Affaire Clearstream : tout, et son contraire
par Jean-Paul Busnel
jeudi 4 mai 2006
Entre l’Elysée qui dément, un Premier ministre qui s’indigne, Le Monde qui confirme et une Justice qui se tait, la France n’est pas plus avancée. Il est vrai, « on ne ment jamais autant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse », disait Georges Clemenceau. Reste à savoir qui ment ! L’affaire Clearstream n’a, pour l’instant, livré ni son coupable, ni son corbeau. Elle a seulement fait dire tout et son contraire au ministre et au général Rondot.
Jamais, jusqu’ici, déposition d’un agent secret n’avait été aussi peu protégée. A croire que le bureau des juges d’instruction Jean-Marie d’Huy et Henri Pons avait des « oreilles », le 26 mars dernier. Ce qui est un comble, et tout aussi inquiétant. Pas seulement pour la DGSE ou pour la DST. Car quel est donc l’ange gardien qui, chaque matin, alimente le quotidien du boulevard Auguste Blanqui ? Quel est ce Zorro des temps modernes qui écoute aux portes des cabinets et s’abreuve des secrets de l’instruction en toute impunité ?
Qui ment ? La rumeur ou le gouvernement ? Et, tandis que Michèle Alliot-Marie rase les murs, depuis que l’on a appris qu’elle avait été informée par son « gradé », on se demande quelle sera la nouvelle révélation ?
Mais à quel drôle de jeu se livrait donc le ministre des Affaires étrangères d’il y a deux ans, aujourd’hui chef du gouvernement ? Pourquoi, et dans quel but le quai d’Orsay faisait-il du renseignement ? Sous quelle autorité, et avec quelle légitimité ? Et qui ment désormais ? Un général sénile ou un énarque distingué ?
Mais qui parle de mentir ? A l’entendre parler avec autant d’assurance, Dominique de Villepin serait-il cet homme du midi dont parlait Alphonse Daudet ? Cet homme qui ne ment jamais, mais qui se trompe ? " Il ne dit pas toujours la vérité, mais il croit la dire... Son mensonge à lui, ce n’est pas du mensonge, c’est une espèce de mirage..." Cet homme-là serait-il tout autant Tartarin de Tarascon que Galouzeau de Villepin ?
Reste que les contradictions du Premier ministre sont « énormes » dans ce dossier, tout comme les révélations et les dégâts dans l’opinion. Quant à la justice, panier percé des auditions, elle ne sort pas grandie de ces accusations. Le pouvoir exécutif et l’autorité judiciaire dans le même panier ! Il faut se pincer pour ne pas croire désormais à la... machination.