Staline et Hitler, main dans la main : le scandale du pacte Ribbentrop-Molotov
par Giuseppe di Bella di Santa Sofia
samedi 26 avril 2025
En août 1939, dans l’ombre des chancelleries, l’URSS et l’Allemagne nazie signaient un pacte qui allait ébranler l'Europe. Le pacte Ribbentrop-Molotov, trop souvent réduit à un simple accord de non-agression, fut bien plus : une collusion cynique entre deux totalitarismes, scellant le sort de nations entières. Dans les méandres de cette alliance contre-nature, Il y existe une vérité que certains cherchent encore à maquiller : l’URSS a activement collaboré avec le IIIe Reich. À l’heure où l’histoire est souvent réécrite, retour sur un épisode terrifiant.
Les racines du pacte : un contexte explosif
L’Europe des années 1930 était une poudrière. Les blessures de la Première Guerre mondiale, les humiliations du traité de Versailles et la montée des idéologies totalitaires dessinaient un continent au bord du gouffre. L’Allemagne nazie, sous la houlette d’Adolf Hitler, affichait des ambitions expansionnistes dévorantes, tandis que l’URSS de Joseph Staline, isolée diplomatiquement, cherchait à sécuriser ses frontières tout en propageant son idéologie communiste. Dans ce jeu d’échecs géopolitique, un rapprochement entre ces deux puissances, pourtant idéologiquement opposées, semblait impensable. Pourtant, les archives historiques, notamment les correspondances diplomatiques exhumées après la guerre, montrent que des contacts discrets avaient déjà lieu dès 1938.
Le pragmatisme cynique guida les deux dictateurs. Hitler, préparant son invasion de la Pologne, voulait éviter une guerre sur deux fronts. Staline, méfiant envers les démocraties occidentales après l’échec des négociations avec la France et le Royaume-Uni, voyait dans un accord avec Berlin une opportunité de gagner du temps et d’étendre l’influence soviétique. Les travaux de l’historien britannique Antony Beevor, notamment dans The Second World War (2012), soulignent que Staline, loin d’être un simple opportuniste, nourrissait des ambitions territoriales précises, notamment sur les pays baltes et la Pologne orientale. Les témoignages de diplomates comme Gustav Hilger, conseiller à l’ambassade allemande à Moscou, confirment que les discussions étaient empreintes d’une froide realpolitik.
Ce mariage de raison n’était pas sans risques. Les élites nazies, imprégnées de l’idéologie antisoviétique, voyaient dans ce pacte une entorse temporaire à leurs principes. Côté soviétique, la signature d’un tel accord avec l’ennemi idéologique juré désorienta les cadres du Parti communiste. Pourtant, Staline imposa le silence, écrasant toute dissidence interne. Ce contexte, où la méfiance mutuelle côtoyait une convergence d’intérêts, prépara le terrain à l’un des accords les plus funestes du XXe siècle.
La signature du pacte : une danse macabre à Moscou
Le 23 août 1939, dans une salle du Kremlin baignée d’une lumière tamisée, Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Reich, et Viatcheslav Molotov, son homologue soviétique, paraphèrent le pacte qui allait redessiner la carte de l’Europe. Officiellement, il s’agissait d’un traité de non-agression, engageant les deux parties à ne pas s’attaquer mutuellement pendant dix ans. Mais le véritable scandale réside encore dans les protocoles secrets, révélés après la guerre grâce aux archives saisies par les Alliés à Berlin. Ces clauses occultes partageaient l’Europe de l’Est en sphères d’influence : la Pologne serait divisée, les pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) et la Bessarabie (Roumanie) reviendraient à l’URSS, tandis que l’Allemagne s’arrogeait la partie occidentale de la Pologne.
Les photographies de l’événement montrent Ribbentrop et Molotov échangeant des sourires crispés, tandis que Staline, présent en coulisses, supervisait l’opération. Ce moment, immortalisé dans les mémoires comme une trahison des idéaux communistes, fut pourtant célébré à Moscou comme une victoire diplomatique. Les archives du NKVD, partiellement ouvertes dans les années 1990, révèlent que Staline ordonna une campagne de propagande interne pour justifier l’accord, présentant l’Allemagne comme un “partenaire temporaire” face à l’impérialisme occidental. Cette rhétorique visait à masquer la collaboration active entre les deux régimes.
Cette collaboration ne se limita pas à des mots. Dès septembre 1939, l’URSS livra à l’Allemagne des matières premières cruciales – pétrole, céréales, manganèse – en échange de technologies militaires. Les rapports du ministère allemand de l’Économie, cités par l’historien Timothy Snyder dans Bloodlands (2010), montrent que ces livraisons permirent à la Wehrmacht de soutenir son effort de guerre initial. Pendant ce temps, la propagande soviétique taisait les atrocités nazies, tandis que le Komintern, organe de coordination communiste international, recevait l’ordre de cesser toute critique de l’Allemagne. Ce silence complice, rarement évoqué dans les récits historiques soviétiques, illustre l’ampleur de la collusion.
Un partage sanglant
Le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne, déclenchant la Seconde Guerre mondiale. Deux semaines plus tard, le 17 septembre, l’Armée rouge pénétrait à son tour dans l’est du pays, conformément aux protocoles secrets. Cette invasion conjointe, souvent occultée dans les récits historiques russes contemporains, fut un acte de collaboration militaire explicite. Les archives polonaises, notamment les témoignages recueillis par l’Institut de la mémoire nationale (IPN), décrivent des scènes de coordination entre officiers allemands et soviétiques, échangeant cartes et informations pour sécuriser leurs zones respectives. À Lwów (aujourd’hui Lviv), des unités allemandes cédèrent même des positions aux troupes soviétiques dans une passation quasi théâtrale.
