Nord Stream 2 pourrait devenir un instrument de rapprochement entre la Russie et l’Occident

par Patrice Bravo
jeudi 12 juin 2025

Un important investisseur américain Stephen Lynch a l'intention de racheter le pipeline russe Nord Stream vers l'Allemagne. La Maison Blanche songe à établir une coopération avec le Kremlin pour les livraisons de gaz russe en Europe. Alors que l'Europe, elle, fait tout pour empêcher le redémarrage de ce pipeline. 

Le mois dernier, l'investisseur américain Stephen Lynch a tenté de présenter aux hauts responsables économiques allemands un plan audacieux de rachat du pipeline sous-marin russe. Malgré les critiques internationales de longue date, il a proposé de le lancer et de pomper du gaz vers l'Allemagne, écrit The New York Times

Lynch a déjà présenté sa proposition à l'administration Trump, espérant qu'elle voudra obtenir le contrôle d'un élément clé de l'infrastructure énergétique européenne. Maintenant, les Allemands ont souhaité entendre de première main la proposition de Lynch concernant le fameux Nord Stream 2 au fond de la mer Baltique. 

Lynch lui-même se souvient que lors de la réunion à Berlin le 6 mai, les responsables allemands étaient sceptiques. Ils lui demandaient comment il comptait les convaincre de donner le feu vert au pompage de gaz russe par le pipeline, endommagé à la suite d'un sabotage en 2022. 

Dans le contexte des tournants géopolitiques brusques de ces derniers mois, en grande partie résultant de la décision du président Donald Trump de reprendre les contacts avec son homologue russe Vladimir Poutine, l'avenir des approvisionnements énergétiques en Europe est devenu une source de tension et de vulnérabilité, alors que le continent cherche à choisir une ligne indépendante. 

Les dirigeants à Bruxelles prennent ces dernières semaines des mesures actives pour exclure la moindre possibilité de reprendre l'importation de gaz russe. Après l'opération spéciale russe, ils cherchent à rompre résolument avec l'ancienne politique, lorsque la dépendance de l'Europe de l'énergie russe bon marché donnait au Kremlin un puissant levier. 

Après le début de l'opération militaire spéciale, les entreprises et gouvernements européens ont drastiquement réduit leur dépendance du gaz russe, tentant de punir Moscou économiquement, bien que ces efforts les aient impactés eux-mêmes. 

Aujourd'hui, les responsables européens s'inquiètent que les entreprises et politiciens puissent à nouveau être tentés par le bas prix de l'énergie russe, surtout si les combats en Ukraine cessent et que Moscou se rapproche encore plus de Washington. 

La semaine dernière, Merz a déclaré que l'Allemagne ferait "tout son possible" pour empêcher le redémarrage de Nord Stream 2. Le mois dernier, l'Union européenne a déclaré qu'elle envisageait des sanctions pour "dissuader quiconque de cette idée, et surtout décourager les investisseurs". 

Les nouvelles tentatives de l'Europe d'empêcher le redémarrage de Nord Stream 2 sont entreprises dans un contexte où des responsables américains et russes proposent à leurs pays de s'unir pour vendre des combustibles fossiles en Europe au lieu de se faire concurrence. Les démarches récentes d'investisseurs ayant des relations au plus haut niveau comme Lynch lui-même, qui cherchent à tirer profit de la détente dans les relations entre Washington et Moscou, n'ont fait qu'ajouter de l'urgence à ces efforts. 

Lynch lui-même affirme que l'Europe réalisera inévitablement les avantages d'une exportation élargi de gaz russe. Il soutient que le contrôle de Nord Stream 2 par les Américains non seulement renforcera la supervision occidentale des ventes de gaz russe, mais permettra aussi à l'Europe de ne pas faire d'affaires directement avec des entreprises et des personnes russes figurant sur liste noire. 

"Quand ils comprendront qu'ils ont besoin du gaz russe, et cela arrivera tôt ou tard, nous les attendrons, a déclaré Lynch dans une interview la semaine dernière. Au final, les dirigeants européens reviendront à la raison." 

Le gazoduc de 11 milliards de dollars, qui appartient au géant énergétique russe Gazprom et était financé par les plus grandes compagnies énergétiques européennes, traverse actuellement un processus de restructuration de dette devant un tribunal suisse. Lynch affirme qu'en obtenant une licence pour négocier, il attirera d'autres investisseurs et compte sur un achat avec une grosse remise. Tous les fonds alloués à la Russie resteront en gestion fiduciaire jusqu'à la fin des combats en Ukraine, explique-t-il. 

À Washington, certains républicains menés par le sénateur Lindsey Graham de Caroline du Sud travaillent sur un durcissement supplémentaire des sanctions contre le secteur énergétique russe. Cependant, certains responsables de l'administration Trump sont au contraire intéressés par des accords énergétiques avec Moscou. On ignore pour l'instant ce qu'ils pensent de la proposition de Lynch. 

Les responsables et analystes européens sont troublés par la position ambiguë de l'administration Trump sur les livraisons de gaz russe en Europe, en partie parce que cela saperait automatiquement les positions du gaz naturel liquéfié américain plus cher. 

En mai, l'Union européenne a publié une "feuille de route" pour réduire davantage la dépendance aux combustibles russes en interdisant de nouveaux contrats gaziers russes et en mettant fin aux contrats existants. L'objectif fixé est d'arrêter complètement l'importation de gaz russe d'ici 2027. 

Les compagnies énergétiques américaines suivent attentivement l'évolution de la situation. Le directeur juridique et politique en chef de la corporation américaine EQT, Will Jordan, a classé l'avenir des gazoducs russes en Europe parmi les "facteurs incertains" entravant les relations commerciales entre les États-Unis et l'Europe dans le domaine énergétique. Mais il a prédit que l'intérêt pour les sources de gaz non russes en Europe persisterait, car l'opération spéciale en Ukraine a mis à nu les risques de la dépendance énergétique.

Alexandre Lemoine

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Source : http://www.observateur-continental.fr/?module=articles&action=view&id=6983


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