Roselyne et les moutons

par Laurent
vendredi 31 mars 2006

Ce matin, lors du 7/9 de France Inter, nous avons pu assister à un bel exemple de ce que les plus gentils appelleront le politiquement correct et les plus critiques l’assujettissement des médias aux politiques.

Effectivement ce matin, Patrick Boyer remplaçant Pierre Weill[1], recevait dans la tranche matinale de France-Inter Roselyne Bachelot, dont on ignorait qu’elle faisait encore de la politique. La discussion fut principalement orientée sur le CPE et les différentes options possibles pour le gouvernement après la validation de la loi de cohésion sociale par le Conseil constitutionnel.

Vers 8h40 est arrivée la traditionnelle séance des questions des auditeurs. Après une réponse au cours de laquelle notre chère Roselyne avait évoqué le problème posé par la non-représentativité des syndicats, arrive Jean-Louis, d’Aix-en-sProvence.

Après une première partie de questions standard, Jean-Louis aborde un deuxième thème directement lié à ce que Mme Bachelot vient juste de dire :

Jean-Louis

« [..] J’aimerais savoir, puisque vous parlez de représentativité des syndicats : combien y a-t-il de citoyens qui sont adhérents à des partis politiques et que vous représentez au Parlement ? »

Roselyne Bachelot répond alors à la première partie de la question, et arrive le moment de répondre à la deuxième partie :

Roselyne Bachelot

« [..] Alors la deuxième partie du, de la question, c’était heu... sur heu... la, la représentativité ? C’était, attendez... »

Ici Patrick Boyer vient au secours de Roselyne :

Patrick Boyer

« Oui, oui, on l’a, on l’a un peu effectivement déjà évoquée... »

R.B.

« Oui, on l’a déjà traitée »

Et là Patrick Boyer enchaîne avec une question concernant les étudiants voulant étudier et « pris en otage » par les anti-CPE. Question qui évidemment est beaucoup plus du goût de madame Bachelot.

Alors si, là, en direct, on ne vient pas d’assister à un des plus beaux exemples de ce qu’on peut appeler « servir la soupe »... En tout cas, monsieur Boyer vient de gagner haut la main son badge d’interviewer politique avec lequel ces puissants qui nous gouvernent n’auront pas peur de venir discuter, étant certains de ne pas risquer d’être pris en défaut.

Ceci dit, la question de Jean-Louis vaut quand même la peine qu’on s’y arrête. J’ai donc cherché rapidement des ordres de grandeur du nombre d’adhérents des partis politiques et des syndicats. Et voici ce que j’ai pu trouver avec l’aide de Wikipedia[2] :

Adhérents des principaux syndicats

CFDT

800 000

CGT

700 000

FO

300 000

CGC

140 000

CFTC

150 000

Adhérents des principaux partis politiques

UMP

200 000

PC

134 000

PS

130 000

UDF

31 000

Les Verts

9 000

On comprend mieux alors la pertinence de la question de Jean-Louis, surtout si on prend en compte le fait que les syndicats ne s’adressent qu’à la population active, c’est-à-dire à environ 27 millions de personnes[3] alors que les partis politiques s’adressent à la population majeure dans son ensemble, c’est-à-dire à environ 46 millions de personnes[4].

Donc, si on considère que les syndicats ne sont pas représentatifs, il faut bien alors se rendre à l’évidence que les partis politiques ne le sont pas non plus, voire encore moins (pas loin de 8 fois moins pour le parti au plus grand nombre d’adhérents, l’UMP).

Alors peut-être serait-il bon que le gouvernement arrête d’attaquer les syndicats sur ce point, et que s’il continue, les journalistes, contrairement à monsieur Boyer, fassent leur travail en expliquant que, peut-être, l’argument n’est pas fondé.


Certes, l’engagement syndical en France n’est pas un modèle, comparé ne serait-ce qu’à l’allemand, mais l’engagement politique ne l’est pas non plus et de mon point de vue, les syndicats n’ont pas moins de légitimité à représenter le monde du travail que les hommes politiques n’en ont à représenter la population en général.



[1] Qui lui-même remplace pendant la semaine Stéphane Paoli auquel je souhaite un prompt rétablissement.

[2] Certes Wikipedia ne représente pas une source forcément fiable, mais ici seuls les ordres de grandeur sont révélateurs, et en croisant avec d’autres sources ils semblent être corrects, mis à part pour l’UMP à laquelle certaines sources donnent 150 000 adhérents au lieu des 200 000. Cela ne change pas le propos.

[3] Source Insee : http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/irsoc013.pdf

[4] Source Ined : http://www.ined.fr/population-en-chiffres/france/index.html


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