L’enfer des Amérindiens dans les pensionnats canadiens
par Serge-André Guay
vendredi 3 mars 2006
Trois Amérindiens du Québec lèvent le voile sur les sévices subis par les enfants de leurs peuples dans les pensionniats canadiens où ils étaient placés de force par les gouvernements au cours des années 1950. Il aura donc fallu plus d’une cinquantaine d’années à ces trois Amérindiens pour dénoncer la situation passée. Pourquoi ? La honte, car il s’agit entres autres de sévices sexuels.
À titre d’éditeur de plusieurs auteurs européens, je reçois régulièrement des demandes d’information au sujet de l’histoire nord-américaine. L’un des sujets de prédilection demeure les Amérindiens. Pour certains, le sujet est folklorique, tout comme les « cabanes en bois rond » et les « grands espaces » canadiens. Pour d’autres, le sujet est historique et souvent dramatique. Ils s’inquiètent avec raison du sort réservé aux peuples amérindiens sous la gouverne des blancs. Un peu plus tôt cette semaine, la télévision d’Etat, Radio-Canada, a levé le voile une fois de plus sur l’un des aspects les plus troublants de l’histoire récente des Amérindiens du Canada dans un reportage que l’on peut écouter en ligne ou en visitant le site internet des nouvelles télévisées. Les intéressés trouveront le reportage sont le titre : « Le secret du pensionnat d’Amos » (Amos étant le nom d’une ville de la région de l’Abitibi, la porte Nord-Ouest du Nord québécois). Ce reportage fait état du sort réservé aux Amérindiens dans l’un des 300 pensionnats construits par le gouvernement canadien dans les années 1950 pour éduquer les peuples amérindiens partout au pays. Les parents amérindiens étaient obligés d’envoyer leurs enfants dans ces pensionnats gérés majoritairement par l’Église catholique, à la demande même du gouvernement. Aujourd’hui, plus de cinquante ans plus tard, trois autochtones (amérindiens) acceptent de témoigner des sévices qu’ils ont subis dans le pensionnat où ils furent forcés d’aller, celui de la ville d’Amos.
Une expression relativement nouvelle est née pour désigner les enfants placés dans les pensionnats à cette époque : « les orphelins de Duplessis », du nom du Premier ministre d’alors, Maurice Duplessis, dont le règne s’étendra du 26 août 1936 au 8 novembre 1939 et du 30 août 1944 au 7 septembre 1959. Dans les manuels scolaires d’histoire du Québec, on désigne cette période sous le nom : « La grande noirceur », en raison, entre autres, des actions du gouvernement Duplessis empêchant le Québec d’entrer dans la modernité. Fait bien connu de cette époque, les pensionnats, où des milliers d’enfants furent « internés », étaient confiés à l’Église catholique qui faisait et défaisait les gouvernements en ce temps-là. On y retrouvait non seulement les enfants orphelins mais aussi des enfants nés hors mariage, des enfants handicapés, des enfants déficients intellectuels et... les enfants des Amérindiens. L’expression consacrée « Les orphelins de Duplessis » fait allusion à tous ces enfants abandonnés par la société de l’époque aux mains de gouvernements et des Eglises.
Dans le reportage, Radio-Canada présente des extraits de ses archives de l’époque, où les animateurs expliquent la grande opération d’éducation des Amérindiens par le gouvernement du Canada. Remarquez l’absence de sens critique ; la télévision d’Etat n’est alors qu’un écho du programme. Autrement, Radio-Canada n’aurait pas manqué de souligner qu’elle avait alors dénoncé la situation. Mais il n’en est rien, la télévision d’Etat s’inscrit elle-même dans cette période de « grande noirceur » au Québec. Heureusement, les choses ont changé depuis, mais, comme on le dit, le mal est fait.