Petit portrait de la France, vu de l’étranger, ŕ la sauce normande

par Yuca de Taillefer
mercredi 31 mai 2006

Nous vivons dans un pays, la France, mais c’est quoi, "la France" ? L’oeil de l’extérieur est parfois plus intéressant : interrogez donc un américain touriste à Paris, un vétéran américain sur les plages du débarquement, ou un étranger anglais ou allemand étudiant en France : ce sera la même "France" dont ils parleront, mais ils en parleront différemment. Néanmoins, voici un essai dressant un petit portrait de la France.

D’abord, la France, à l’échelle du monde, est considérée comme un vieux pays, une vieille démocratie dont tout semble émaner d’un seul lieu, Paris : tous les journaux sont parisiens en France, toute la parole est parisienne, toutes les réjouissances sont parisiennes, toute la culture est parisienne, etc. Capitale politique et moteur financier, Paris, c’est là que la cour de la France s’agite, et Paris est le cerveau d’une république extrêmement centralisée. Paradoxalement, l’hymne de ce pays, la France, s’appelle "La Marseillaise", et quand un touriste entend La Marseillaise sifflée, il pense souvent que c’est normal, et que ce n’est le fait que des Parisiens.

Difficile de croire ce qui est dit dans les journaux, car il faut avant tout écouter ce que disent les gens : il est clair qu’en rencontrant ces "touristes", on se rend compte que l’opinion publique européenne et même mondiale admire la France, et ceci pour plusieurs raisons :
- les progrès technologiques comme le TGV, sa participation à des progrès techniques européens, par exemple le projet européen aérospatial de la fusée Ariane.
- sa participation à la construction européenne : le système monétaire européen, Airbus à Toulouse (Occitanie), le siège du Parlement à Strasbourg (Alsace).


- sa vocation universaliste en matière des Droits de l’Homme, dont de nombreuses nations dans le monde se sont inspirées.
- enfin, sont souvent évoqués une certaine qualité de vie, une certaine beauté, un raffinement français (sont-ce des clichés ou des réalités ? A chacun d’apprécier...), etc.
Mais bien sûr, ce que le monde nous envie - ou une écrasante majorité de ce monde -, c’est le modèle social français, hautement protecteur et presque unique au monde. Bref la France est perçue comme un petit pays bien sympathique, mais une grande nation, et les Français sont perçus comme des privilégiés, des veinards !

Car l’étranger qui découvre notre pays a l’impression que le Français s’en remet totalement à "l’Etat-providence", et pense que le Français attend tout de l’Etat sans jamais rien donner en échange, ou au moins donner le minimum. (Pour un Américain, c’est évident, il suffit de penser à Kennedy déclarant à ses compatriotes quelque chose comme : « Avant de demander ce que les USA ont fait pour toi, demande-toi ce que tu as fait pour les USA. » )
Quand, à l’étranger, on parle de la France, c’est la plupart du temps en cas "d’affaires politico-médiatico-magouilleuses" ou alors en cas de grèves et de mobilisations dans la rue : les étrangers ont donc l’impression que la spécialité française, descendre dans la rue, depuis la Révolution, est une coutume locale pittoresque, la "rue" et le gouvernement se neutralisant, et ainsi la France est le pays qui donne l’impression qu’il ne bouge jamais.

La France reste un des pays du monde où l’on cause le plus, où l’on fait le plus de rapports au mètre cube, où il y a le plus de commissions, de débats publics, tout en sachant que causer et faire faire des rapports par des cadres, des experts, des spécialistes et tutti quanti, ça ne sert à rien, puisque tout reste pareil tout le temps, rien ne change.

Anecdotiquement, on peut noter qu’une forte publicité a servi à essayer de "vendre" la politique du premier ministre (mandaté par un président, mandaté lui-même à plus de 80% du corps électoral...) autour du CPE, en France mais également hors de France, dans les journaux bénéficiant des tuyaux des circuits des pouvoirs depuis début 2006. Mais dans les pays étrangers d’occident et particulièrement en Amérique, personne n’avait oublié les images qui montraient que pendant des nuits entières, des voitures furent calcinées, dans un premier temps en banlieue parisienne, puis dans les principales banlieues de villes françaises, et les médias étrangers en profitèrent pour fustiger le fameux "liberté, égalité, fraternité" de la République devant diriger toutes les nations (ce fut du moins l’ambition de Napoléon). Ces flambées de violence ne s’arrêtant pas aux frontières, puisqu’elles s’étendirent jusqu’en Grèce et en Belgique... Comme quoi la France compte ! Qui a dit que la France n’avait plus aucune influence en Europe et dans le monde ?

Ecouter les étrangers vivant ou venant chez nous, et parler avec eux de France... C’est étonnant ! : car inutile de tromper les apparences, l’étranger se rend bien compte que le Français est désabusé sur son propre pays, qu’une partie de la population y vit complètement désenchantée, même si on fait semblant de sauvegarder les apparences, et souvent le Français ne raconte qu’un passé fait de souvenirs et de nostalgie, un passé encore glorieux. La France, finalement, est un pays fataliste, d’esprit critique, de paroles, d’utopies, et complètement immobiliste.

Bien sûr, un touriste, un étranger vivant en France voit avec son esprit, son expérience et son oeil, comme nous tous. Il arrive souvent même que cette personne fasse de la France un "tout" : l’Etat-nation France, c’est alors une seule langue, une seule histoire, une seule culture, et ses origines, si je caricature juste un peu, ce sont des "origines gauloises" (bien entendu, il s’agit ici "d’Américains déjà cultivés"). Et nous savons de même tous que les Américains mangent de gros hamburgers et roulent dans de grosses voitures qui polluent honteusement notre couche d’ozone alors qu’ils n’en ont que faire...
Tout ceci n’est que "clichés", toute image d’un pays et de ses habitants renvoie à des clichés ancrés dans notre esprit, mais admettez que tous les clichés ont la vie dure !

Mais forcément, limiter la France à cela serait simpliste. Si on laisse Paris de côté, alors on peut voir une multitude de pays composant la France, avec des caractères, des attitudes, des manières de voir propres : plus l’histoire y est chargée, plus les contours se dessinnent nettement, lorsqu’on apprend à connaître ces territoires : c’est le cas de la Bourgogne, de la Bretagne, de l’Alsace, de la Normandie, par exemple : lieux de structuration, lieux de vie. Paris est alors le centre ville où l’on fait carrière, mais où on ne vit pas : car implicitement, il s’agit que d’une ville qui tire toutes les ficelles de la bureaucratie et des jeux de pouvoir et de domination.

Ainsi le cliché de l’orgueil français, suralimenté par les touristes et correspondants étrangers qui visitent seulement la capitale, ne généralise en fait que l’attitude des quelques Parisiens ou technocrates énarchiques (les apparatchiks ou nomenclatura de la France) qu’ils auront rencontrés. Mais de retour dans leur pays, ils généraliseront l’orgueil français pour en faire une attitude propre aux Français.

Mais difficile de condamner cette attitude : en effet, quand nous voyageons et que nous revenons ensuite au pays, ne suivons-nous pas les mêmes chemins, ne généralisons-nous pas les exceptions que nous voyons ?

Yuca de Taillefer.

La "rupture" et le "changement" pour les Normands, ce n’est pas 2007, c’est la réunification !


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