Le droit du sol sort du bois
par olivier cabanel
mardi 11 février 2025
Tout à sa joie d’avoir fait passer son budget, et surtout d’avoir joué au chamboule-tout au sein de l’opposition, sauvant ainsi sa place, Bayrou continue sur sa lancée, et lance une poire de discorde sur l’air de l’identité nationale…
Bien sûr, pour lui, il s’agit de tenir, alors qu’aucune majorité ne peut le soutenir, et il se sent obligé de jouer des coudes, de lancer des sujets qui divisent, mais jusqu’à quand ?
Alors il lance des débats dans une logique de s’attirer les faveurs de l’extrême droite en proposant aux français de se déterminer sur le thème de « qui est français ? »…
Belle question, mais aussi question « casse-cou »...
à droite, certains sont tentés de se réjouir, persuadés qu’en enfourchant le cheval de bataille de l’extrême droite, ils se mettraient dans la poche des électeurs du RN... mais d’autres s’inquiètent devant la lutte qui se prépare entre au moins 3 candidats, au moment où Darmanin veut lancer une primaire…
Et à l’extrême droite, on se frotte les mains, et on n'hésitera pas à proclamer : « préférez l’original à la copie ».. mettant les rieurs de son coté.
Le droit du sol, le débat est lancé...mais qui peut revendiquer le droit d’être un « authentique français » ?
Celui qui l’est, parce qu’il est né là ? Celui qui l’est depuis 1, 2, ou 3 générations ? Celui qui l’était dans un pays alors français, mais qui depuis a obtenu son indépendance ?
Autant de questions complexes, risquant de produire drames et colères…
Prenons le cas des 250 000 tirailleurs sénégalais, que l’armée française avait mis en première ligne, et dont une bonne partie y a laissé sa vie...à l’époque, le Sénégal était donc français...et les enfants de ceux-ci l’étaient par conséquence aussi...avec la règle du « droit du sol », quel sera leur avenir si leurs descendants vivent en France ?
En effet, il ne faut pas oublier qu’ils étaient principalement venus de l’Afrique de l’Ouest, du Golfe de Guinée... ceux qu’on a appelés pour aller vite « les tirailleurs sénégalais ». lien
Ils étaient à l’évidence français, et nombreux ont donné leur sang pour défendre « leur patrie »... et juridiquement leurs enfants l’étaient aussi, même si entre temps, le pays a obtenu son indépendance.
Or, étrangement, malgré toutes les demandes, les régularisations des fils, et petits fils...n’ont pas abouti. lien
Et la question se poserait dans d’autres nombreux cas : prenons l’exemple d’un français dont les racines seraient Kabyles, ce qui est le cas d’un leader d’extrême droite…un certain Eric Zemmour (lien)... ou Jordan Bardella (lien) lequel, interrogé par Jean-Jacques Bourdin, s’est emmêle les pinceaux au sujet de son prénom. lien
Et quid de Sarkösi, dont les ancêtres étaient Hongrois ?…
Amusant de rappeler les propos qu’il a tenu lors d’un dîner organisé par valeurs actuelles : « quand on est fils d’un Hongrois ou fils d’un Algérien et que vous arrivez en France, (...), on vous apprend l’histoire de la France (…) à un moment où vous devenez français, vos ancêtres, ce sont les Gaulois... »... lien
Gaulois ?
Çà reste à voir…
c’est en tout cas ce que conteste François Durpaire, dans son ouvrage « nos ancêtres ne sont pas gaulois ». lien
En effet, si l’on s’en tient aux faits, le Français n’a pourtant aucuns Gaulois pour ancêtre. Il descend des Celtes, des Ambiens, des Helvètes, des Pictes, bref de toutes sortes de tribus, mais d’aucune tribu gauloise, car aucun peuple ne s’ auto-désignait « Gaulois » il y a 2000 ans.
