Partout la santé pour tous : une ambition française
par Marie-Noëlle Lienemann
mercredi 19 juillet 2006
Les principales académies des sciences alertent le G8 en demandant le renforcement des actions internationales contre les maladies infectieuses. Le Collège de France vient de rendre un rapport extrêmement critique sur l’action de notre pays.
Dans un monde où les potentialités technologiques sont sans cesse plus prometteuses, l’intelligence humaine doit d’abord être utilisée au service de progrès pour l’humanité, sans être prisonnière des seuls intérêts financiers qui trop souvent décident et sélectionnent. Il revient donc aux politiques d’orienter les moyens de la recherche et de la science vers de grands projets utiles à la santé, à l’environnement, et vers de nouvelles ambitions industrielles. L’idéal serait de convaincre nos amis européens de nous unir autour de nouveaux projets qui parleraient aux peuples et les réconcilieraient avec une Union trop marchande et libérale. Inventer une nouvelle génération de vaccins susceptibles d’être produits plus rapidement après l’apparition des virus est un enjeu urgent, qui pourrait être le premier pilier d’un grand programme commun de recherche et de développement industriel. A défaut de convaincre les 25 pays de l’UE, la France peut lancer ce programme en proposant des collaborations, voire des coopérations renforcées aux pays prêts à nous accompagner. Nous avons avec l’Institut Pasteur, quelques grandes entreprises pharmaceutiques, les bases suffisantes pour prendre l’initiative et commencer. Le temps nous est compté, même si l’ambition doit s’inscrire dans la durée.
Cette ambition pour le droit à la santé pour tous et partout est pour moi l’un des piliers de l’identité française et de l’actualité républicaine ; elle participe de notre développement et constitue un fil conducteur dans bon nombre de nos choix. Elle doit devenir une véritable culture commune et mobiliser toutes les énergies vitales du pays, les pouvoirs publics, les entreprises, les chercheurs, les acteurs associatifs, les scientifiques, les citoyens. De ce point de vue, le projet de service civique obligatoire peut être un formidable levier. Il pourrait être proposé aux jeunes de le réaliser dans la coopération santé à l’étranger, mais il devrait aussi permettre par exemple d’apprendre à chacun les gestes de premiers secours et les bonnes pratiques de prévention.
Tout se tient, l’universalité du droit à une santé de qualité est un choix de civilisation, et nous ne convaincrons à l’extérieur qu’à la condition de l’excellence à l’intérieur. Or de nombreux nuages inquiétants se bousculent au-dessus de notre système de santé et de notre Sécurité sociale. Les politiques libérales qui n’ont rien réglé des déficits de la Sécurité sociale et ont accru les inégalités, l’insuffisance des moyens consacrés à l’hôpital, la pénurie de médecins et de personnels de soins dans de très nombreuses parties du territoire national ou dans de nombreuses spécialités, la prévention négligée, sont autant de menaces qui font craindre que notre système de santé ne puisse plus être qualifié de meilleur du monde. En tout cas, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à observer les fissures qui, quotidiennement, le sapent et rendent aléatoire et inégalitaire l’accès aux soins de qualité. Restaurer l’excellence de notre santé publique, pérenniser notre Sécurité sociale, garantir un maillage de proximité, efficace, des médecins des hôpitaux doit être une des priorités du prochain mandat présidentiel. Un grand défi pour la France, ici et maintenant, partout et pour demain.