Bill Clinton le vieillard pas encore tout à fait vieux
par Sylvain Rakotoarison
mardi 27 août 2024
« Kamala Harris est la seule candidate à cette course qui a la vision, l'expérience, le tempérament, la volonté et, oui, la joie pure pour faire quelque chose. (…) Lorsque Kamala Harris sera Présidente, chaque jour commencera par vous, vous, vous, vous ! » (Bill Clinton, le 21 août 2024 à Chicago).
La Convention nationale démocrate de Chicago s'est terminée en apothéose le 22 août 2024 avec le discours de la candidate et Vice-Présidente Kamala Harris qui a présenté son programme présidentiel. Elle a mangé son pain blanc dans cette campagne qui a démarré très fort et qui est très courte, mais il lui faudra tenir encore trois mois face aux républicains et aux partisans de Donald Trump un peu troublés dans leurs arguments de campagne.
Dans les États clefs, les sondages restent incertains, les scores très serrés, et le ralliement de Robert J. Kennedy au trumpisme fera probablement peu évoluer les sondages. Kamala Harris devra se montrer combative face à Donald Trump dans le premier débat télévisé prévu le 10 septembre 2024, et surtout, elle devra être performante dans les interviews des grandes émissions politiques à la télévision, passages toujours éprouvants car les journalistes américains n'ont rien à voir avec les journalistes français souvent allégeants et ignorants qui ne font pas leur travail.
La Convention démocrate a été surtout l'occasion d'unifier les démocrates autour d'un projet commun, défendre les classes moyennes, et ainsi, quitter la trop grande tendance du parti démocrate depuis une décennie de n'être qu'un syndicat des nombreuses minorités dont les intérêts ne représentent pas forcément l'intérêt général. En particulier, deux anciens Présidents des États-Unis ont mouillé la chemise pour soutenir Kamala Harris. Après celui de Barack Obama, je propose ici de revenir sur le grand discours de Bill Clinton prononcé le 21 août 2024 à l'United Center de Chicago. Sa femme Hillary Clinton avait déjà prononcé le sien le 19 août 2024, en ouverture de la Convention.
Bill Clinton a trois caractéristiques personnelles intéressantes dans cette campagne. Le premier point est que son épouse Hillary Clinton a tenté de conquérir en 2016 la Maison-Blanche et elle était même la favorite face à Donald Trump, et en ce sens, elle a été la première femme à s'approcher de très près de la Présidence. Elle n'y est pas arrivée, bien qu'elle ait rassemblé plus de voix que Donald Trump (c'est le système fédéral américain qui veut cela et personne ne l'a remis en cause), mais l'idée qu'une femme puisse occuper la Maison-Blanche est désormais banale et ne constitue aujourd'hui ni un atout ni un handicap. De même, la couleur de la peau, caractéristique bien dérisoire quand on postule à une fonction aussi puissante que Président des États-Unis, n'est plus un facteur essentiel. Kamala Harris est d'ailleurs peu représentative de la population afro-américaine car elle est un savant mélange d'ethnies (encore plus que Barack Obama) puisqu'elle est originaire à la fois d'Inde, de Jamaïque et est avant tout américaine. Peut-être un candidat d'origine hispanique serait plus original dans ce genre de course électorale.
Le deuxième point est qu'en tant qu'ancien Président démocrate, Bill Clinton a bien sûr son importance pour faire converger toutes les forces de ce parti derrière sa candidate. Quand on regarde en arrière, il ne reste plus beaucoup d'anciens Présidents des États-Unis encore en vie. Trois démocrates : Jimmy Carter (bientôt centenaire, dans un mois !), Bill Clinton et Barack Obama ; deux républicains : George W. Bush (fils) et Donald Trump (qui sollicite un nouveau mandat) ; reste aussi Joe Biden, démocrate, qui, dans tous les cas, finit son mandat le 20 janvier 2025.
Enfin, Bill Clinton a un point commun avec son redoutable adversaire (Donald Trump) : ils ont le même âge. En effet, Bill Clinton venait d'avoir (l'avant-veille) 78 ans quand il a pris la parole à Chicago. Ses rides, sa allure un peu fatiguée alors qu'il était il y a trente ans le jeune Président aux allures de John Kennedy, sont patentes, même si de loin, on devine encore une silhouette de jeune homme ! Et non sans humour, il a déclaré : « Passons maintenant à l'essentiel. Je suis trop vieux pour "dorer le lys" [pour dorer la pilule, pour enjoliver]. Il y a deux jours, j'ai eu 78 ans. L'homme le plus âgé de ma famille depuis quatre générations. Et la seule vanité personnelle que je peux affirmer est que je suis encore plus jeune que Donald Trump ! (…) Nous avons une élection à gagner et rappelez-vous que nous avons un gars qui est plutôt doué. Ce qu'il fait, Donald Trump, est un modèle de cohérence. Il divise toujours. Il continue de râler. Il continue de rabaisser les autres. Il crée le chaos et ensuite, il l'organise comme s'il s'agissait d'un art précieux. Laissez-moi vous dire qu'il ne se passe pas un jour, même si je ne suis plus à la Maison-Blanche depuis plus de vingt-trois ans, il ne se passe pas un jour sans que je ne remercie le Seigneur pour la chance que j'ai eu de servir et pour ce que cela signifiait. Et une des raisons pour lesquelles j'aime tant ce travail, est que, dans les moments les plus difficiles, même dans les jours les plus sombres, si vous faites suffisamment d'efforts, vous pouvez toujours faire quelque chose de bien pour quelqu'un d'autre. Certains jours, ce n'est pas facile à faire. ».
