La Haute Engadine, une pure merveille de la nature

par Fergus
samedi 23 août 2014

Sur les écrans depuis le mercredi 20 août, « Sils Maria » est le titre du dernier film d’Olivier Assayas, avec à l’affiche la lumineuse Juliette Binoche. Sils Maria, c’est aussi, et surtout, le nom d’un village de l’Engadine. À l’occasion de la sortie du film, coup de projecteur sur cette superbe vallée alpine, l’un des lieux habités les plus hauts d’Europe, mais aussi l’un des sites les plus attractifs du canton suisse des Grisons...

Sils Maria, entre les lacs de Sils et de Silvaplana

En réalité, il n’y a pas une vallée mais deux, fort différentes, dans le prolongement l’une de l’autre : en amont, la Haute-Engadine, quasiment plane et d’une stupéfiante beauté ; en aval, la Basse-Engadine, moins spectaculaire, malgré son incursion dans le Parc National Suisse, mais séduisante avec ses villages aux façades traditionnelles ornées de « sgraffiti », à l’image de Zernez, Guarda ou Scuol. Deux vallées qui, avec leurs caractères particuliers, servent d’écrin montagneux au parcours d’une très belle rivière, l’Inn, née au Piz Lunghin, à 2498 m d’altitude, dans la haute vallée. Une rivière voyageuse : après avoir traversé le canton des Grisons, l’Inn franchit la frontière autrichienne pour arroser la ville d’Innsbruck puis Kufstein, la « perle du Tyrol », avant de finir sa course en Bavière où elle se jette dans le Danube.

Comme partout, on peut arriver dans la Haute-Engadine en voiture, soit en montant du Val Bregaglia par la Malojapass, soit en venant de Coire et Lenzerheide par la Julierpass. On peut également y accéder en voyageant dans un wagon des mythiques Chemins de Fer Rhétiques, renommés à juste titre pour quelques-uns de ces impressionnants ouvrages d’art dont les Suisses se sont fait une spécialité reconnue dans le monde entier. Quant aux plus fortunés des visiteurs, il arrive qu’ils se rendent en Engadine dans le confort d’un avion privé ; ils atterrissent alors à l’aéroport de Samedan, situé à 10 km en aval de Saint-Moritz.

Nous sommes là au cœur de la Suisse romanche, presque toute incluse dans le canton des Grisons. La vieille langue rhéto-romane, officielle dans le canton depuis 1938 au même titre que l’allemand et l’italien, constitue la 4e langue nationale. Malgré l’émergence en 1982, d’un romanche unifié, le « rumantsch grischun », sous l’impulsion de la « Lia rumantscha » (ligue romanche), la vénérable langue a pourtant bien du mal à résister aux assauts de l’allemand. Au point que l’on considère que, désormais, seules 35 000 personnes, soit moins de 0,5 % de la population suisse, se déclarent des locuteurs habituels de la langue romanche. Et ce n’est pas en s’expatriant hors des limites du canton, comme le font près de 40 % d’entre eux, qu’ils pourront pérenniser la langue de leurs ancêtres. Un constat quelque peu attristant car le romanche possède beaucoup de charme, comme peuvent en témoigner tous ceux qui ont eu l’occasion de l’entendre parler, notamment en Basse-Engadine, principal fief de résistance.

En attendant, même menacé de disparition tôt ou tard, le romanche est, langue officielle oblige, partout présent sur la signalétique d’information et les panneaux routiers. C’est ainsi qu’après un séjour sur place, nul n’ignore plus que la principale localité de la Haute-Engadine, la très huppée station de Saint-Moritz, porte en romanche le nom de San Murezzan. Disons-le tout net, dès lors que l’on n’est pas venu en Engadine pour faire du shopping chic et séjourner dans un hôtel hors de prix, ce n’est pas là que l’on va passer l’essentiel de son temps. Car fort heureusement, la vallée ne se limite pas à ce ghetto de vacanciers au compte en banque très bien garni.