Ce sont les Romains qui ont baptisé « Galli », « Gaule », l’ensemble des tribus qui vivaient alors au nord de l’Italie. Le nom « France » vient des Francs, peuples germaniques qui envahiront la Gaule ensuite : « inventer un Français aux origines gauloises « pure souche », c’était nier une évidence, celle de la diversité ethnique et culturelle sur laquelle s’est construit, et continue de se construire la France » s’il faut en croire le site « France Fraternités ». lien
une question adjacente peut être aussi soulevée : lorsqu’un français d’origine étrangère est condamné par la justice, peut-il garder la nationalité française ?…
c’est une position qui est défendue par l’extrême droite : un repris de justice, naturalisé français, perdrait sa nationalité…
le droit a répondu en partie à la question, puisqu’une loi s’est déjà penchée sur la question. Lien
Mais certains veulent durcir la loi, souhaitant par exemple priver d’allocations la famille d’un délinquant...lien
d’autres scénariis ont déjà été envisagés par la loi (lien) : « une personne condamnée pour crime ou délit (…) il s’agit des atteintes à l’administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique (…) trafic d’influence , détournement de fonds ». lien
Si l’on s’en tient donc à la loi, cela s’appliquerait à Nicolas Sarkösi, lequel vient d’être condamné pour « atteinte à la probité, corruption et trafic d’influence »…lien
est-ce à dire que, selon l’extrême droite, il pourrait être déchu de sa nationalité ?
Du coup, comme le dévoile le Généalogiste Jean-Louis Beaucarnot, ils sont nombreux ces politiques français dont les origines sont troubles, tels DSK qui avait un ancêtre bagnard, un certain Léon Bricot, ou leur cousinage étonnant, comme celui de Borloo et Le Pen (lien), ou l’ex-secretaire du PC, Pierre Laurent, cousin d’un ministre de Sarkösi, François Baroin, ou le cousinage entre Sarkösi et Hollande ...lien
Mais revenons au débat que veut lancer Bayrou sur l’identité nationale.
Pour cela, il faut bien avoir en mémoire de quelle façon le territoire national a évolué au cours des siècle comme on peut le découvrir dans cette vidéo.
Le cas de Mayotte va être intéressant, car ce département est devenu français le 28 mars 2003, (lien), sauf qu’il est le parent pauvre de nos départements : les 3/4 de ces habitants vivent sous le seuil de pauvreté, un taux 5 fois supérieur que dans l’hexagone, malgré les promesses multipliées par les gouvernements qui se sont succèdés.
De plus, l’île attire malgré tout de nombreux comoriens, encore plus pauvres qu’eux, et d’après l’Insee près de la moitié des Mayotais ne possèdent pas la nationalité française...sauf que près d’un tiers de ces étrangers sont nés sur l’île. lien
S’ils sont nés sur Mayotte, ils sont logiquement français...
Or les lois en matière d’immigration sont bien plus restrictives que celle du territoire hexagonal, ce qui pose un évident problème juridique, car Mayotte étant un département français comme les autres, pourquoi n’aurait-il pas les mêmes règles que ceux-ci ?
Serait-ce possible qu’un département français ait une juridiction différente ?
Voilà qui va mettre de l’ambiance au débat voulu par Bayrou...
au-delà de ça, pourquoi ne pas s’interroger sur l’origine de ces français qui forcent le respect, et qui font rayonner le pays dans le Monde entier...alors qu’ils ne sont pas français d’origine, comme on dit…
Un volumineux dictionnaire (Laffont éditeur), sous la direction de Pascal Ory, leur est consacré, citant un certain Zinédine Zidane, Raymond Kopa, Tony Parker, ou Aimé Césaire…, Léopold Sédar Senghor, Guillaume Apollinaire, (né en Italie), Andrée Chédid, Milan Kundera…
et quid de Serge Gainsbourg, d’Yves Montand, Charles Aznavour, Pablo Picasso, Marc Chagall, Léon Gambetta, Robert Schuman...et Édouard Balladur…
Karl Lagerfeld, Pierre Cardin...Marie Curie, Georges Charpak, et des milliers d’autres plus ou moins connus…
comme dit mon vieil ami africain : « les racistes sont des gens qui se trompent de colère ».
le dessin illustrant l’article est de Oli
Merci aux internautes pour leur aide efficace
Olivier Cabanel
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