Le message de l’amer

par C’est Nabum
samedi 1er juillet 2023

Une bouteille dans un Océan d'indifférence.

Comme un appel au secours à moins que ce ne soit une vaine et désespérée quête de sens, le blogueur trempe sa plume dans un Océan d'indifférence pour rédiger à l'encre sympathique, un message qui ira se fracasser contre les vagues de la toile. Écrire en français, user d'un lexique qui ne se satisfait point du minimum syndical, employer des tournures et des temps passés de mode, c'est courir le risque d'indifférer ceux qui ont fait don de leur cerveau à la vacuité des temps.

C'est pourtant là nécessaire condition afin de ne pas se plier au dictat de la médiocrité, à l'injonction de la futilité, à l'imposition du vide et du futile. Les réseaux sociaux ne peuvent se contenter d'être le réceptacle de la publicité, de la manipulation de masse dans un océan de fadaises égocentriques. Relevé le gant de la consistance, en appeler à l'effort et la considération, réclamer un peu de temps et de réflexion est certes d'une incomparable prétention mais plus encore, une volonté de ne pas accepter le lent et inexorable naufrage de la langue française.

C'est ainsi qu'il convient de toujours tancer les prétentieux sans culture qui ne cessent de remplacer les mots de chez nous par des termes ronflants et férocement modernes, qui usent jusqu'à l'insupportable des émoticônes, supplétifs commodes pour qui ne sait plus exprimer une opinion, qui pataugent dans les truismes et les âneries à la vogue, qui passent leur temps à partager ce qu'ils sont incapables d'écrire.

La communication ne doit jamais se satisfaire de ces raccourcis qui s'autorisent désormais à mutiler les mots, à galvauder les phrases, à réduite la syntaxe à une bouillie informe. Il appartient aux derniers gardiens de ce trésor qui fut jadis notre langue, de ne cesser jamais de lui conserver son lustre en acceptant le risque de n'être point lu par les lobotomisés du monde cybernétique.

Quatre mille caractères à déchiffrer, des vocables qui exigent parfois d'ouvrir un dictionnaire, des phrases qui s'étirent en langueur, semant de ci, de là, des signes de ponctuation autre que le point d'exclamation, voilà menu indigeste et bien trop roboratif pour l'humain fiché sur son portable à longueur de journée.

C'est pourtant là la provocation suprême pour un communicant obsolète s'offrant paradoxalement le luxe de renoncer au livre. Affronter l'ennemi sur son propre terrain peut sembler aussi suicidaire que vain, c'est malgré tout un acte chevaleresque, donquichottesque même pour se lancer à l'assaut des éoliennes et autres moulins à paroles creuses.

Écrire chaque jour, envoyer dans le plus creux de l'immense vague des propos qui ne surferont jamais sur le sommet de ce flot impétueux, dépourvu dorénavant de la moindre volonté de construire un argumentaire, de structurer un développement, d’échafauder des raisonnements. Face au vide, dresser une patiente tapisserie de signes que certains peuvent encore déchiffrer. Pour combien de temps encore ?

Il se peut que cela soit de plus en plus inutile, ne reçoive nul écho ni main tendue. Ce n'est pas une raison pour renoncer à cette exigence intime, à remplir chaque jour des lignes que je glisserai inlassablement dans une bouteille jetée à la rivière pour qu'elle rejoigne le vaste océan. Prétention d'une incommensurable fatuité revendiquée et poussée jusqu'à la provocation à laquelle j'entends ne jamais déroger tant que j'aurai un souffle de vie.

Ajouter des fariboles, des contes, des sons de ceux que l'on ne donne jamais aux ânes, et vous aurez le tableau le plus absurde d'un amer qui ne se mouche jamais du nez et n'ira jamais se moucher dans le magazine PIF. Tel un hussard noir de la République, pourfendre jusqu'à ce qu'il faille me censurer le modèle de société qu'entend installer celui qui dirige les rênes d'une nation dont il espère le naufrage et la ruine.

À contre-maux.


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