Faire de la politique autrement ...
par Philippe Piquot
jeudi 16 mars 2006
Pouvons-nous envisager la politique autrement ? Autrement que comme un champ de bataille et de protestation ? Que comme l’exercice d’une autorité sur le plus grand nombre ? Que comme une querelle de personnages ? Que comme le renoncement à des idées ou l’acoquinement avec des groupes de pression ?
Ne pouvons-nous pas espérer redonner au peuple la voix qu’il mérite dans la gestion de la cité afin d’en finir avec les décisions prises à l’encontre d’un vote, à l’encontre d’un parlement et à l’encontre de la rue ?
Voici quelques idées simples qui s’appliquent à toutes tendances confondues et qui sont donc susceptibles de servir la majorité d’entre nous, sinon la totalité :
L’action politique ne devrait pas commencer à l’aube d’une élection et se terminer juste après le scrutin.
Un parti ou un homme ne devrait pas pouvoir se présenter sans offrir à son pays une visibilité complète sur ses intentions et les moyens de les réaliser.
Un homme politique, ou un homme, devrait proposer un projet, une vision de l’avenir permettant au Peuple de s’y projeter.
Comme un seul homme ne peut pas avoir des solutions à tous les maux, de l’Economie jusqu’à la Santé, en passant par l’Education ou l’Aménagement du territoire, il lui faut présenter les personnes qui incarneront, chacune dans une spécialité, la traduction sur le terrain de cette vision.
Ainsi, un présidentiable ne devrait-il pas seulement proposer un projet, mais également les principaux ministres, avec obligation pour chacun d’évoquer l’action qu’il envisage.
N’est-ce pas ce qui est fait dans une municipale ? Le maire présente toute une liste et on sait peu ou prou qui s’occupera de quoi. Comme nous sommes bien sûr moins proches d’un présidentiable et de ministrables que nous ne pouvons l’être de notre maire et de son équipe, il est naturel de faire preuve de davantage de pédagogie.
C’est ainsi en toute connaissance de cause que nous élirons les gens qui nous gouverneront.
Inévitablement, cela aura comme vertu de diminuer la contestation populaire et la contestation corporatiste, puisque le président tirera sa légitimité non seulement de son élection, mais aussi de la validation de son programme (et de ses représentants) par une majorité du peuple.
Je pense que le Peuple, même s’il n’a plus confiance dans ses gouvernants, et même s’il a perdu la culture du dialogue, demeure ouvert aux idées neuves et reconnaît les hommes qui ont du mérite ou du courage.
Ainsi, nous avons eu trop d’hommes politiques nous promettant monts et merveilles, et trop peu ayant le courage politique d’annoncer un programme ou des actions impopulaires lorsqu’ils sont convaincus de leur nécessité.
Ces derniers gardent donc toutes leurs chances en annonçant un programme par avance, car ils vont déclencher une réflexion à l’échelle nationale.
Ils redonneront leurs lettres de noblesse à l’action politique car ils devront se battre, argumenter, expliquer et convaincre pour faire accepter leurs idées et disposer de la chance de pouvoir les mettre en pratique.
J’imagine même qu’il pourrait exister en France un gouvernement d’opposition, comme en Angleterre, qui aurait légitimité à rencontrer les syndicats et les différentes représentations concernées par un projet. C’est ce qu’on appellerait la pédagogie (par trop absente des habitudes de nos gouvernants) et la confrontation des idées sur le terrain afin que, le jour venu de les mettre à exécution, cela puisse se faire sereinement et rapidement.
Avantage : rendre différentes personnalités solidaires à long terme les unes des autres. Non seulement cela nous éviterait le cirque pitoyable des alliances et défections au sein du camp socialiste, mais encore, nous pourrions éprouver réellement l’engagement de chacun à faire aboutir son programme.
Autre avantage : n’est-ce pas la meilleure façon de renouveler le paysage politique et l’origine de nos gouvernants, puisque nous pourrions découvrir et juger nos politiques en dehors des contraintes réelles d’un gouvernement élu ?
Enfin, ce gouvernement d’opposition agirait comme un laboratoire d’idées. Il serait alors légitime et utile que les meilleures idées soient reprises et mises en oeuvre par le gouvernement en place. Légitime pourquoi ? Parce que l’opposition ne pourrait pas se plaindre de voir ses projets diffusés et mis en oeuvre par d’autres, puisqu’elle souhaite justement les voir appliquer ! Le peuple non plus, qui devrait sinon attendre des mois ou des années.
Pouvons-nous imaginer un tel fonctionnement de notre « machinerie politique » ?
Ne serait-ce pas mieux que de s’abstenir de voter pour un bonnet blanc ou un blanc bonnet ?
Que de se jeter constamment dans les rues pour crier notre opposition à une décision prise sans concertation ?
Que d’assister à des querelles de personnes chez nos hommes politiques ?
Que de prendre le risque de voter pour un individu semblant avoir de la poigne, des idées, mais qui se révèlera peut-être encore plus démagogue, autoritaire et inefficace que ne le sont nos actuels gouvernants ?
Que de prendre le risque de voter pour un parti dont le seul projet est de s’opposer à tel homme et non d’offrir une vision de notre avenir ?
En somme, cette manière de pratiquer la politique permettrait, selon moi, de redonner corps à quelques valeurs que tous, nous avons oubliées aujourd’hui :
Le dialogue, la confiance, la pédagogie, le sens des responsabilités et le courage.
En ce qui me concerne, j’aimerais pouvoir me rendre utile, politiquement, mais qui aujourd’hui incarne suffisamment de mes idées pour que je me présente à sa porte ?
Je reste volontairement vague sur celles-ci pour illustrer que je suis un « lieu commun » ! En effet, sinon, comment expliquer un taux d’indécis aussi élevé à chaque élection ? Comment expliquer aussi toutes nos cohabitations (nous en avons vécu trois, à gauche comme à droite) ? Comment expliquer qu’un parti d’extrême droite, très minoritaire dans notre paysage politique, ait pu détrôner un grand parti dans une élection présidentielle ?
Ami lecteur, si tu te poses, toi aussi, des questions, si tu penses que ton engagement peut être utile et que tu as plus avancé que moi sur la manière de t’y prendre, alors éclaire-moi ...