Le nouveau plan de « circonfusion » ...

 

Les arcanes touristiques

 

Si attirer les touristes en bord de Loire et dans une cité dépourvue hélas de château n'est pas trop compliqué tant le fleuve a le vent en poupe auprès des agences de voyage comme des particuliers en quête d'authenticité, d'histoire et de culture, le plus délicat est de les garder quelque temps afin de profiter pleinement de cette belle aubaine financière pour que prospère le commerce local.

Jamais à court d'idées spectaculaires et d'astuces remarquables, notre bonne municipalité s'est lancée dans une opération spectaculaire désignée sous le néologisme de plan de « circonfusion ». Devant le résultat des plus probants de la chose, je me dois d'en souligner les formidables effets tout en admirant l'efficacité d'une stratégie particulièrement astucieuse.

C'est le quartier Bourgogne, un des cœurs historiques de la cité d'art et d'histoire qui a été choisi pour tisser la toile de ce plan machiavélique. Il convient d'approuver ce choix tant il est judicieux compte tenu du profil de ce quartier. Nous y trouvons en effet des rues en pente qui penchent tout naturellement vers la rivière, rappelant que dans le passé, elle coulait quatre-vingts mètres plus au nord et un merveilleux réseau de rues étroites au tracé plus complexe qu'à l'intérieur de l'ancienne muraille du quatrième siècle. Il y avait là les conditions optimales pour réussir le grand dessein du moment.

En transformant ce quartier si populaire en véritable labyrinthe, les concepteurs espèrent ainsi capturer durablement des touristes pris au piège de ce réseau fait de sens uniques qui ne sont pas tous en concordance, d'impasses nouvellement créés pour engluer d'avantage le valeureux aventurier, automobiliste téméraire qui devra faire en sorte d'éviter les cyclistes qui quant à eux, disposent d'un laisser passer universel.

Pour parvenir à la perfection, le dispositif s'est agrémenté d'une irruption massive de merveilleuses bites jaunes qui ont poussé comme des champignons. L'effet est des plus seyants et a dû recevoir les félicitations de l'architecte des bâtiments de France. Il est vrai que le potelet avait fini par se fondre dans le paysage. Cette fois, pas moyen d'échapper à ce prodige de l'esthétique plastique.

Ces protubérances gracieuses ont aussi la vocation d'occuper un maximum d'anciens espaces sur lesquels pouvait se garer des véhicules. Sans gagner d'espace puisque les excroissances jaunes produisent un merveilleux effet de saturation de la chaussée, ce dispositif poussé jusqu'à la caricature, interdit aux automobilistes de s'arrêter pour demander leur chemin.

Les touristes pris ainsi dans ce piège, passeront alors un séjour inoubliable dans notre cité, se lançant dans un manège circulatoire qui bien mené, peut différer leur programme pour continuer leur périple le long de la Vallée de la Loire. Ainsi, ils se trouveront contraints, après des heures d'errance, de se poser dans un hôtel orléanais, conscients alors que le mieux est de visiter la ville à pied.

Je m'ébaubis véritablement devant l’extraordinaire inventivité des concepteurs de cet inextricable réseau d'arcanes à deux pas de nos arcades royales. J'invite tous les curieux à venir sans tarder participer à cette découverte d'un nouveau genre d'un quartier historique. Il conviendra de prendre quelques dispositions : faire le plein de carburant, prévoir du ravitaillement et surtout rester calme dans votre habitacle. À ce titre, la présence de vos enfants, s'ils sont turbulents, n'est pas souhaitable pour votre équilibre mental.

Faire du touriste un performeur en l'invitant notamment à apporter sa touche personnelle pour modifier l'esthétique de l’un ou de quelques plots qui ne demandent qu'à être tagués, embellis, colorés autrement, personnifiés, prolongera harmonieusement ce fantastique décor urbain qui a transformé la muraille du quatrième siècle en œuvre d'art contemporaine inégalable.

En attendant, seule une pétition circule dans aucun problème !