Les populations prises dans cette tenaille subirent des horreurs indicibles. Côté nazi, la machine de guerre écrasait toute résistance, tandis que les Einsatzgruppen entamaient leurs premières exactions contre les Juifs et les élites polonaises. Côté soviétique, le NKVD orchestrerait bientôt le massacre de Katyń, où 22 000 officiers et intellectuels polonais furent exécutés en 1940. Ces assassinats, longtemps imputés aux nazis par la propagande soviétique, furent planifiés avec une froideur bureaucratique par le régime de Staline. Les déportations massives de Polonais, Baltes et Roumains vers les goulags complétèrent ce tableau de désolation.
L’Europe de l’Est devint un laboratoire de l’arbitraire totalitaire. Les pays baltes, annexés par l’URSS en 1940, furent soumis à une sovietisation brutale : arrestations, exécutions, confiscations de terres. Les témoignages de survivants décrivent une terreur méthodique, visant à briser toute velléité de résistance. Pendant ce temps, l’Allemagne, forte du soutien logistique soviétique, poursuivait sa conquête de l’Europe occidentale. Ce partenariat macabre, qui dura jusqu’à l’invasion allemande de l’URSS en juin 1941, révèle une vérité dérangeante : loin d’être un simple spectateur, l’URSS fut un acteur clé dans les premières phases de la guerre.
Une vérité contournée : la réécriture de l’histoire
Après la rupture du pacte en 1941, lorsque l’opération Barbarossa vit l’Allemagne envahir l’URSS, Staline réinventa son rôle dans le conflit. La propagande soviétique présenta l’URSS comme la victime héroïque du nazisme, occultant les deux années de collaboration active. Les protocoles secrets du pacte, bien que connus des Alliés dès 1945 grâce aux archives allemandes, furent niés par Moscou jusqu’en 1989, lorsque Mikhaïl Gorbatchev, sous la pression internationale, admit leur existence. Cette reconnaissance tardive ne dissipa pas les efforts de certains historiens russes pour minimiser la portée de l’accord.
Aujourd’hui, la mémoire du pacte Ribbentrop-Molotov reste un champ de bataille idéologique. En Russie, des récits officiels, soutenus par des manuels scolaires récents, présentent l’accord comme une nécessité stratégique, sans mentionner les protocoles secrets ni les invasions conjointes. L’historien polonais Andrzej Nowak, dans First Betrayal (2015), dénonce cette réécriture comme une tentative de blanchir le rôle de l’URSS dans le déclenchement de la guerre. En parallèle, les travaux d’organisations comme Memorial, qui documentent les crimes staliniens, sont entravés par les autorités russes, illustrant la difficulté d’accéder à une vérité historique impartiale.
Cette distorsion n’est pas sans conséquences. Dans les pays baltes et en Pologne, le souvenir du pacte alimente une méfiance persistante envers la Russie. Les commémorations annuelles, comme la Journée du ruban noir (23 août), rappellent l’impact dévastateur de l’accord. Pourtant, à l’Ouest, l’ampleur de la collaboration soviéto-nazie reste souvent méconnue, éclipsée par le rôle ultérieur de l’URSS dans la victoire alliée. Réhabiliter cette vérité, comme le souligne l’historienne Catherine Merridale dans Ivan’s War (2005), est essentiel pour comprendre les dynamiques complexes du conflit et leurs échos contemporains.
Un avertissement pour aujourd’hui
Replonger dans les arcanes du pacte Ribbentrop-Molotov, c’est confronter une vérité humaine brutale : les idéologies, aussi opposées soient-elles, peuvent s’unir dans la quête du pouvoir. Les visages des diplomates signant l’accord, les cartes redessinées dans l’ombre, les cris étouffés des victimes de Katyń ou des goulags – tout cela compose une fresque où l’ambition et la trahison se mêlent. Les archives, qu’il s’agisse des rapports du NKVD ou des mémoires de Ribbentrop, parlent d’une voix unanime : l’URSS ne fut pas une victime passive, mais une complice active dans la tragédie initiale de la guerre.
Cette histoire résonne encore. Les tentatives de réécrire le passé, en Russie ou ailleurs, rappellent que l’histoire n’est jamais neutre. Elle est un terrain de lutte, où la vérité risque d’être sacrifiée au profit de récits nationalistes. Les travaux d’historiens comme Timothy Snyder ou Anne Applebaum, fondés sur des sources primaires et des témoignages, offrent un rempart contre ces dérives. Ils nous invitent à questionner les récits officiels, à exhumer les silences, à donner une voix aux oubliés.
Le pacte Ribbentrop-Molotov est un miroir tendu à notre époque. Les alliances opportunistes, les compromis moraux, les silences complices ne sont pas l’apanage du passé. En cette année 2025, alors que les tensions géopolitiques redessinent les alliances mondiales, l’histoire de cet accord nous rappelle une leçon intemporelle : la vigilance est le prix de la vérité. À nous, lecteurs, citoyens, historiens, de la préserver, pour que les ombres de 1939 ne s’étendent pas sur notre avenir.
Enfin, le pacte Ribbentrop-Molotov ne fut pas un simple épisode diplomatique, mais un acte de collusion qui précipita l’Europe dans le chaos. L’URSS, loin d’être une spectatrice, collabora activement avec le régime nazi, partageant territoires et responsabilités dans les horreurs de 1939-1941. À l’heure où certains réécrivent l’histoire, se souvenir de cette alliance maudite, c’est rendre justice aux victimes et tirer les leçons d’un passé qui, sans vigilance, pourrait se répéter.