Destin incertain …

par C’est Nabum
dimanche 30 mars 2025

 

Le devenir d'un livre dans un salon éponyme.

 

Un livre, fraîchement imprimé, tente l'aventure de trouver une bonne âme qui se glissera dans ses pages. Il lui faut séduire le chaland qui se promène nonchalamment dans un salon du livre, par le truchement de son auteur qui saura l'apostropher aimablement. Celui-ci doit trouver les mots qui arrêteront la pérégrination d'un futur lecteur afin de l'attirer non dans ses rets mais plus précisément dans son univers livresque. Étrangement alors, la parole devient force de vente pour ce qui relève exclusivement de l'écrit. Ce dernier point le fait basculer dans la dimension commerciale, passage nécessaire sans doute, mais qui suppose hélas pour lui, de vendre son âme.

Nombre de géniteurs plumitifs disposent de ce curieux savoir-faire. Ils ont une stratégie patiemment élaborée au fil des sessions précédentes des incontournables foires aux bouquins, faites d'échecs et de désillusions. Ils ont compris qu'il fallait interpeler celui qui erre comme une âme en peine devant ses piles de livres qui demeurent silencieuses.

Car c’est là que réside le plus souvent le miracle de ce contact fugace qui peut s'achever par une transaction profitable. Un mot, une remarque, un trait d'esprit, une présentation ou une coupure de presse et le contact a lieu. Le vagabond s'arrête, échange quelques mots, pose des questions, fait preuve de curiosité vis à vis de cet être curieux qui s'est lancé dans la rédaction d'un ouvrage.

Le dialogue se tisse autour de la trame d'un roman, des confessions d'un témoignage, des arabesques poétiques ou des apports d'un essai. Il convient de titiller la curiosité, d'ouvrir un espace qui sera peut-être exploré si après l'achat, le livre en question aura l'insigne honneur d'être lu. En effet, c'est là la plus remarquable surprise de cette activité : la vente n'induit pas toujours la lecture ultérieure.

Après une conversation chaleureuse, un quidam peut s'en aller avec un ouvrage sous le bras, liant son destin avec celui qui vient d'être relié. Notre livre risque fort de connaître alors des fortunes diverses qui ne sont pas nécessairement en lien avec les espoirs de son auteur. Souvent, le bouquin en question sera l'objet d'une offrande, d'un cadeau à un voisin ou un ami réputé lecteur comme si ce loisir ouvrait la porte à tous les genres.

Dans d'autres circonstances, l'achat exprime le désir de flatter l'auteur, de le reconnaître ou simplement de lui montrer un attachement amical. Cette transaction sera alors purement matérielle sans que l'essence même de ce curieux objet s'exprime par une plongée dans les secrets de son contenu. Le livre ira alors occuper une place libre dans un rayonnage quelconque sans jamais offrir sa substantifique moelle.

Le plus souvent, après des échanges plus ou moins brefs, le visiteur poursuit sa route, espérant trouver une couverture saillante qui attirera son regard. La forme prime souvent sur un fond qui du reste n'est guère exploré. Combien de visiteurs osent ouvrir au hasard un ouvrage pour en parcourir quelques lignes comme si la chose paraissait incongrue dans un tel lieu.

C'est du reste ce qui m'a toujours surpris. J'ai si peu entendu des auteurs se permettre de lire à haute voix un extrait de leur enfant comme s’ils avaient honte de ce qui se cachait sous la couverture à moins qu'ils ne se sentent pas légitimes à pratiquer cet exercice délicat de la lecture à haute voix. Il convient également de noter que la réciproque est vraie également puisque rares sont les visiteurs qui se posent pour parcourir quelques pages afin de se faire une opinion.

Dans un salon, le livre joue son destin sans guère profiter de ses armes. Il se contente de faire le beau, de s'installer dans un décor qui donnera envie, se contenter sur son créateur pour être avenant, sympathique, souriant ou bien disert. Il demeure en arrière-plan, honteux peut-être de n'avoir pas eu les honneurs de la presse et plus encore des émissions littéraires. Il reste fort dans ce contexte d'expérimenter à son dépens la terrible expression : « rester lettre morte ! » quoique c'est au pluriel qu'il faudrait envisager la chose ...


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