Journal d’un BAC+5 SDF #44

par Patchwork Mental
mardi 18 juin 2024

Mardi 11 Juin 2024

Horrible nuit lors de laquelle je n’ai pas réussi à dormir. A certains moments il y avait tellement de vent que la toile interne vibrait à la fréquence d’Eole. Le bruit des feuillages ressemblait à celui de la pluie, et parfois les deux phénomènes se cumulaient. Une bestiole solitaire hurlait à la mort, un peu comme lorsqu’un chat appelle ses congénères pour laisser court à leurs instincts de reproductions.

J’avais mis l’alarme à 6h20, mais c’était bien trop tôt, même si j’ai passé un bon moment à me vidanger. A part les abricots un peu durs ou les pains aux raisins, j’ai mangé la même chose que d’habitude… Il fait froid, à peine 10°C malgré quelques rayons de Soleil. L’estomac barbouillé je ne mange pas de petit déjeuner. Je me recoiffe et me rase de près et puis rempli mon sac de quelques trucs à grignoter au cas où, une bouteille d’eau et mes papiers.

Encore 4€ pour un ticket de bus, sachant que quelle que soit l’heure à laquelle je le prends, il me sera impossible de rentrer avec le même ticket puisqu’il n’y a pas d’autre bus (gros vide entre 9-12h). J’ai ma petite affichette pour de l’auto-stop, mais je n’y crois pas trop.

 

Aujourd’hui le terminus est bien le « Monument aux Morts ». Pourquoi n’était-ce pas le cas la dernière fois ? Délirant. Quelques minutes de marche et me voilà à Pôle Emploi (oui ils n’ont pas encore changé le nom en fait). Cette fois-ci je me dirige vers la bonne porte et… c’est fermé ! Super, il faut poireauter jusqu’à 8h30. Alors je regarde le ciel. Il y a deux groupes de nuages. Les plus bas, par-ci par-là, sont de longues langues grisâtres. Ceux qui sont plus haut forment des ribambelles de petits coussinets bien alignés.

 

Enfin nous pouvons entrer. Là je peux en profiter pour imprimer mon CV en plusieurs exemplaires. Ensuite il ne reste qu’à attendre une fois encore. La réunion est censée commencer à 9h. Il y a plein de monde, beaucoup plus que je ne l’imaginais. Une femme me fixe du regard, les yeux écarquillés, de longues minutes. Heuuu…

Ah, en fait il y a une seconde réunion qui a « phagocyté » les 3/4 des intervenants : tous veulent le même poste d’assistante dentaire…

 

Commence alors une mini présentation sans grand intérêt, avec en plus la vidéo d’une minute qui n’a pas pu être terminée pour cause d’un problème de connexion. On nous incite à participer à un job d’opérateur de production dans une imprimerie pour les prochaines élections. Moi ça me va très bien. Là où ça aura lieu il y a un camping à 30min de marche, donc parfait. Il devrait y avoir 200 esclaves recrutés sur ce site, j’espère en faire parti. Maintenant il ne reste qu’à attendre la décision finale.

 

Je rentre à pied. C’est le jour du marché. Il y a des poulets qui grillent en parfumant toutes les rues. C’est bien difficile de résister. Je devrais peut-être cesser de résister et laisser mes pulsions s’exprimer. Mais c’est difficile de changer son comportement comme ça. J’y repenserai quand j’aurais une situation stable, si tant est que ce soit atteignable.

Ma pancarte n’aura une fois encore servie à rien.

 

Mini sieste de 30 minutes une fois rentré.

 

Deuxième personne en moins de 10 minutes qui me demande s’il y a un bar ici… Celui là se barre avant même que j’ai fini de lui expliquer qu’il y a un magasin à 5min de marche de là et que les frigos sont disponibles. « Oh non ! Moi j’veux boire ! »

 

Huit retraités prennent l’apéro sur la terrasse. Petit à petit, alors que les bouteilles de binouze se vident, d’autres retraités arrivent, avec du ravitaillement.

Ooooh il y en avait même hors de mon champ de vision, bien au-delà de la terrasse ! Ils sont là, dans nos campagnes ! (Pour ceux qui ont la ref.) Il y a même des gens qui ne sont vraisemblablement pas encore retraités qui s’agglomèrent à cet apéro géant. J’y suis, c’est un club de randonneurs.

V’la qu’ils dévalisent la salle Wifi, lui piquant ses chaises et ses tables.

Maintenant il pleut (c’est une première ici !), et ils envahissent mon havre de paix qu’ils avaient préalablement pillé. J’ai entendu le chiffre 70, si ça se trouve c’est bien leur nombre. Tout à fait possible.

J’ai l’impression que si je m’absente ils vont me piquer ma dernière chaise. Surtout que la pluie redouble d’intensité, il y a de la tension pour trouver une place au chaud. Ma vessie n’est pas d’accord mais ce n’est pas encore elle qui fait sa loi ! Dans 20 ans peut-être.

 

Une femme me demande si je travail tout en tendant le cou pour regarder mon écran. Nan mais qu’est-ce que c’est que ces manières là ? O_o N’importe quoi. De toute façon il faudrait une sacrée concentration pour y arriver. Je peux tout de même écrire ce journal. Est-ce un travail ? Ou un plaisir ? Un « travail passion » ?

Maintenant un énorme gaillard de plus de 2m essaye d’imiter le bruit de la cigogne. C’est tellement naze que ça fait rire tout le monde. Autant encouragé, il insiste, prend des poses étranges et s’essaye à d’autres imitations toutes aussi fantaisistes.

 

Il est 20h30 et les premières assiettes de charcuterie circulent. Une queue se met en place pour se servir au plus vite. Il y a aussi des salades. Enfin c’est ce qu’ils disent, je n’en ai pas vu.

21h20 Je suis mauvais langue, la salade est enfin disponible. Ils s’en servent comme digestif. Hahaha en fait j’ai détecté des tranches de viande sombre (pot au feu de bœuf ?) à coté de quelques feuilles. Voilà ce qu’ils appellent une « salade » !

Ensuite c’est une Forêt Noire comme dessert. Avec seconde ration pour ceux qui veulent. Ils vont sans doute avoir ingurgité plus de calories en un repas que tout ce qu’ils ont dépensé en marchant aujourd’hui.

Bidiou ce qu’ils sont bruyants. Une classe de primaire à coté c’est le Paradis.

 

Cette nuit ça va cailler de nouveau. La température va peut-être tomber à 7°C.

 

21h48 Les premières tables sont rendues et rangées. A 22h presque tout le monde est allé se coucher, certains après avoir bu une petite tisane. Il faut bien ça pour digérer leur repas gargantuesque.

En fait ce sont des randonneurs à vélo. Et ils ont payé un traiteur pour leurs repas.

Il était question de me laisser des restes, mais n’ayant aucun récipient on en est resté aux bonnes intentions.

 

Encore des retraités qui ont monopolisé mon journal ! Bon là ils sont français, on les excuse parce qu’ils sont rares mine de rien.

 

Il est l’heure aussi pour moi d’aller me coucher, surtout avec ma petite nuit précédente. Restez bien au chaud, ce serait dommage de chopper un coup de froid en juin…

 


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