Les poids et les mesures dans l’affaire des caricatures

par Passant
mercredi 15 février 2006

« Il ne faut pas jeter la vie d’un homme aux chiens », a dit un jour François Mittérand à l’adresse de quelques journalistes qui, dans un prétendu exercice du droit d’expression, ont lynché Pierre Bérégovoy jusqu’à ce qu’il se suicide. M’inspirant de ce fait, je vais essayer de parler de cette liberté d’expression dont des journalistes usent pour offenser, blesser, et parfois même nuire à autrui.

Droit n’est pas obligation : Même si j’ai le droit de faire du bruit dans mon appartement de six heures du matin à vingt-deux heures, rien ne m’y oblige, et le tact me l’interdit même, et puis, pensez-vous que mes voisins pourraient vivre en dessous ou au-dessus de mon appartement en supportant chaque jour mon bruit pendant seize heures ? Et est-ce je vais pouvoir leur contester le droit de se plaindre parce que je suis dans mon droit ? Avoir le droit n’est pas toujours respecter, messieurs les journalistes !

Est-ce que Garaudy était dans son droit ? : Une hypocrisie à peine voilée est en train de se tisser dans notre pauvre Europe, la question cruciale que je me pose depuis un certain temps est : pourquoi ces journalistes qui, aujourd’hui, se déclarent pour la publication des caricatures de Mahomet au nom de la liberté d’expression, n’ont-ils pas soutenu le même principe dans l’affaire Garaudy, qui voulait qu’on fasse une révision dans l’histoire de l’Holocauste  ? N’est-ce pas que toute recherche historique sur le sujet est taxée d’antisémitisme primaire et de négationnisme ? N’est-ce pas que des filtrages ont été mis en place pour filtrer le site de l’AAARGH au nom du précédent principe ? Pourquoi alors ne nous chante-t-on la chanson, vieillissante et qui ne fait plus danser personne, de liberté que quand il est question de musulmans ou d’une quelconque nation n’ayant pas de lobby assez puissant pour exercer une pression financière ou politique assez forte ? D’ailleurs, le quotidien danois à l’origine du scandale, en l’occurrence Jyllands-Posten, avait lui-même refusé de publier des caricatures représentant Jésus-Christ, jugées "offensantes pour certains lecteurs" ! Où est l’équité dans tout cela  ? Où est cette prétendue liberté d’expression ?

Le 22 mars 2004, vers 16h30, une dépêche du site du Nouvel obs Quotidien (« Miguel Benasayag privé de sa chronique »), nous l’apprend :

« Le philosophe Miguel Benasayag, qui livrait tous les matins une chronique aux auditeurs de France Culture, a été remercié par Laure Adler, directrice de la station (...) jeudi 18 mars. La radio publique lui a fait savoir sa décision au lendemain d’une chronique au cours de laquelle il comparait le programme sécuritaire du Front national et les réalisations du gouvernement, en particulier de Nicolas Sarkozy. » Où étaient les défenseurs de la liberté d’expression ?

Regardons aussi cette histoire, elle s’est déroulée en France et pas en Égypte ou à Cuba, la biographie de Cécilia Sarkozy a été bloquée en novembre par les éditions First, alors que le couple était encore séparé. Cecilia Sarkozy avait admis face à la presse avoir "appelé Nicolas au secours" pour empêcher la parution du livre. Valérie Domain a ensuite récupéré ses droits et la liberté de publier son manuscrit chez un autre éditeur. Sans commentaire !

Les musulmans ont eu tort mais aussi raison : tort, parce que ces dessins sont d’une médiocrité telle qu’ils ne méritaient même pas une réaction, le Canard enchaîné a justifié son refus de publier ces dessins en affirmant qu’ils ne représentaient aucun intérêt éditorial sur le fond et sur la forme et que les caricatures n’étaient « ni très amusantes ni surtout très originales ». On se rappelle l’affaire Dieudonné ? Monsieur Mbala Mbala a mis la kippa, la barbe, le chapeau, il voulait dénoncer (à sa façon) des colons juifs fanatiques. Quelle était la réaction des médias à l’époque ? Dénoncer, condamner à l’unanimité l’humoriste ! Des spectacles ont été boycottés ou annulés, il a même été victime d’agression physique, par des non-musulmans ! Alors comme on peut bien le constater, ni le boycott ni la violence n’ont été créés par les musulmans dans les affaires qui ont trait à la liberté d’expression. Le personnage de Mahomet est visé parce que c’est le personnage religieux qui, encore aujourd’hui, reste intéressant à étudier, et parce que l’islam est la seule religion qui fasse encore parler d’elle. J’ai essayé d’étudier le personnage de Mahomet il y a fort longtemps : j’ai trouvé un homme muni d’un très grand courage et d’une très grande sagesse. Fut-il violent, comme le laissent dire quelques caricatures ? Pas plus que tous les prophètes avant lui. Vous allez me dire que Jésus était le seigneur de l’amour, qu’il n’a jamais fait la guerre. Dites plutôt qu’il n’a jamais eu à la faire. Car ce n’est pas si sûr que cela qu’il ait été celui qui ne proclamait que l’amour. Pour faire une bonne comparaison, il faudrait créer les mêmes conditions. Quand le vent est trop fort (avec ou contre les compétiteurs), on ne valide pas les records. Quand on veut comparer la vie des deux hommes (Jésus et Mahomet), il faut déjà prendre en compte que Jésus n’a vécu que peu (33 ans ?), sa prédication n’a duré que trois années ! Et pourtant Jésus a dit : « Ne croyez pas que je suis venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée » (Matthieu 10  : 34). Petite comparaison, Mahomet, pendant les trois premières années de sa prédication, celle-ci était secrète ; le Coran était plus un acte de foi qu’une parole guerrière. Il y eut l’état, il y eut aussi la guerre ! Ça allait et ça va encore de soi ! Conclusion, Mahomet fut un grand homme, et ce ne sont pas les caricatures qui pourraient dire le contraire.

Les musulmans n’ont pas eu toujours tort de sortir dans la rue pour manifester leur désapprobation, puisque le monde d’aujourd’hui, au grand dam de ceux qui croient encore au rationnel, ne semble plus comprendre la voix (et la voie) de la raison, il n’obeït qu’à celui qui a des muscles, et qui les montre. N’est-ce pas que le boycott, par les pays musulmans, des marchandises danoises a montré un autre type de guerre, économique celle-ci, que la mondialisation a rendue possible ?

La réponse du berger à la bergère : En réponse aux caricatures représentant le prophète Mahomet, le journal iranien Hamshahri, et dans un engrenage d’absurdité, a lancé un concours international de caricatures sur l’holocauste. Le 13 février, le premier dessin était déjà publié au nom de la liberté d’expression, et au nom de la recherche de la limite à la liberté d’expression en Occident ! A la fin, nous n’avons qu’à nous demander : à qui profite l’irrespect ?


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