L’Arctique peut-elle devenir le théâtre d’une guerre nucléaire ?
par Patrice Bravo
jeudi 1er mai 2025
L'Arctique risque de devenir la cause d'une guerre nucléaire. La fonte des glaces ouvre des voies pour l'expansion de la navigation, l'exploration des ressources et la démonstration de puissance militaire. À l'ère de la confrontation entre grandes puissances, le monde pourrait se retrouver sur la voie d'une catastrophe irréversible.
Les temps des abris anti-nucléaires aux États-Unis, où la peur d'une guerre nucléaire dominait de nombreux esprits, sont révolus. Pendant des décennies, les voix de la raison l'emportaient, les États-Unis et la Russie travaillaient ensemble pour minimiser le risque de conflit nucléaire et réduire la taille de leurs arsenaux, écrit Al Jazeera.
Cependant, en 2022, la coopération a commencé à se désintégrer après que l'opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine a suscité de graves inquiétudes concernant une escalade nucléaire et a compromis les perspectives d'accords futurs sur le contrôle des armements nucléaires.
Alors que la Russie et l'Ukraine semblent ignorer les tentatives de l'administration Trump de mettre fin au conflit, les espoirs qu'il cessera s'estompent, et l'Europe, ne se sentant pas en sécurité, se précipite pour renforcer sa propre défense.
Dans le contexte de ces tensions, la fonte des glaces polaires ouvre les voies maritimes arctiques à l'expansion de la navigation, à l'exploration des ressources et à la démonstration de puissance militaire.
La Finlande et la Suède, nouveaux membres de l'Otan, sont des pays arctiques. Actuellement, la Russie est l'acteur dominant dans la région arctique. 53% du littoral de l'Arctique appartient à la Russie. Elle dispose de la plus grande flotte de brise-glaces au monde et d'une infrastructure militaire développée.
La Chine a commencé à jouer un rôle de plus en plus important dans cette région. Elle mène des exercices militaires conjoints avec la Russie dans l'Arctique et exploite sa propre flotte de brise-glaces, bien qu'elle ne possède pas de territoires au-delà du cercle polaire.
L'Arctique est-elle vraiment destinée à devenir le théâtre le plus probable d'une guerre nucléaire ?
Malgré son climat extrêmement froid, l'Arctique n'est pas étrangère aux conflits militaires : elle occupe une position stratégiquement importante et sert de portail vers les océans Atlantique et Pacifique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la bataille de l'Atlantique s'est étendue à l'Arctique, car les navires transportant des marchandises américaines vers l'URSS traversaient la Route maritime du Nord. Aujourd'hui, la détermination du président Trump à "obtenir le Groenland d'une manière ou d'une autre" souligne l'importance croissante de l'Arctique pour les intérêts de la sécurité nationale américaine.
La situation géographique du Groenland, combinée à la base spatiale américaine de Pituffik située dans l'extrême nord, offre des capacités essentielles dans les domaines de "l'alerte aux attaques de missiles, de la défense antimissile et de la surveillance spatiale".
Le trajet le plus court pour les missiles nucléaires entre les États-Unis et la Russie passe par l'océan Arctique, et la perte de cette base, résultant d'une erreur diplomatique, pourrait ouvrir une dangereuse brèche dans le système de la défense stratégique américaine.
Actuellement, la voie la plus probable d'un potentiel échange nucléaire dans l'Arctique serait une "attaque grise" contre l'un des membres de l'Otan.
Les "attaques grises" représentent des affrontements frontaliers, des cyberattaques, des violations de l'espace aérien, des interceptions militaires téméraires et le soutien à des groupes séparatistes ; des actions qui se situent à la limite entre la paix et la guerre ouverte, mais qui peuvent conduire à un conflit susceptible de dégénérer en guerre nucléaire.
Les déclarations répétées du président Trump remettant en question sa volonté de défendre un membre de l'Otan attaqué ont miné la confiance des Européens envers les États-Unis.
La France et le Royaume-Uni envisagent d'élargir leurs arsenaux nucléaires, ce qui témoigne d'une dépendance accrue à la dissuasion nucléaire, notamment pour protéger les membres arctiques de l'Otan. La France reconsidère sa décision de démanteler ses ogives nucléaires actuelles à mesure que de nouvelles alternatives entrent en service, ce qui pourrait doubler la taille de son arsenal.
La France modernise également une base aérienne située à la frontière avec l'Allemagne afin de pouvoir y déployer des armes nucléaires. Le Royaume-Uni, qui pendant longtemps comptait sur les États-Unis, recherche maintenant des alternatives pour assurer un potentiel de dissuasion efficace et fiable. Ces évènements présagent une nouvelle course aux armements nucléaires.
Pendant ce temps, la Chine, très active dans l'Arctique, continue d'accroître rapidement son arsenal nucléaire, avec l'intention de posséder plus de 1.000 ogives nucléaires d'ici 2035. Pékin refuse d'adhérer aux traités multilatéraux de réduction des armes nucléaires avec les États-Unis et la Russie, affirmant que son arsenal nucléaire est bien moindre que le leur.
À mesure que l'Arctique deviendra plus accessible aux activités militaires et commerciales, la fréquence des confrontations entre forces armées augmentera. Avec l'augmentation de ces confrontations, le risque d'accident ou d'attaque non intentionnelle s'accroît également.
La probabilité que l'Arctique soit témoin d'un conflit menant à une guerre nucléaire dépend davantage des parties impliquées et de leurs choix que de la nature des régions elles-mêmes. Les parties engagées dans la résolution pacifique des conflits trouveront des moyens de préserver la paix.
Alexandre Lemoine
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Source : http://www.observateur-continental.fr/?module=articles&action=view&id=6878