Oslo, ou le pari réussi de la fusion entre ville et nature

par Fergus
mardi 28 mai 2024

Nichée à l’extrémité de son fjord, entre mer et collines, la capitale norvégienne, dépourvue d’unité architecturale et plutôt pauvre en monuments emblématiques, ne prétend pas rivaliser au plan patrimonial avec des villes comme Londres, Prague ou Rome. Elle n’en est pas moins passionnante à plus d’un titre, et ne manque ni de charme ni d’atouts. Mais par-dessus tout, ceux qui l’ont bâtie ont réussi à donner vie au concept énoncé par l’humoriste Alphonse Allais : « construire les villes à la campagne » !

Les saunas de Bjorvika et l’opéra d’Oslo

Aksel amène lentement le drapeau norvégien qui flotte en haut du mât, puis il le plie soigneusement et va le ranger dans la petite maison de bois peinte en rouge. Enfin, après s'être assuré que tout est en ordre, il referme la porte et s'éloigne vers l'appontement pour attendre la navette qui le ramènera au cœur de la ville, sur les quais d’Aker Brygge, à deux pas de l’imposant hôtel-de-ville (Rådhus). La maison fermée pour le long hiver scandinave, c’est dans leur confortable appartement proche du stade Bislett qu’Aksel et son épouse Solveig attendront patiemment le retour du printemps, non sans aller de temps à autre se dégourdir les jambes dans les espaces forestiers du Nordmarka, imbriqués jusque dans la ville, ou passer un week-end sur les pistes de fond du superbe site nordique des Jeux Olympiques de Lillehammer*. Soudain, un bref appel de sirène signale l’arrivée du bateau, faisant fuir les tournepierres à collier, les bécasseaux violets et les harles piette qui squattaient les abords du ponton.

Aksel a de la chance, et il le sait. Posséder dans une île du fjord l’une de ces coquettes maisons est un privilège rare. Mais qu’à cela ne tienne, si peu d’Osloïtes y sont propriétaires, nombre d’habitants de la capitale norvégienne aiment à prendre les navettes aux beaux jours pour aller se détendre dans les îles : la verdoyante Hovedøya et les modestes ruines de son monastère cistercien, les riantes Lindøya, Nakholmen ou Bleikøya, si typiquement scandinaves avec leurs maisons de bois aux couleurs vives, Gressholmen et son phare classé, sans oublier Langøyene et sa plage naturiste. Avec ou sans maillot, bercés par le clapotis des eaux du fjord et le cancanement des bernaches, les Osloïtes viennent s’y dorer la peau, ici sur un carré d’herbe, là sur une dalle de roche aux allures de solarium naturel. Et cela en harmonie avec la nature. Tout au plus les visiteurs sont-ils dérangés, de temps à autre, par les chamailleries des goélands ou la puissante sirène d’un ferry en provenance d’Allemagne ou du Danemark.

Les nus de Vigeland

En réalité, la nature n’est jamais très éloignée du cœur d’Oslo : 18 minutes de métro seulement séparent le Théâtre national des rives sauvages du Sognsvann, l’un des lacs d’Oslo dont un charmant sentier pédestre permet de faire le tour en moins d’une heure. Et 24 minutes de train permettent d’atteindre le non moins spectaculaire – et beaucoup plus vaste – Maridalsvann d’où l’on peut revenir à pied en suivant le cours de la rivière Akerselva, ponctué de quelques belles cascades. Sans oublier le « must » : 37 minutes suffisent aux rames de la ligne de métro n°1 pour partir du centre-ville et dépasser le légendaire tremplin de saut à ski d’Holmenkollen – 134 m de haut ! – avant de s’immobiliser au terminus de Frognerseteren au milieu des pins, des myrtilliers et des framboisiers. Là, à près de 500 mètres d’altitude**, les Osloïtes peuvent, avec une légitime fierté, admirer les reflets moirés des eaux de leur fjord avant de plonger à travers bois, à pied, à vélo ou à skis selon la saison, vers la station Midstuen (à 2,6 km et 250 m de dénivelée plus bas) où le métro les ramènera au cœur de la ville.

Car Oslo, c’est avant tout cela : une ville à la campagne qui a su s’étendre sans dénaturer sa richesse naturelle. Mais Oslo n’est pas que cela, loin de là. Et si la ville est pauvre en collections d’œuvres de grands peintres, mis à part celle, pléthorique, de l’auteur du célèbre « Cri », Edvard Munch, elle est en revanche riche de sculptures. Coulées dans le bronze ou taillées dans la pierre, elles sont omniprésentes, de l’impressionnant tigre qui accueille les voyageurs à la sortie de la gare centrale à ce couple de consommateurs attablé à la terrasse d’un bar d’Aker Brygge, en passant par les enfants du bassin d’Eidsvolls Plass. Sans oublier la prodigieuse collection léguée par Gustav Vigeland dont 214 œuvres, ici en bronze, là en pierre, ont été regroupées dans le parc Frogner. Des sculptures qui symbolisent la famille à tous les âges de la vie, et cela de manière originale : tous les personnages, généralement bien charpentés, sont aussi nus que le jour de leur naissance, y compris ceux dont les corps entremêlés forment un monolithe de 17 m de hauteur, et ceux qui ornent les superbes grilles en fer forgé.

