Le pot de terre contre le pot SFR

par Véronique Lederman
vendredi 10 juin 2005

Pégomas est une petite ville de l’arrière-pays grassois, sur la route du mimosa, où poussent aussi des roses pour les parfumeries et des olives. Une belle image champêtre, qui fleure déjà la Provence. « Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes », quand SFR vint à installer une antenne de téléphonie mobile UMTS, soit près de trois fois la puissance des antennes classiques, à 80 mètres de l’école primaire du village, d’une clinique, du stade et du centre de loisirs ! Les parents, membres de la section locale de la FCPE, découvrent avec stupéfaction, le projet en septembre 2004. Ces mêmes parents créent un collectif « Bougeons l’Antenne », qui s’ouvre aux citoyens en général, en particulier aux riverains et à toute personne qui se sent concernée par le problème. Le collectif veut faire bouger l’antenne dans une zone moins sensible et non pas la détruire. L’inquiétude se justifie et est renforcée par la publication, en janvier 2005, du dernier rapport du Professeur William Stewart, éminent scientifique, chargé par le NRPB (1), d’établir, comme en 2000, un état des effets sanitaires des téléphones mobiles et des antennes. Ce long compte rendu, qui est avant tout un appel à la prudence en matière de téléphonie mobile, souligne huit points, dont trois nous apparaissent comme devant être soulignés ici : le texte demande un audit du parc des antennes existant et jette, en quelque sorte, les bases d’une véritable politique d’implantation des antennes. Une grande prudence en matière d’utilisation des téléphones mobiles par les enfants : En Grande-Bretagne, les téléphones destinés aux tout-petits ont été retirés de la vente. En France, le Babymo, commercialisé entre autres par Carrefour et le BHV a été lui aussi enlevé des rayons. Dernier point à souligner : le professeur Stewart recommande de ne pas installer d’antennes à moins de trois cents mètres des écoles et des lieux dits sensibles en général. A Pégomas, nous avons été vraiment malchanceux. En effet, sans rentrer dans toutes les péripéties du dossier, SFR a gagné contre la ville dont le maire refusait l’autorisation de travaux, le 11 mars 2004. Les trois opérateurs de téléphonie mobile regroupés au sein de l’AFOM ont signé, le 28 avril 2004, le Guide des Bonnes pratiques avec l’Association des Maires de France (AMF) pour respecter en particulier des lieux dits sensibles et instaurer une véritable politique de concertation en matière de téléphonie. L’antenne UMTS a été installée à Pégomas fin octobre 2004 ! Le collectif, suite à une réunion publique en février 2005, décide de procéder à des négociations pression avec l’opérateur, puisque toutes les actions en justice échouent. Ce fait est confirmé par André Aschiéri, ancien député, maire de Mouans- Sartoux et président de le Commission Environnement au Conseil Régional. Le collectif remet, en mains propres, le 25 février 2005, au Ministre de l’Ecologie, Serge Lepeltier, de passage à Pégomas, une lettre appelant à une vraie politique d’implantation des antennes. A cette occasion, nous rencontrons la Députée de la 9ème circonscription des Alpes Maritimes, Madame Michèle Tabarot. Rendez-vous est pris, le 17 mars en mairie avec le maire de Pégomas, M.Gilbert Pibou, Madame Tabarot, le collectif et surtout trois représentants de SFR. Le maire, soutenu par son député, propose de trouver un nouveau terrain et de prendre en charge une grande partie des frais de déplacement. Pendant deux heures d’un échange toujours poli, mais tendu, les parties s’affrontent. A la question du collectif à un des représentants de SFR : « à l’instar du Professeur Stewart qui, la main sur le cœur, ne peut pas jurer que les téléphones mobiles sont sans danger »(2), pourriez-vous jurer, la main sur le cœur, que les antennes mobiles sont sans danger ? Réponse : certainement pas !!! Comment alors croire que les antennes sont sans danger, alors que le même opérateur, sur son propre site, rubrique santé, avoue qu’en matière d’UMTS des recherches sont encore à entreprendre (3) et qu’en matière de validation scientifique, nous n’avons pas le recul nécessaire. L’amiante, le sang contaminé, les méfaits de la cigarette ... sont dans toutes les mémoires. La réunion s’est terminée par une fin de non-recevoir de la part de SFR, puisque légalement l’antenne émet dans les normes françaises (les plus élevées au monde !!!) et qu’ils ne sont pas tenus par la loi de la déplacer, le Guide des Bonnes Pratiques n’ayant aucune portée contraignante. Pour conclure, le collectif va continuer son combat d’abord en grossissant les rangs et en continuant à diffuser de l’information. Les instituteurs de l’école primaire nous ont déjà rejoint. Le 4 juin, à Pégomas, le collectif a organisé une grande manifestation où les élus, les citoyens de la ville et des environs ont scandé en chœur « bougeons l’antenne ! ». Les télés étaient là et la presse aussi. Nous avons eu une belle couverture médiatique et nous espérons maintenant un rendez-vous avec le nouveau ministre de l’Aménagement du Territoire, M.C.Estrosi. Le pot de terre n’a pas dit son dernier mot !

(1) National Radiological Board of Trade, organisme gouvernemental anglais. (2) Extrait de conférence de presse : Professeur W.Stewart janvier 2005 (3) www.sfr.fr/FR/sante/


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