Du haricot à la rame…

par C’est Nabum
samedi 8 juillet 2023

 

La folle épopée d'une légumineuse

 

Originaire du Nouveau Monde, le haricot vert coulait des jours heureux le long de l'équateur avant d'aller conquérir le Pérou et le Mexique il y a 7 000 ans. En aztèque, il se nommait « ayacolt » et garda sa consonance en traversant l'Atlantique. Naturellement, comme on ne prête qu'aux riches, c'est Christophe Colomb qui hérita de sa découverte à Cuba pour lui offrir un voyage transatlantique.

Ce nouveau venu ne reçut pas immédiatement un accueil triomphal. Il est vrai qu'une légumineuse avec des fils n'avait sans doute pas eu le pied marin. Elle avait eu le désir de mettre les bouts pour s'en retourner sur sa terre natale d'autant plus que le voyage s'était fait à la voile. Sans qu'on sache très bien l'expliquer, le haricot vert eut préféré un voyage en galère. La rame avait sa préférence.

Catherine de Médicis eut une attirance toute particulière pour ce grand haricot qu'elle imposa à la Cour. De là à prétendre que l'expression « Ça me court sur le haricot ! » viendrait de son entrée dans le monde des courtisans, ce serait aller bien vite en besogne. Notre reine mère avait reçu en cadeau quelques graines d'un humaniste italien Valeriano qui les avaient lui-même reçu de sa sainteté Clément VII.

Bien que oint par le pape en personne, ce légume ne fut pas immédiatement en odeur de sainteté tant on l'accusa de provoquer une digestion difficile. Il est vrai qu'il fut longtemps consommé en grains, séchés ou non, de ceux qui pouvaient sans doute vous en boucher un coin. C'est près de deux siècles plus tard que les Italiens s'aventurent à consommer les gousses jeunes et encore immatures.

Sans en prendre de la graine, le haricot prenait alors la saveur d'un légume frais. Ne manquait plus qu'à leur faire franchir les étapes de la modernité pour qu'il se débarrasse de ses fils à la patte. Il sut séduire Napoléon en personne qui aimait à le déguster à l'huile. Il pouvait ainsi envahir l'Europe et nos assiettes sans que personne ne grogne.

Le haricot a croisé sur sa route un vieux verbe français : « Haricoter » qui s'employait pour signifier que l'on coupait quelque chose en petits morceaux. De là, ce fameux haricot de mouton fit le succès des gargotes en tant que plat facile à réchauffer. Notre légume avait ainsi le vent en poupe, revenant à son voyage inaugural.

Le haricot fit son entrée dans tous les jardins. Il avait la fâcheuse habitude de courir sur le sol tout en contraignant le cueilleur à se pencher vers le sol. Les ramiers ou ceux qui souffraient du dos se dirent alors que s'ils n'allaient pas au haricot, le haricot viendrait à eux. C'est ainsi que naquit une culture qui lui rappela son voyage atlantique.

Les graines sont semées en paquets, dans des trous espacés de 40 cm. Dans chaque trou sont disposées 5 ou 6 graines à 5 cm de profondeur qui seront recouvertes de terre. Des piquets seront plantés afin de tendre un filet sur lequel la plante s'imaginera jouir d'un hamac. En prenant ainsi de la hauteur, le légume s'épargnera les souillures de la terre.

Est-ce sa prise d'altitude qui en fit le synonyme d'orteil ? On se perd en conjecture à ce propos quand on s'attache non au filet mais à expliquer l'expression : « Tu commences à me courir sur le haricot », qui en argot de cuisine indique qu'un quidam vous marche sur les doigts de pied ». Des esprits mal placés s'interrogent alors sur le singulier accolé à ce haricot qui pourrait tout aussi bien faire référence à un appendice masculin qui s'enfile là où il ne faut pas.

On bascule alors dans un tout autre contexte qui nous éloigne singulièrement du Grand Colomb. Une autre traversée au-delà des portes de l'enfer dont je me garderai bien d'épiloguer. Je n'entends du reste pas vous courir sur le haricot plus avant et vous souhaite bon appétit.

À contre-culture.

 


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