuf au sein du SPD, et surtout de celle de son timing. Réponse : très probablement opportune, tant la « poussée jeune » se faisait insistante, et ses leaders prêts à jeter l’ancre vers des terres plus accueillantes en cas de surdité prolongée des papy-boomers-flingueurs... en emportant (tant qu’à faire) avec eux le peu d’héritage de gauche restant et durement acquis par le SPD au cours des ans. Car les jeunots se distinguent par un engagement particulièrement ancré à gauche et pourraient, qui sait, peut-être, réussir là où leurs aînés ont échoué : en réalisant la synthèse entre un SPD réconcilié avec ses valeurs historiques et la gauche d’Oskar Lafontaine et de Gregor Gysi, ainsi qu’avec les Verts de Fritz Kuhn et Joschka Fischer.

Reste que le SPD ne sort pas seul meurtri des dernières législatives anticipées. Car si le séisme enregistré à cette occasion a eu des conséquences à gauche, il en a également eu à droite. Ainsi, le chef de la CSU (la variante bavaroise de la CDU), Edmund Stoiber, a fait savoir qu’il n’entrerait finalement pas au cabinet berlinois dans un tel contexte chahuté. Difficile déjà de faire alliance avec le SPD, mais un SPD « implosé » relevait visiblement, pour celui qui compte désormais se consacrer uniquement à sa fonction de Premier ministre de Bavière, du défi insurmontable. Une gifle, donc, à la coalition en construction, mais aussi (et par conséquent) à Angela Merkel

que Stoiber isole et qui perd, en lui, certes son meilleur « ennemi » à droite, mais également son plus sûr soutien conservateur dans ce que beaucoup qualifient déjà de « gouvernement de gauche présidé par une chancelière de droite ». Une alliance déjà peu simple à construire, que les derniers changements à la tête du SPD pourraient, dans un tel contexte, bien encore compliquer, rien n’assurant Angela Merkel que les jeunots de gauche n’aient pas envie de revêtir leur habit de « born killers ».

Kai Littmann est président du Forum citoyen eurodistrict


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