Dumping et privatisations : risque d’une récession sociale
par gianfranco brevetto
mercredi 11 janvier 2006
L’actualité syndicale et institutionnelle européenne de ces derniers mois révèle fortement une réflexion sur l’avenir des services publics, et au-delà, sur l’avenir des services publics à « l’européenne ». La question est posée : de quelle façon l’intervention publique, dans certains domaines plus ou moins économiques, peut-elle garantir le développement et le bien-être, qui sont à la base de la cohésion sociale dans nos pays ?
La directive Bolkestein, les privatisations, le débat sur le contenu du traité constitutionnel européen, sont seulement une partie des défis que les syndicats ont dû affronter. Et c’est donc bien plus qu’une réflexion qui s’impose. La directive Bolkestein supprime certains principes fondamentaux du modèle social européen. En introduisant des valeurs différentes dans le traité constitutionnel de l’Union européenne, elle définit de nouveaux moyens qui répondent à une conception des ambiguïtés de l’économie de marché, si bien que l’agrandissement de l’Union européenne devient l’occasion d’aggraver les conditions de vie et de travail.
La directive Bolkestein affirme uniquement des logiques économiques et financières, tendant à diminuer les services d’intérêt général et donc leur qualité, renonçant ainsi à une politique de développement et d’investissement. La compétition générale devient le point déterminant. C’est un retour au passé, à une diminution des droits, des espaces de gestion démocratique, ainsi qu’une nouvelle concentration d’intérêts économiques. Tout est ainsi concentré vers un but financier : tout pour tirer des profits, sur un marché global de compétitivité, enlevant ainsi au service public son vrai rôle social.
Aujourd’hui, la norme européenne ne définit pas la notion de « services publics », de « services d’intérêt général » ou de « services d’intérêt économique général ». Pour cette raison, la discussion de ces derniers mois devient plus importante et plus complexe. D’où l ’importance d’une force syndicale, afin de créer un mouvement de salariés qui contribue à réaffirmer le concept de « public ».
La réflexion syndicale doit préconiser des gestions publiques exclusives (égalité d’accès) et l’excellence des prestations. La directive Bolkestein est le fruit d’une sous-estimation de l’importance de ce concept, et aussi d’une absence de négociation. Pour nous, face à ce défi, le rôle des syndicats de services publics est central. Il ne faut pas mêler les comptabilités budgétaires et la gestion des services publics avec les buts sociaux de ces services.
La directive Bolkestein définit comme service « chaque activité économique qui fournit des prestations ayant une contrepartie économique » et donc comprend une activité économique qui consiste dans l’offre de biens et de services sur un marché donné.
Les événements de ces dix dernières années montrent que la privatisation des biens et des services publics n’a pas souvent abouti aux résultats escomptés. Nous avons dû, quelquefois, faire marche arrière. La qualité des services offerts par l’administration publique, même avec les limites imposées par la politique, n’a pas toujours été compatible avec la logique de profit . Paradoxalement, les recettes du libre marché ne sont plus en accord avec les engagements du budget. La globalisation des marchés montre avec clarté que le risque pour les entreprises n’est pas si facilement prévisible et contrôlable. De toutes parts, le tissu économique, croissant, depuis quelques années, à l’abri des législations nationales, tend à se refermer sur lui-même, revendiquant plus de liberté, mais aussi plus de protection. Mais si le marché a des limites , disons-le franchement, la gestion politique des biens publics a souvent tendu à un usage instrumentalisé de ceux-ci. De plus, au cours des dernières années, la séparation entre politique et gestion n’a pas toujours apporté les résultats attendus . Derrière la promesse, souvent non tenue, d’une réduction des charges fiscales pour les citoyens, se cache une incitation à ne pas participer à la gestion des biens publics, à se désintéresser du futur de ces services, qui devaient permettre de garantir une croissance équilibrée et durable. L’accroissement des inégalités, de la marginalisation, de la précarité est un signe de récession non seulement économique, mais aussi sociale, et d’une perte totale de participation et de démocratie. Il faudra donc reconnaître qu’il n’existe pas de recette préconçue (surtout s’il s’agit de privatiser), et que chaque défi devra être engagé sur le terrain, avec la participation, d’abord, des salariés qui, comme dans le cas des services publics, risquent d’en payer le prix.