Vous prendrez bien une tisane

par C’est Nabum
vendredi 25 octobre 2024

 

Fin de soirée.

 

Quoique le soir, le repas fut nourri par des plats copieux tout autant que des conversations aimables, les convives sont restés longtemps à table à lamper les fonds de bouteille, à passer d'autant plus aisément du coq à l'âne que l'alcool alimente les moulins à paroles. Puis, à bout d'appétit, chacun met la main à la pâte pour débarrasser à contre cœur la table.

Durant quelques minutes, une frénésie d'activité prend les commensaux. On s'agite entre la salle à manger et la table tandis qu'il y a toujours des candidats à l'esquive, prétextant de fumer une cigarette pour échapper à l'agitation du moment. Puis, une fois que la machine à laver la vaisselle a tout avalé, chacun revient à sa place sur une table privée de ce qui fit sa gloire.

Les débats reprennent, moins enflammés il faut bien l'avouer. Quelques yeux se font petits, des mines expriment une certaine lassitude tandis que des faces rubicondes ont encore de l'énergie à revendre, certes de manière fort désordonnée. Puis le calme se fait à l'instant où jadis, la petite goutte venait clore la cérémonie.

La sagesse d'une époque qui se voue enfin à la modération tout comme la crainte des petits hommes en bleu et leur drôle de soufflette pousse la maîtresse de maison à proposer un café. La suggestion ne reçoit pas l'assentiment des plus nombreux ; l'âge aidant, les convives craignent que ce breuvage mette en péril leur sommeil.

C'est alors que surgit une proposition qui eut été inenvisageable il y a quelques années en arrière : « Vous prendrez bien une tisane ! ». Curieusement, il y a des candidats à ce que narquois, un des messieurs qualifie de « Pisse-mémère » avec cette ironie machiste de ceux qui ont trop abusé de la dive bouteille.

Les dames laissent l'indélicat à sa réplique et répondent en chœur : « Pourquoi pas ». C'est alors le périlleux moment de se mettre d'accord sur la préparation qui sera glissée dans la bouilloire. Il y a les adeptes des herbes que l'on mélange suivant l'inspiration et la collection des simples. D'autres apprécient les sachets tout préparés avec leurs invitations fallacieuses venues des marmottes herboristes :

 

La liste des suggestions relance les conversations. On se gausse des promesses que des apprentis sorciers agitent sur des boîtes qui font assaut de couleurs pastelles. Puis chacun y va de son fantasme et de son besoin avant que de se lancer dans l'étude approfondie des compositions. Devant cette avalanche de plantes, la décision la plus raisonnable est de composer un grand classique de l'infusion du soir : « Tilleul – verveine - camomille ».

 

Devant ce menu de grand-mère que miraculeusement les réserves de la maison permettent de réaliser, on choisit son mug ou sa tasse en fonction de la quantité désirée. Une convive apporte à cet instant la touche humoristique venue de l'héritage des anciens :

« Savez-vous que la verveine est le meilleur contraceptif de nos ancêtres ? On doit la prendre, non pas avant ou après les ébats amoureux mais plus efficacement à la place ».

 

Chacun de s’esclaffer avant de boire ce breuvage qui mettra un terme à cette belle soirée. Il est temps d'aller se coucher avec cette promesse d'une digestion et d'un sommeil facilités. Pendant ce temps, je rédige ces quelques lignes pour échapper à la potion diurétique.


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