Monarchie élective ou démocratrie représentative ?

par Sylvain Reboul
lundi 3 avril 2006

Certains commentaires à propos de mon article précédent sur la crise de notre démocratie contestent, au nom de la démocratie représentative, mon analyse ; ils mettent en doute le fait que la crise que nous connaissons concerne la forme et la pratique de nos institutions. D’où la question : la crise actuelle est-elle aussi une crise de la Cinquième République, qui mette en cause sa capacité à mettre en scène la démocratie et la représentativité des forces sociales dans leur diversité ?

Pour poursuivre la réflexion initiée dans mon article "L’Autorité politique et la représentation démocratique" , plusieurs remarques de fait et de droit me semblent devoir être faites.

1) Le droit de manifester, y compris contre une loi mal conçue, voire socialement « choquante » car inégalitaire, est reconnu par la constitution comme un droit démocratique, d’autant plus -et c’est un fait, non une opinion- que la représentativité du Parlement est aujourd’hui en crise ; crise qui, dans le cas du CPE, à mon avis, tient à deux éléments factuels et de droit :

- Le non-respect de la loi Fillon qui faisait obligation au gouvernement de consulter les partenaires sociaux avant toute modification du droit de travail. C’est un fait.

- La procédure du 49.3 qui soumet le législatif à l’exécutif, sauf, pour la majorité parlementaire, à désirer son propre suicide.

On ne peut éviter, dans ces conditions, que les citoyens considèrent alors que la représentativité du Parlement, théoriquement législateur, n’est plus qu’une illusion. Cette impression justifiée est un fait, comme le montre :

2) Le suffrage majoritaire interdit une réelle représentativité des minorités, voire la prise en compte de leurs propositions ; or il peut très bien être combiné par le suffrage proportionnel, comme en Allemagne, par exemple : la « grande coalition » est aussi un moyen de traiter les problèmes les plus importants avec un soutien réel de la population (je ne dis pas du peuple, qui pour moi est une notion illusoire) ; quant au cas anglais du scrutin majoritaire à un tour, je ne le trouve pas particulièrement démocratique, et cela ne fonctionne pas trop bien : il interdit pratiquement toute autre représentation que celle de deux grands partis, c’est un fait, et il est aussi un fait que la représentativité de T. Blair, dont j’approuve pas mal d’initiatives, est d’autant plus contestée aujourd’hui (ex : sur l’Irak et sur la réforme de l’école) qu’il peut soumettre le Parlement sans réel débat à des décisions ressenties (à tort ou à raison) comme arbitraires ou injustes.

Mon analyse critique est corroborée par la prise de position du président de la République sur le CPE  ; celle-ci, en effet, rend la représentativité du Parlement et du législateur encore plus problématique : promulguer une loi (ce qui veut dire la rendre immédiatement applicable) pour l’invalider aussitôt, en fixant, hors de toute concertation, les modifications à lui apporter, c’est faire du fait du prince le ressort de la décision législative et disqualifier encore plus le rôle du Parlement et le caractère démocratique des institutions.

Nous sommes bien plus dans le cadre dans une monarchie élective que dans celui d’une démocratie représentative ; Monsieur Jacques Chirac vient d’en faire éclatante démonstration.

Le CPE, un contrat d’indignité

Le rasoir philosophique


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