L’hiver des luttes de classes ?
par politzer
samedi 3 mai 2025
L’Hiver des Luttes de Classes ?
Faible Mobilisation du 1er Mai 2025
Le 1er mai 2025, journée internationale des travailleurs, a révélé une faible mobilisation ouvrière en France. Avec seulement 100 000 à 300 000 manifestants dans tout le pays, selon la CGT, et des cortèges clairsemés à Nice (800 personnes), Saint-Denis (600) ou Saint-Pierre (100), la mobilisation a été bien en deçà des 550 000 revendiqués en 2023 contre la réforme des retraites. Cet essoufflement, loin d’être conjoncturel, s’inscrit dans l’effondrement du syndicalisme de lutte et un brouillage politique orchestré par les politiques immigrationnistes d’Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. En masquant le lien entre l’immigration et les exigences patronales pour une « chair fraîche » à exploiter, ces politiques paralysent la prise de conscience ouvrière, plongeant la lutte des classes dans un gel prolongé.
1er Mai 2025 : un printemps hivernal
Historiquement, le 1er mai, né du massacre ouvrier de Chicago en 1886, est un moment de solidarité internationale et de combat contre l’exploitation. En 2025, il n’a mobilisé qu’une fraction des travailleurs. À Paris, la CGT revendique 100 000 manifestants, contre 18 000 selon la police, loin des foules de 2023. À Nice, 800 personnes ont dénoncé « l’effort de guerre » de Macron (413 milliards d’euros) face à l’incapacité de financer les retraites (6 milliards). À Saint-Denis et Saint-Pierre, les cortèges, réduits à quelques centaines, ont peiné à incarner la lutte pour les acquis sociaux.
Plusieurs facteurs expliquent cette faiblesse. Le calendrier (pont du 1er mai, vacances) et une météo incertaine ont découragé les participants, comme en 2015. Les divisions syndicales, avec l’absence de la CFDT dans plusieurs cortèges (ex. Nice) et la réserve de certains syndicats face à la grève, ont fragmenté l’élan. Les tensions sociales, marquées par des violences (jets de projectiles contre un stand PS à Paris, trois interpellations à Lyon), ont détourné l’attention des revendications ouvrières. Enfin, des enjeux internationaux (Palestine, Ukraine) ont éclipsé les questions de classe, comme noté par des manifestants à Paris.
L’Effondrement du Syndicalisme de Lutte
Le syndicalisme de lutte, porté par la CGT, Solidaires et la FSU, est en crise. Avec un taux de syndicalisation à 10 % (INSEE, 2021) et une CGT réduite à 600 000 adhérents (contre 2 millions dans les années 1970), il peine à fédérer une classe ouvrière fragmentée par la précarité (12 % des salariés en contrats courts, DARES 2024). La désindustrialisation, avec 1,5 million d’emplois industriels perdus depuis 1980 (INSEE), a démantelé les bastions syndicaux. Les échecs de 2023 contre la réforme des retraites, adoptée par 49-3, et la répression (sanctions contre des militants CGT) ont démoralisé les troupes.
Pourtant, des résistances persistent. Les grèves à la RATP ou chez Keolis (2024) ont obtenu des hausses de salaires, et la victoire de Kai Terada (CGT Éducation) contre une mutation forcée montre que la combativité n’est pas morte. Les listes communes CGT-FSU pour 2026 et les alliances avec des mouvements féministes ou écologistes élargissent le front de lutte. Mais ces sursauts ne suffisent pas à contrer un hiver aggravé par un brouillage politique.
Le Brouillage Immigrationniste : un Outil du Capital
Le 1er mai 2025 a mis en lumière un obstacle majeur : le brouillage du lien entre les politiques immigrationnistes et les exigences patronales. Comme le dénonçait Georges Marchais en 1981 face à Francis Bouygues, l’immigration sert le capital en fournissant une main-d’œuvre bon marché. Marx, dans Das Kapital (Livre 1, Chapitre 25 et New York Daily trbune1853), analysait l’immigration ( « très funeste », comme une « armée de réserve industrielle », divisant les ouvriers et baissant les salaires. En 1981, Bouygues employait 80 % de travailleurs immigrés pour réduire les coûts, tandis que Marchais exigeait l’arrêt de l’immigration pour protéger les ouvriers français.
Ce schéma perdure. Le MEDEF, de Laurence Parisot (2011) à Thierry Marx (2022), soutient l’immigration pour combler les pénuries dans le BTP ou la restauration. Les lois de Macron (2018, 2023, 2025) durcissent l’asile tout en facilitant l’immigration économique via des titres « métiers en tension », alignés sur les besoins patronaux. Mélenchon et LFI, en prônant la régularisation des sans-papiers qui ne travaillent pas, brouillent ce lien en ignorant l’impact sur les salaires ouvriers, facilitant indirectement l’exploitation capitaliste. Ce double discours – libéral chez Macron, soi-disant humaniste chez Mélenchon – empêche la « décision ouvrière », cette action collective contre le capital.
Ce brouillage divise la classe ouvrière. Les ouvriers français, touchés par le chômage (7,5 %, INSEE 2024), constatent l’absence des migrants présents puissamment dans les années 70. Les débats sur l’immigration (ex. loi Retailleau 2025) exploités par les medias éclipsent les luttes contre l’austérité ou la flexibilisation, gelant les mobilisations. Le RN, avec 30 % du vote ouvrier (IFOP 2022), exploite cette colère sans s’attaquer au capital.
Les Racines du refroidissement
Cet hiver s’enracine dans des dynamiques structurelles. La mondialisation et les réformes néolibérales (loi El Khomri 2016, ordonnances Macron 2017) affaiblissent les syndicats. L’austérité (10 milliards d’euros coupés aux services publics en 2024) démantèle les leviers de lutte. La répression (violences contre les Gilets jaunes, amendes syndicales) et les crises multiples (climat, Ukraine) relèguent les questions sociales au second plan. La faible mobilisation du 1er mai 2025, marquée par des divisions syndicales et des revendications dispersées (retraites, paix, Palestine), illustre cette désorientation.
Vers un Printemps des Luttes ?
Malgré cette situation, des germes de renouveau émergent. Les convergences entre syndicats (CGT, Solidaires) et mouvements sociaux (féministes, écologistes) élargissent le front de lutte. Les grèves globales (Amazon 2024, Inde 2021) réveillent la CGT qui appelle à une nouvelle mobilisation le 5 juin 2025 pour abroger la réforme des retraites et défendre les services publics.
Pour sortir de l’hiver, les syndicats doivent clarifier le lien entre immigration et patronat, comme Marchais en 1981, tout en unissant ouvriers français et migrants contre l’exploitation. En dénonçant l’austérité et en fédérant les actions revendicatives, le syndicalisme de combat peut préparer un printemps des luttes.