Duo sur canapé

par C’est Nabum
samedi 23 décembre 2023

 

Vous avez dit résurrection ?

 

Un saumon et un canard s'étaient liés d'amitié. Le poisson, pris au piège d'un élevage avait été contraint à renoncer à sa grande migration tandis que le canard se la coulait douce en batifolant dans un bassin dont il était aussi prisonnier. Nos deux amis, incapables désormais d'aller où bon leur semble, vivaient leur claustration de manière fort différente.

Le saumon quoique ce ne fut pas chose facile pour lui se réfugiait dans l'usage de la cigarette en dépit des avertissements de son collègue qui lui avait maintes fois lu l'avertissement : « Fumer tue ! » Le saumon qui voyait toujours, en dépit des circonstances, la vie en rose, repoussait d'un revers de nageoire cette mise en garde.

Dans le même temps, le canard qui n'était pas avare de bons conseils, tombait lui aussi dans un travers : il se goinfrait de pop-corn tandis que son camarade lui soufflait : « Arrête de faire ton cinéma, tu te remplis le bec et ça va te jouer un vilain tour ! ». Le canard n'en avait cure, terme fort mal choisi pour celui qui manifestement n'était pas un adepte de « Comme j'aime ».

Le saumon toussait, le canard grossissait, les deux perdant cette vivacité qui faisait la gloire de ceux de leurs espèces respectives. Le saumon manquait d'air, le canard avait l'air d'un bibendum quoiqu'il ignorât tout de la firme de Clermont-Ferrand. Leur état de santé devenait alarmant mais comble de malheur, aucun des deux ne disposait d'un médecin traitant.

Leur santé dépérissait à vue d'œil sans que les avertissements de l'autre éclaire la propre situation du conseilleur. Les bons conseils sont certes fort utiles mais ils ne permettent que rarement d'ouvrir les yeux sur son propre compte. Pour le saumon, ça sentait le roussi quant au canard, il s'exposait manifestement à de gros soucis de foie.

Les fêtes approchaient et nos deux compères se dirent que la période des vœux ne serait pas malvenue pour se souhaiter mutuellement une bonne année et surtout une meilleure santé. Les animaux ne sont pas exempts de ce rituel calendaire, ayant réglé quant à eux le changement d'année sur la survenue du solstice d'hiver.

Leurs prévisions furent dramatiquement contredites pour celui qui les avait assignés à résidence. Le saumon acheva son existence sous la forme de fines tranches tirées de ses filets tandis que le canard perdit la foi en l'humanité et en fut fort déconfit. Par un curieux concours de circonstances, ils achevèrent leur ultime parcours terrestre sur la même table, servant d'entrée pour leur sortie.

Miraculeusement, ils purent échanger avant que d'être engloutis par des bouches voraces de bipèdes alcoolisés. Tous deux, dans un ultime sursaut se promirent des jours meilleurs, une résurrection ou une métempsycose qu'ils avaient ouï dire par quelques gourous animaliers. Saumon de son vivant se moquait des croyances de canard, lui glissant fréquemment à l'oreille cette phrase absurde : « Il ne faut pas prendre les canards sauvages pour des enfants du bon dieu ! » à quoi répliquait immanquablement son collègue : «  Ton rêve de Paradis aqueux finira en queue de poisson !  »

Pourtant, l'un et l'autre revinrent sur terre, l'être suprême exhaussant leurs prières preuve que la foi peut soulever des montagnes et en la circonstance des estomacs qui avaient dépassé la dose acceptable. Ils revinrent donc sous forme d'indigestion et retournèrent à l'élément liquide en tombant dans une étrange cuvette tandis que leurs sauveurs se mettaient à genoux pour bien montrer le caractère sacré de la cérémonie…

Bon appétit à tous et joyeuses fêtes, naturellement.

Tableaux de Jacques d'Arthois et Carl Larsson


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