Mais ce petit témoignage personnel avait une finalité, pointer du doigt Donald Trump : « Lui, surtout, parle de lui-même. Alors, la prochaine que vous l'entendez, ne comptez pas les mensonges, comptez le nombre d'yeux ! En bonne santé, hein ? Ses vengeances, ses plaintes, ses complots. Il est comme un de ces ténors. Ouverture. Avant qu'il ne monte sur scène comme je l'ai fait (…), ses poumons s'ouvrent en chantant moi, moi, moi, moi, moi ! ». D'où le « vous vous vous vous » de sa concurrente démocrate !
Passage obligé, l'hommage à Joe Biden : « Je veux dire un mot sur le Président Biden. Rappelez-vous qu'il y a eu une situation improbable qui l'a fait Président. Et nous étions au milieu d'une pandémie et d'un krach économique. Il a guéri nos malades et nous a remis au travail. Il a renforcé nos alliances. Avec l'Ukraine, il a défendu la paix et la sécurité. Il tente désespérément d'obtenir un cessez-le-feu au Moyen-Orient. ».
Et de souligner un véritable courage personnel : « Et puis, il a fait quelque qui est vraiment difficile à faire pour un responsable politique. Il a volontairement renoncé au pouvoir politique. Et George Washington le savait, et il l'a fait. Et il a établi la norme de deux mandats avant que cela ne devienne obligatoire. Cela a aidé sa postérité. Et cela renforcera la postérité de Joe Biden. Et c'est un contraste saisissant à ce qui se passe dans l'autre parti. Je tiens donc à le remercier. Pour son courage, sa compassion. C'est la classe, son service, son sacrifice. Il a gardé la foi et il a contaminé beaucoup d'entre nous. ».
Bien sûr, l'heure était au soutien du ticket Harris-Walz : « Hier soir, dans ce que je pense être une série d'épisodes très émouvants, nous avons nommé [candidats] Kamala Harris et Tim Walz. Et pensez-y. Deux leaders aux vies toutes américaines mais quand même improbables. Cela ne peut arriver qu'ici. Après tout, leur carrière a commencé dans les salles d'audiences et les salles de classe communautaires. Deux dirigeants qui ont passé leur vie à faire du bon travail. Alors, c'est une des choses que j'ai remarquées au cours de ma vie de plus en plus longue, c'est une élection qui est unique pour plusieurs raisons. Tout d'abord, c'est le meilleur entretien d'embauche pour le plus beau poste du monde. Deuxièmement, la Constitution dit que nous, le peuple, faisons le recrutement. Et la troisième chose est que tous les quatre ans, nous pouvons modifier les exigences du poste. Voici donc ce que je pense parce que j'essaie d'appliquer cela à chaque élection. Ce Président va-t-il nous faire reculer ou avancer ? Ce Président donnera-t-il à nos enfants un avenir meilleur ? Cela dépend. Ce Président va-t-il nous rassembler ou nous déchirer ? Ce Président augmentera-t-il la paix, la sécurité et la stabilité ? Et la liberté, dont nous profitons et l'étendons aux autres autant que nous le pouvons ? Nous, le peuple, devons prendre une décision à propos de ce genre de question. Et tous les quatre ans, c'est un peu différent parce que ce sont les gens qui présentent les candidats. Et vont voir les candidats et ils disent, comme ils le disent maintenant. Voici nos problèmes, résolvez-les ! Voici nos chances, saisissez-les ! Voici nos craintes, réduisez-les ! Voici nos rêves, aidez-nous à les réaliser ! Un Président peut répondre à cet appel en disant. Je ferai ma part, mais tu dois m'aider. Nous devons travailler ensemble. Ou vous pouvez éviter ce qui doit être fait en nous divisant, en nous distrayant et en nous dispersant. Donc, en 2024, nous avons un choix assez clair, il me semble. Kamala Harris pour le peuple et l'autre gars qui a prouvé, encore plus que la première fois, qui parle de moi, de moi-même et de moi-même ! Je sais lequel je préfère pour notre pays. Kamala Harris travaillera à résoudre nos problèmes, saisir nos chances, apaiser nos peurs, et assurer que chaque Américain, quelle que soit la manière dont il vote, ait une chance de poursuivre ses rêves. Vous savez, quand elle était jeune, elle travaillait chez MacDonald, et elle a salué chaque personne avec ce sourire mille fois radieux : comment puis-je vous aider ? Maintenant, elle est au sommet du pouvoir et elle demande toujours : comment puis-je vous aider ? Je serai si heureux quand elle entrera effectivement à la Maison-Blanche en tant que Présidente. Parce qu'elle battra mon record de Président ayant passé le plus de temps chez MacDonald ! ».
Bill Clinton a rappelé aussi que la politique économique des démocrates a toujours été un succès depuis une trentaine d'années : « Depuis la fin de la guerre froide en 1989, l'Amérique a créé environ 51 millions de nouveaux emplois. Je vous jure que j'ai vérifié ça trois fois ; même moi, je n'arrivais pas à y croire ! Quel est le score ? Les démocrate en ont gagné cinquante contre un les républicains. ». Longs applaudissements. Il est loin le temps où les républicains, du temps de Ronald Reagan, écrasaient idéologiquement les démocrates.
Les grands-messes que sont les conventions électorales aux États-Unis sont souvent l'occasion de revoir des anciens dirigeants sortis de leur retraite pour soutenir activement leur nouveau champion. Cette année, ce sera une championne, et elle tend à devenir la favorite. Kamala Harris est la nouvelle mode du pays, il ne dépend que d'elle qu'elle soit la nouvelle Présidente.
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Sylvain Rakotoarison (24 août 2024)
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