Super lundi de Pentecôte !
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jeudi 8 juin 2006
L’imcompréhension est totale devant l’absurdité d’une partie du dispositif mis en place par le gouvernement.
Je suis enseignant dans le secondaire et j’ai donc travaillé le lundi de Pentecôte sous peine de perdre un trentième de mon salaire. Si j’avais eu le sentiment d’être solidaire, ou l’impression d’une certaine cohérence générale du dispositif, je crois que j’en aurais pris mon parti. Mais, ce jour-là, c’etait l’amertume qui régnait, non seulement pour moi, mais aussi pour la majorité de mes collègues.
Tout d’abord, la solidarité : pour l’instant, je n’ai encore trouvé personne capable de m’expliquer en quoi mon travail ce jour-là pouvait être utile aux personnes âgées. En effet, l’Education nationale est un service non marchand, qui ne produit pas de biens, et qui ne peut engranger aucun bénéfice : notre travail n’a pas apporté un euro de plus dans la caisse de l’Etat, notre employeur. Donc, s’il verse effectivement 0,3% de la masse salariale au profit des personnes âgées, il n’aura fait qu’une manipulation comptable que l’on peut simplifier par : "verser dans la poche gauche ce qui a été pris dans la poche droite". D’un point de vue comptable, c’est égal à zéro, et l’opération aurait eu exactement le même résultat si les profs étaient restés chez eux ou avaient travaillé dix jours de plus cet été... Les seuls qui, finalement, ont apporté un plus aux caisses de l’Etat sont les 10 % de mes collègues qui ne sont pas venus, et qui ont ainsi offert une journée de salaire d’économie. La plupart des absents étaient des mères de familles incapables de caser leurs propres enfants, et pour qui les frais de garde approchaient la retenue sur salaire ! Là apparaît la seule raison qu’il y avait de nous faire travailler : s’occuper par solidarité des enfants des autres travailleurs, afin qu’ils n’aient pas le souci de la garde de leurs enfants. Mais pour une raison qui m’échappe, cette seule utilité a été supprimée en dispensant tous les enfants de cours ! Dans un collège désert, sans même la cantine pour ceux qui venaient de loin ( les ATOS avaient trouvé une astuce pour ne pas venir), nous avons donc fait deux réunions, moyennement motivées et faiblement motivantes ! Réunions que nous aurions pu assurer sans problèmes le lundi 3 ou le mardi 4 juillet, derniers jours de l’année scolaire. En effet, tout en sachant que ces jours-là, il n’y aura pratiquement plus aucun élève dans les classes, le ministère s’acharne à les maintenir dans le calendrier des jours travaillés. Quel gaspillage : dans toute la France, le ramassage scolaire fonctionnera matin et soir durant ces deux jours inutiles, pour deux ou trois enfants par autocar ! Il aurait été bienvenu de libérer les enfants et de reverser l’économie ainsi faite sur le transport au profit des personnes âgées.
La cohérence ensuite : la décision économiquement absurde de clouer au hangard les poids lourds, paralysant ainsi à moitié les autres entreprises, a longuement été évoquée. Mais dans la même incohérence, on a peu parlé de la possibilité qu’on eue les postiers de rattraper cette journée dans la plus grande opacité, privant ainsi toutes les entreprises qui désiraient travailler de réception ou d’expédition de courrier et de colis ! Ou bien encore de l’incompréhensible solution mise en oeuvre à la SNCF. Là encore, j’aimerais bien que l’on m’explique comment un conducteur de train rajoute une minute chaque jour à son temps de travail : en ralentissant sa locomotive avant d’entrer en gare ? Si oui, vu les retard des TER dans ma région, ils ont dû rattraper tout le mois de juin ! Enfin, comment artisans, commerçants et professions libérales ont-ils participé à cette journée de solidarité ?
En résumé, des gens dont le travail était inopérant sur la solidarité ont été obligés de travailler, des gens dont le travail productif était positif pour la solidarité ont été empêchés de travailler, des gens dont le travail était nécessaire aux autres travailleurs et qui étaient sur leur lieu de travail n’ont pas pu assurer leur service... D’autres, collectivement, n’ont pas voulu assurer ce service, et l’on a pas montré l’autorité nécessaire pour que le service soit rendu. Faisant certainement ainsi le bilan de cette imposition-loterie et devant le discrédit qu’il suscitait, le gouvernement Villepin dut bénir le gouvernement Raffarin... à moins que ce ne soient les mêmes.