Marx le retour

par politzer
jeudi 1er mai 2025

 

Marx le retour : économie et lutte des classes , deux concepts fondamentaux de l histoire comme science !

 

De l’Usine à la Bourse : La Financiarisation Américaine et la Guerre de Classes

Au milieu du XXe siècle, les États-Unis dominaient le monde grâce à leur puissance industrielle, portée par des usines et une classe ouvrière syndiquée. En quelques décennies, ce modèle a été démantelé, remplacé par une économie financiarisée où Wall Street règne en maître. Ce basculement, marqué par la désindustrialisation, la déréglementation et la spéculation, répond à une logique capitaliste confrontée à la baisse tendantielle du taux de profit. Mais il s’accompagne surtout d’une lutte des classes féroce, où la grande bourgeoisie, avec une brutalité sans précédent, a écrasé les syndicats ouvriers pour restaurer ses privilèges, de Reagan aux dictatures latino-américaines.

L’Âge d’or industriel et ses limites

Dans les années 1950-1960, l’industrie représentait environ 25 % du PIB américain. Des géants comme General Motors ou Ford incarnaient la puissance productive des États-Unis, soutenus par une main-d’œuvre syndiquée, des salaires élevés et une demande intérieure robuste. Mais cet âge d’or portait en germe ses propres contradictions. Selon Karl Marx, le capitalisme souffre d’une baisse tendantielle du taux de profit : à mesure que les entreprises investissent dans des machines (capital fixe) plutôt que dans les salaires (capital variable), la plus-value tirée du travail diminue. Dans les années 1960, le taux de profit des firmes américaines chutait, passant de 20 % à 12-15 % en 1970, sous l’effet de :

Concurrence internationale : Le Japon et l’Europe, reconstruits, ont défié les industries américaines dans l’automobile et l’électronique.

Hausse des coûts : Les salaires, dopés par des syndicats puissants, et les chocs pétroliers (1973, 1979) ont comprimé les marges.

Automatisation : Les technologies réduisaient la part du travail vivant, source de profit.

Cette crise de rentabilité a poussé la grande bourgeoisie à restructurer l’économie pour restaurer ses profits, au prix d’une offensive brutale contre les travailleurs.

Délocalisation  : la fuite vers la Chine

L’essor de la Chine, ouverte au capitalisme sous Deng Xiaoping dans les années 1980, a offert une échappatoire. Avec des salaires 10 à 20 fois inférieurs (1-2 del’heurecontre20−30de l’heure contre 20-30de l’heure contre 20-30

 aux États-Unis), des normes sociales minimales et des zones franches, la Chine est devenue l’usine du monde. Des firmes comme Apple ou Walmart ont délocalisé massivement, exploitant la main-d’œuvre chinoise pour gonfler leurs marges. Cette stratégie, dictée par la concurrence – moteur du capitalisme –, a permis de contrer la baisse du taux de profit en maximisant la plus-value.

Le coût fut la désindustrialisation : le secteur manufacturier, qui employait 20 millions d’Américains en 1980, n’en comptait plus que 12 millions en 2020, tombant à 11 % du PIB. La Rust Belt s’est effondrée, laissant des villes fantômes. Les profits rapatriés de Chine, colossaux, n’ont pas revitalisé l’industrie américaine, trop peu rentable à court terme (5-7 % de rendement). Ils ont été détournés vers la finance, où la spéculation promettait 15-20 % de gains.

Déréglementation : une arme de classe

Pour accompagner cette mutation, la grande bourgeoisie a orchestré une déréglementation financière agressive, répondant à la baisse tendantielle du taux de profit. Confrontée à la faible rentabilité de l’industrie, elle a cherché à capter la plus-value via la spéculation. Sous Nixon, Reagan, et Clinton, des lois comme le Depository Institutions Deregulation Act (1980) et l’abrogation du Glass-Steagall Act (1999) ont libéré les banques, autorisant fusions, spéculations, et produits financiers complexes. Présentée au public comme un moteur de croissance et d’emplois par la propagande néolibérale, cette déréglementation servait en réalité à canaliser les profits rapatriés de Chine vers la finance, enrichissant la classe capitaliste. La Réserve fédérale, avec des taux bas, a dopé cette dynamique. Mais la stagnation des salaires, les crises financières, et les inégalités croissantes ont exposé cette tromperie, révélant un système au service des élites. Pour étouffer toute résistance, the bourgeoisie a intensifié sa guerre de classes, écrasant les syndicats avec une brutalité sans précédent.

Une lutte des classes féroce : écraser les syndicats

Cette restructuration capitaliste s’est accompagnée d’une guerre de classes impitoyable, menée par la grande bourgeoisie pour briser la résistance ouvrière. Les syndicats, qui avaient arraché des salaires décents et des protections sociales dans les années 1950-1960, représentaient une menace pour les profits. La réponse fut brutale :

Reagan et les contrôleurs aériens (1981) : Lorsque 11 000 contrôleurs aériens en grève (PATCO) ont défié l’État, Reagan les a licenciés en masse, les remplaçant par des briseurs de grève. Ce coup de force a envoyé un message clair : la classe ouvrière devait se soumettre.

Thatcher et les mineurs britanniques (1984-1985) : Au Royaume-Uni, alliée de Reagan, Margaret Thatcher a écrasé le puissant syndicat des mineurs lors d’une grève d’un an, utilisant la police et des lois antisyndicales. Cette victoire a démantelé la résistance ouvrière britannique.

Dictatures en Amérique latine : Dans des pays comme le Chili (Pinochet, 1973) et l’Argentine (junte militaire, 1976-1983), soutenus par les États-Unis, des dictatures ont réprimé les syndicats et les mouvements ouvriers par la torture et les disparitions, imposant des réformes néolibérales favorables au capital. Ces régimes, appuyés par la CIA, ont servi de laboratoires pour la déréglementation et la financiarisation.

Ces offensives ont affaibli les syndicats partout : aux États-Unis, le taux de syndicalisation est passé de 35 % en 1955 à 10 % en 2020. Sans résistance organisée, les salaires ont stagné (le salaire médian réel est quasi inchangé depuis 1973), tandis que les profits s’accumulaient chez les 1 %, qui détiennent 50 stars% des actifs financiers.

La logique : concurrence et survie du capital

Ce passage de l’industrialisation à la financiarisation répond à une logique capitaliste : face à la baisse du taux de profit, exacerbée par la concurrence (notamment chinoise), la grande bourgeoisie a délocalisé pour exploiter la main-d’œuvre à bas coût, puis déréglementé pour capter les profits via la finance. Mais cette stratégie nécessitait d’écraser la classe ouvrière, dont les revendications menaçaient l’accumulation. La lutte des classes, menée avec une férocité sans précédent, a assuré la survie du capital au prix d’une concentration extrême de la richesse et d’une économie fragilisée.

Conclusion

La financiarisation de l’économie américaine n’est pas un simple virage économique : c’est le fruit d’une guerre de classes orchestrée par la grande bourgeoisie pour contrer la baisse tendancielle du taux de profit. La délocalisation vers la Chine et la déréglementation ont restauré les marges, mais au détriment des travailleurs, dont les syndicats ont été écrasés par des mesures brutales, de Reagan licenciant 11 000 contrôleurs aériens à Thatcher brisant les mineurs, en passant par les dictatures au Chili et en Argentine. Ce système, où la Bourse l’emporte sur l’usine, concentre la richesse chez les élites tout en fragilisant l’économie réelle, posant la question de sa viabilité à long terme.

 


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