L’Échiquier du mal – Dan Simmons
par Franck ABED
vendredi 23 mai 2025
Une lutte implacable contre le mal incarné
Publié en 1989 aux États-Unis et traduit en français sous le titre L’Échiquier du mal, ce roman monumental de Dan Simmons n’est pas seulement un thriller fantastique : c’est une plongée vertigineuse dans l’âme humaine, entre manipulation mentale, horreur politique et enjeux métaphysiques.
Un pouvoir terrifiant : l’"Influence"
Au cœur du roman, une idée aussi originale qu’effrayante : certains êtres humains – appelés les « Obscurs » – possèdent la capacité de prendre le contrôle de l’esprit d’autrui. Cette capacité, l’Influence, leur permet de forcer n’importe qui à tuer, à obéir, à se suicider... Bref, à n’être qu’un pion dans un jeu de pouvoir inhumain.
Ces "Influents" forment une sorte de caste secrète, internationale, discrètement responsable de massacres, de meurtres et de tragédies historiques. Pour eux, le monde n’est qu’un vaste échiquier sur lequel ils s’affrontent, par procuration, pour le plaisir ou le pouvoir.
Une galerie de personnages remarquables
Le roman s’ouvre sur une scène choc : trois vieillards apparemment anodins évoquent, avec jubilation, les meurtres qu’ils ont orchestrés. Rapidement, le lecteur comprend qu’il s’agit de monstres, sous des dehors respectables. Contre eux, quelques rares résistants vont tenter de comprendre, de survivre, et de lutter.
Dan Simmons excelle dans la construction de personnages complexes. Saul Laski, rescapé des camps de la mort, en quête de sens et de justice, incarne la voix morale du récit. Face à lui, les antagonistes – surtout Melanie, séduisante et glaciale manipulatrice – fascinent autant qu’ils révulsent.
Une réflexion sur le mal et la liberté
L’Échiquier du mal n’est pas qu’un roman à suspense. C’est aussi une méditation sur la nature du mal, sur l’idée que la domination absolue, le plaisir sadique de contrôler, est peut-être la forme la plus pure de l’inhumanité.
Dan Simmons y développe une critique féroce de la violence structurelle, du cynisme politique, et de l’inhumain caché dans l’ordinaire. L’ouvrage interroge aussi notre libre arbitre : que reste-t-il de nous si une autre volonté peut se substituer à la nôtre ?
Une œuvre dense et puissante
Loin des récits manichéens ou des thrillers simplistes, Simmons livre ici un roman ambitieux, d’une grande richesse psychologique et narrative. L’écriture est dense, précise, parfois crue, toujours maîtrisée. Il faut du souffle pour parcourir ses quelque 900 pages, mais la récompense est à la hauteur de l’effort.