La Haute-Engadine, c’est avant tout une merveilleuse enfilade de quatre lacs dans lesquels se reflètent les mélèzes, très nombreux sur leurs rives et sur les flancs des montagnes environnantes. Du sud-ouest au nord-est, on peut ainsi admirer le lac de Sils (lej da Segl), le lac de Silvaplana (lej da Silvaplauna), le lac de Champfèr (lej da Champfèr) et le lac de Saint-Moritz (lej da San Murezzan), tous situés à une altitude comprise entre 1801 m et 1775 m. Là réside une autre particularité de la Haute-Engadine : cette altitude précisément, qui fait incontestablement de Saint-Moritz (5 147 habitants en décembre 2012) la ville la plus haute d’Europe. Mais aussi l’une des stations les plus ensoleillées des Alpes. On y aurait même comptabilisé jusqu’à 322 jours de soleil en une année ! Un ensoleillement que l’on retrouve donc l’hiver et qui se caractérise par des températures parmi les plus basses de Suisse. Tout cela donne des conditions de ski idéales dans un environnement où les forts épisodes de précipitations apportent une couverture neigeuse de grande qualité. 

Randonner l’été dans ce climat sec est évidemment un vrai plaisir, même s’il n’est pas rare de connaître au petit matin des températures hivernales, vite dissipées par l’omniprésence du soleil. Comble de bonheur, le très bas taux d’humidité permet d’éviter les brumes de chaleur qui, dans la plupart des autres massifs, gâchent trop souvent les contrastes de lumière et affectent la visibilité sur les sommets environnants dès avant midi. Nous sommes d’autre part en Suisse, et comme partout sur le territoire de ce pays, les sentiers de randonnée sont nombreux, très bien entretenus et parfaitement balisés. Il y en a pour tous les goûts, des balades sans difficulté autour des lacs ou en balcon au-dessus de ceux-ci, ou des balades en haute montagne, le cas échéant depuis le Piz Nair (pic noir), accessible en téléphérique à 3057 m (attention aux névés résiduels !), ou depuis la station intermédiaire de Murtel (2699 m) sur la ligne de téléphérique qui monte au Piz Corvatsch (3295 m). De Murtel, accès facile notamment au Val Rosegg, au pied d’un séduisant glacier (vadret en romanche).

Impossible d’évoquer la Haute-Engadine sans parler du Val Bernina dont la porte d’entrée est la charmante station de Pontresina (Puntraschigna) située à 7 kilomètres à l’est de Saint-Moritz. De très jolies balades peuvent également être faites à partir et autour de ce village. À commencer par la cerise sur le gâteau de tout séjour en haute-Engadine : la montée, à pieds ou en funiculaire, à Muottas Muragl (prononcer Mouots Mouraïl). Avec les 2453 m de la gare d’arrivée, l’altitude est relativement modeste, mais la vue est époustouflante, non seulement sur la Haute-Engadine et ses lacs, mais aussi sur les sommets environnants, et notamment le plus haut d’entre eux, le Piz Bernina qui culmine à 4048 m. Non loin de Pontresina, le lac Noir (lej nair) est dominé par l’hospice et le col de la Bernina, à 2328 m d’altitude. Passé ce col, la route plonge, via Poschiavo, vers la Valteline italienne.

Après l’effort, le réconfort ! Pour cela, pas de problème, on déguste soit les délicieux capuns locaux, soit des pizzocheri dont la recette est montée de la Valteline. Le tout arrosé d’un bon vin, venu lui aussi de la Valteline, ou issu d’un vignoble des Grisons, à l’image du trop méconnu pinot noir.

Bonnes balades et bon appétit !

La Haute-Engadine ; au 1er plan, Saint-Moritz et son lac
Les lacs de Sils et de Silvaplana

Lire l'article complet, et les commentaires