Marche contre « l’islamophobie » : Non au racisme ! Un combat indispensable qui ne saurait être instrumentalisé
par guylain chevrier
samedi 10 mai 2025
Consécutivement à l’assassinat d’une violence effroyable d’un fidèle musulman dans une mosquée, un appel a été lancé pour l’organisation dimanche prochain, 11 mai, d’une marche contre « l’islamophobie » par diverses organisations. On sait à présent que le criminel est un déséquilibré, dont la procureure de Nîmes a indiqué qu’il semblait obsédé par l'idée de tuer sans revendication idéologique, ce qui ne saurait donc justifier aucune généralisation. Pourtant, certains jouent sans vergogne sur l’émotion légitime créée par ce terrible drame, pour prétendre qu’il serait dans notre pays le symptôme d’une chasse à nos concitoyens musulmans.
En réalité, selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur pour l’année 2024, on comptabilise 173 faits antimusulmans, en diminution de 29 % par rapport à 2023, représentant 7 % des faits antireligieux. Un contexte qui reste fortement marqué par les suites du pogrom du 7 octobre 2023 qui a vu exploser les actes antisémites. Selon le dernier rapport annuel de la Défenseure des droits, sur les quelques 5679 réclamations qu’elle a reçues au titre des discriminations (-15 % par rapport à 2023), le critère des convictions religieuses représente 3 % de celles-ci. Si pas un acte antireligieux, raciste, ne doit être toléré, comment soutenir ainsi une telle accusation !
Les organisateurs de cette marche appellent l’ensemble des forces politiques, religieuses et de la société civile à s’unir pour lutter contre le racisme antimusulman. Depuis plusieurs années, dans la continuité de la manifestation du 10 novembre 2019 « Stop à l’islamophobie », organisée à l’appel de diverses associations se réclamant de la gauche, soutenues notamment par La France insoumise (LFI), et animée par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) - dissous depuis pour ses « liens étroits avec des tenants d’un islamisme radical… » -, la récupération de l’électorat musulman est devenue un enjeu politique majeur. Elle passe par flatter le repli communautaire qui va avec le conservatisme religieux, en donnant à l’influence néfaste des Frères musulmans et du salafisme le beau rôle.
On sait combien certaines exigences communes de notre République laïque* sont aujourd’hui au cœur des débats, comme on l’a vu encore récemment avec la nécessité d’interdire l’abaya dans l’école pour la faire respecter. En alimentant l’hystérisation identitaire, on creuse les incompréhensions, on nourrit les tentations séparatistes, au risque de l’affrontement avec notre République mise scandaleusement en procès de racisme. Un climat qui sert aussi, à l’autre extrême, ceux qui prospèrent sur la division nationale.
On connaît la toxicité du terme « islamophobie », qui, par le fait d’accoler l’accusation de phobie à une religion, ici l’islam, assimile toute critique de celle-ci à un délit, à la façon du délit de blasphème. Ce terme est à lui seul une atteinte à la liberté d’opinion, de conscience et d’expression, dont tous bénéficient, dont l’ensemble des croyants. Derrière ce mélange entre politique et religion, c’est la République laïque qui les sépare qui est attaquée, parce qu’historiquement on sait à quoi cela conduit, à la discorde, à mettre en danger nos libertés, voire à la violence. C’est un piège !
On dit vouloir marcher tous ensemble, musulmans et non-musulmans, pour dire que cela serait le meilleur rempart contre les semeurs de haine, mais c’est en semant une autre haine, celle de notre pays. On sait que jamais l’encouragement à la haine sous prétexte d’en combattre une autre n’a servi la liberté ! Aussi, rejetons cette entreprise de détournement de la grande cause universaliste de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme à des fins de division, qui poussent nos concitoyens, qu’ils soient de confession musulmane ou non, à se tromper de combat.
* Venant d’horizons différents, des laïques ont écrit ce livre débat qui rappelle ce qu’est la laïcité : La laïcité, une exception menacée https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/59335
Guylain Chevrier et Jean-François Chalot