Du Fram au Kon Tiki

On peut aimer ou détester les peintures de Munch ou les sculptures de Vigeland, mais une chose est sûre : pas un visiteur de la capitale norvégienne ne la quittera sans avoir été ébloui, ému ou passionné par les remarquables musées de la presqu’île de Bygdøy (prononcer Bugdeu). Des musées atypiques qui, chacun à sa manière, sont de formidables voyages dans le temps sur les traces d’épopées humaines hors du commun. À commencer par le musée Fram où l’on peut visiter le navire emblématique des expéditions polaires, ce légendaire Fram à bord duquel partirent à la conquête des immensités glacées ces géants de l’exploration polaire que furent Fridtjof Nansen et Roald Amundsen. Tout à côté se dresse un autre musée consacré à l’aventure maritime, celle qui, au péril de leur vie, a jeté Thor Heyerdhal et ses compagnons sur les océans à bord d’improbables embarcations : le légendaire radeau Kon-Tiki, bien frêle avec sa structure de balsa pour faire face aux fureurs de l’océan Indien, et le non moins étonnant Râ II, entièrement construit en… papyrus pour affronter les colères de l’Atlantique ! Mais le plus émouvant reste à venir avec le musée des bateaux vikings, dont celui d’Oseberg, prodigieusement conservé durant plus d’un millénaire d’existence par les boues du fjord (hélas ! le musée est actuellement fermé).

Toujours sur la presqu’île de Bygdøy, le Musée populaire norvégien, installé dans un vaste parc, mérite lui aussi qu’on s’y attarde pour se balader dans ses allées boisées et ses clairières, à la découverte de ses 155 bâtisses caractéristiques de l’habitat et des métiers des différentes provinces de Norvège. Toutes sont authentiques et ont été amenées là, avec d’infinies précautions, dans un but didactique. Mais aussi intéressantes ou séduisantes soient-elles, et certaines sont réellement magnifiques, le joyau du lieu est incontestablement l’étonnante église médiévale en « bois debout » (Stavkirke), transférée du village de Gol (250 km au nord d’Oslo) pour être implantée là et symboliser aux yeux du plus grand nombre une architecture religieuse exceptionnelle ; il ne reste malheureusement plus que 28 stavkirker dans tout le pays.

Sur les toits de l’opéra

De retour au cœur de la cité, on peut encore visiter bien d’autres musées et monuments, y compris le Palais royal en période estivale, et son parc durant 6 mois de l’année. Sans oublier le musée Munch et surtout le Musée national norvégien : le plus grand musée scandinave propose à ses visiteurs de nombreuses collections d’objets et de peintures qui mettent notamment en valeur les artistes locaux dont certains mériteraient assurément une plus grande notoriété. Non loin de là, l’Opéra d’Oslo, inauguré en 2008, présente une étonnante particularité très prisée des Osloïtes : situé en bordure du fjord, ce temple de la musique et de la danse est doté de toits en pente qui permettent de l’escalader jusqu’au sommet d’où l’on peut admirer les eaux de la baie. Toute proche également, la forteresse chargée d’histoire d’Akershus est quelque peu dénuée de charme extérieur, mais on peut y admirer quelques très belles salles.

En revanche, le très austère hôtel-de-ville, aux allures d’empilage de briques Lego®, ne laissera pas un souvenir impérissable si l’on s’en tient à son aspect extérieur, mais il recèle des fresques historiques dignes d’observation pour tous ceux qui s’intéressent au passé de ce pays dont la pleine souveraineté n’a été acquise qu’en 1905***. En définitive, entre deux balades dans l’extraordinaire environnement naturel de la ville, ou deux visites de musées de la capitale norvégienne, le mieux est peut-être de s’en remettre au conseil d’Aksel : flâner dans Karl Johans Gate puis aller s’attabler à une terrasse du Frogner Park ou sur les anciens docks d’Aker Brygge pour déguster des crevettes arrosées d’une bonne Ringnes bien fraîche. « Pour nous, les Norvégiens, le bonheur est dans les choses simples », souligne Solveig dont les yeux pétillent de malice. Comment lui donner tort ?

C’est sur le site nordique de Lillehammer qu’ont été organisés les Jeux Olympiques d’hiver de 1994.

** La dénivelée de la ligne de métro n°1 entre son point le plus bas (station Stortinget) et son point le plus haut (terminus Frognerseteren) est de 469 m. Il s’agit de la plus importante dénivelée d’un réseau de métro de la planète.

*** C’est dans le salon d’honneur de cet hôtel-de-ville qu’est remis chaque année le prix Nobel de la Paix.

À lire également, en rapport avec la Norvège :

Il y a 150 ans : le fabuleux voyage du « Ville d’Orléans »

 

Sur les quais d’Aker Brygge
Statue devant l’hôtel-de-ville
Lindoya, à 10’ de bateau des quais
Statues de Vigeland (Frogner Park)
Stavkirke de Gol
Le Kon-Tiki de Thor Heyerdahl
Le Râ II de Thor Heyerdahl
Statue devant l’hôtel-de-ville
Grille de fer forgé de Vigeland
Sognsvann, à 20’ de métro du centre-ville

Lire l'article complet, et les commentaires