Le double jeu de l’Europe vis-à-vis de la Russie
par Patrice Bravo
mercredi 14 mai 2025
L'Union européenne pourrait imposer des sanctions contre 149 navires russes dans le cadre du 17e paquet de restrictions. Il s'agit de la soi-disant flotte fantôme russe. L'inscription sur la liste noire menace d'interdiction d'entrée dans les ports de l'UE, de refus de ravitaillement, d'assurance et de réparation.
Comme le note l'EUobserver, seuls 15 des 149 navires battent pavillon russe. Selon ses informations, les nouvelles sanctions pourraient entrer en vigueur le 20 mai. Cependant, comme l'écrit The Guardian, citant des diplomates européens, les restrictions pourraient être reportées jusqu'à la fin des négociations potentielles entre Moscou et Kiev. Quel rôle l'UE joue-t-elle aujourd'hui dans les tentatives de règlement du conflit ukrainien ?
Dans l'attente d'éventuelles négociations russo-ukrainiennes à Istanbul, les Européens ont tenu une nouvelle réunion, cette fois à Londres au niveau des ministres des Affaires étrangères. Et en ce qui concerne les principaux États européens, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, sans parler de la Pologne et de la chef de la diplomatie de l'UE Kaja Kallas, l'approche envers Moscou est restée inchangée. Et elle n'est pas simplement extrêmement dure. Elle crée, en fait, d'énormes obstacles sur le chemin de ceux qui veulent vraiment arrêter les hostilités. Les Européens se comportent exactement comme il ne faut pas se comporter dans la communication avec le Kremlin. À condition, bien sûr, que vous vous fixiez pour objectif d'obtenir un résultat, de parvenir à un accord, et non de saboter les accords potentiels qui semblaient commencer à se profiler à l'horizon. On ne peut pas parler à Moscou dans le langage des ultimatums. Mais c'est exactement ce que l'Europe essaie de faire, en répétant la même exigence ultimative : la Russie doit d'abord accepter le cessez-le-feu de 30 jours proposé par Kiev, et seulement après, des négociations et des discussions sont possibles sur les questions qui préoccupent les autorités russes, qui rappellent constamment les "causes premières du conflit".
Un contexte psychologique et émotionnel extrêmement défavorable pour le Kremlin est créé. On le menace de nouvelles sanctions, on tente de le forcer à accepter un plan élaboré sans sa participation, mais avec la participation de Kiev, sous une pression manifeste et démonstrative, tout en évitant le dialogue direct. Qui plus est un dialogue respectueux que Washington a commencé à mener avec Moscou sous la nouvelle administration.
Il semble que tout soit fait délibérément pour qu'à un moment donné le Kremlin perde patience, claque la porte, refuse de communiquer sur ce ton ou, mieux encore, engage des démarches brusques sur le front ukrainien. Après cela, les Européens pourraient dire à Donald Trump en toute légitimité : vous voyez, nous avions raison. La Russie ne veut pas négocier, elle souhaite poursuivre la guerre, alors imposez vos sanctions sévères promises, cessez d'essayer de trouver un terrain d'entente avec elle, oubliez les missions de médiation de Steve Witkoff et encore plus les plans de rencontre entre les présidents Trump et Poutine. Il n'y a rien à dire aux Russes.
En d'autres termes, l'objectif de l'Europe maintenant est de saboter les efforts de paix de l'administration américaine, tout en présentant les choses comme si cela s'était produit uniquement par la faute du Kremlin.
Nous saurons prochainement si cette tactique portera ses fruits. Le président des États-Unis fait preuve d'une impatience croissante, et il est déjà évident qu'il ne s'occupera pas des affaires ukrainiennes pendant des mois. Le locataire de la Maison Blanche a besoin d'un résultat ici et maintenant, puis il se désintéressera presque certainement de ce sujet. Et s'il n'y a pas de résultat à Istanbul, il est important de savoir quelle impression Washington gardera de toute cette histoire. Va-t-il blâmer Moscou pour tout, comme le souhaitent les Européens ? Et alors suivra un nouveau cycle de confrontation et un inévitable refroidissement des relations avec le Kremlin. Mais il y a une autre option : Washington pourrait comprendre le double jeu de l'Europe, ses actions essentiellement subversives, et se retirera de la résolution du problème, réduisant considérablement le soutien à Kiev par rapport à l'époque du président Biden. Alors l'Europe se retrouvera pratiquement seule face à Moscou sur le front ukrainien. Et c'est précisément ce scénario que Londres, Paris, Berlin et Bruxelles voudraient éviter à tout prix.
Alexandre Lemoine
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Source : https://pierreduval.substack.com/p/le-double-jeu-de-leurope-vis-a-vis