Derrière la polémique Chirac-Barroso....

par Daniel RIOT
lundi 10 octobre 2005

La Commission de Bruxelles n’a pas que des qualités : cela se saurait. Jacques Chirac n’a pas que des défauts : c’est une évidence... Mais la nouvelle polémique entre Paris et Bruxelles à propos de Hewlett-Packard et des négociations à l’OMC n’est ni opportune, ni fondée, ni juste.

Une fois encore, sur les bords de Seine, « l’Europe a bon dos ». Elle est bien pratique, cette « construction » : tout ce qui ne va pas, c’est à cause d’elle ; tout ce qui va, c’est malgré elle. Les réussites sont nationales, les échecs sont européens. On ne compte plus, depuis 1950, les attaques de responsables français contre la « bureaucratie apatride », les «  bureaux », « Bruxelles », les « fonctionnaires irresponsables », les «  eurocrates »... Barroso (qui est en place parce que tous les gouvernements l’ont désigné) a raison de parler du « populisme des élites » : le pire, ou du moins le plus pervers de tous, celui qui est le plus porteur de la démagogie la plus nocive .

Les sondages sur l’europhobie galopante des Européens en général (et des Français en particulier) trouvent là leur explication essentielle. Et c’est grave...

« Bruxelles », c’est qui ? « Bruxelles », c’est quoi ? Le vrai pouvoir est dans les mains des ministres, donc chez des représentants des gouvernements, des Etats. La commission n’est pas un « exécutif », mais une «  exécutante ». Elle n’agit que sur mandat, dans la stricte application de ce qui est décidé d’une manière plus intergouvernementale que supranationale.

Ce n’est pas Bruxelles qui a fixé les taux de TVA des restaurateurs français : ce sont les représentants du gouvernement français, au moment des décisions, qui ont fixé les pourcentages.

Ce n’est pas Bruxelles qui refuse toute augmentation des budgets communautaires (notamment les fonds d’intervention sociale)

Ce n’est pas Bruxelles qui empêche l’Etat français de bien gérer les transports entre la Corse et le continent...

Ce n’est pas Bruxelles qui peut inciter HP à « dégraisser » ses effectifs ailleurs qu’en France...

C’est fou comme nous avons de plus en plus de difficultés à voir les réalités en face et à faire preuve d’un peu de logique dans nos comportements politiques, y compris aux plus hauts niveaux de responsabilités.

Sur le fond de l’affaire HP, je reprends ici les arguments d’un ancien dirigeant d’entreprise lucide, Pierre Bilger, dont le blog mérite d’être visité régulièrement.

« Une fois de plus, à l’occasion du plan de restructuration de Hewlett-Packard, notre classe politique, relayée avec enthousiasme par les médias, a apporté une éclatante démonstration de son talent pour prendre les postures et les initiatives de nature à consolider notre incapacité à créer des emplois et donc à réduire le chômage », écrit-il.

Et il ajoute, non sans pertinence : « Désormais les groupes étrangers qui seraient tentés d’embaucher savent qu’ils s’exposent, dans le cas où les circonstances économiques leur imposeraient de réduire les effectifs, à devoir rembourser les aides qu’on leur aurait éventuellement accordées pour les attirer en France. Ils savent aussi que ce qui les attend, ce n’est pas une négociation virile sur les conditions de départ, de formation et de reclassement des employés dont ils se séparent, mais des tentatives dérisoires d’imposer de l’extérieur une modification des objectifs de l’entreprise. Ils savent enfin qu’ils seront traînés dans la boue et insultés. Croit-on qu’un tel épisode restera ignoré ou inaperçu des entreprises étrangères déjà implantées en France, ou de celles qui envisageraient d’y venir  ? Ce serait être aussi bien naïf que de penser que les entrepreneurs français ne se sentiraient pas également concernés »...

Cela n’est en rien la « faute de Bruxelles ». Pour relancer l’Europe, il faut d’abord cesser de favoriser la seule Europe qui ne soit pas en panne : celle de la défausse.


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