La guerre va se poursuivre en 2025
par Fanny
jeudi 5 décembre 2024
Lors des voeux de fin d'année, notre Président ne sera pas à la fête. Nous non plus. Reste l'espérance. Que cette guerre d'Ukraine accouche d'une Europe nouvelle, plus grande et plus forte. Mais si cela survient, ce n'est pas pour 2025, mais pour plus tard.
Pourquoi la guerre en Ukraine va continuer, malgré et à cause de Trump.
Les objectifs de la Russie sont clairs : annexer la Crimée et l’Est de l’Ukraine, neutraliser l’Ukraine militairement, l’empêcher de se réarmer pour préparer sa revanche. La question de l’adhésion à l’UE est accessoire, sauf si les Occidentaux lient l’UE à l’OTAN (pas de neutralité militaire possible à un membre de l’UE*).
La stratégie de Trump peut être anticipée de la façon suivante : geler le conflit « à la coréenne », gérer un semblant de négociations de paix afin de permettre à l’Ukraine de se réarmer pour prendre sa revanche à terme. C’était la stratégie des Occidentaux - Merkel/Hollande - à Minsk.
La Russie n’acceptera plus de se confronter à la stratégie occidentale de Minsk. C’est pourquoi la guerre va se poursuivre en 2025, hypothèse la plus probable.
Elle va se poursuivre avec un risque croissant d’escalade.
Jusqu’où sont prêts à aller Russes et Occidentaux dans cette guerre, cette escalade ?
Il y a une large part d’inconnues dans la réponse à cette question, mais il semble que le peuple russe - son soutien massif à Poutine le montre - soit plus motivé que les peuples occidentaux et les Ukrainiens dans cette guerre qui se prolonge et monte en termes de violence. Macron est à 20%, Zelensky s’est soustrait à sa réélection.
Cet avis repose surtout sur le fait que pour les Russes l’Ukraine - une partie de l’Ukraine, l'Est et la Crimée - est leur Alsace-Lorraine. Sur le fait que Brzezinski avait raison : sans la maîtrise, au moins la neutralisation de l’Ukraine la Russie perd son statut de grande puissance, qu’elle a su maintenir et conserver dans le passé, sauf durant la parenthèse 1991-2007, année où la Russie se pose à nouveau en opposant à l’Occident (discours de Münich).
Les peuples d’Europe de l’Ouest sont moins préparés que les Russes à mourir pour l’Ukraine. Les Ukrainiens de l’Ouest tentent d’échapper à cette guerre, à la conscription, en émigrant en grand nombre ou en se cachant. Cet aspect de la question ukrainienne, la motivation des peuples, est décisif sachant que les USA n’engageront probablement pas leurs soldats sur le sol ukrainien.
Une victoire militaire de l’UE avec l’Ukraine, même soutenues de loin par les USA, est très peu probable. Notre mainstream feint de croire à cette victoire, l’espère vivement, mais il se trompe (et nous trompe).
Une victoire complète de la Russie, s’emparant d’Odessa et de Kharkov, interdisant à l’Ukraine l’accès à la Mer Noire, est tout aussi improbable. Ce serait une configuration instable ouvrant la voie à une guerre éternelle entre l’Ukraine de Kiev et la Russie, rendant toute paix ou apaisement impossibles. Les Russes le savent et ne chercheront sans doute pas à aller très au-delà de la neutralisation militaire de l’Ukraine, leur priorité.
Fragilité économique de la Russie ? Elle est réelle, mais ses conséquences dans cette guerre ne peuvent être anticipées. Une Russie à genoux et en économie de guerre serait tout aussi dangereuse sinon plus qu’une Russie en bonne santé économique, compte tenu de son arsenal nucléaire, du rapport du faible au fort face à l'OTAN et des enjeux qu’elle juge pour elle vitaux.
Trump laissant tomber l’Ukraine ? Difficile à imaginer après l’Irak et l’Afghanistan. La Chine sera certes la priorité de Trump, mais une nette victoire de la Russie, au-delà d’un compromis jugé « moindre mal », renforcerait la Chine face aux USA dans son bras de fer à propos de Taïwan.
L’Armageddon ? C’est une possibilité, l’Europe ayant montré dans le passé son goût pour l’autodestruction. On peut estimer cette occurrence - au sens d’apparition imprévue, non souhaitée - à un peu moins de 50%, au doigt mouillé, sans beaucoup d’arguments sinon la folie jamais démentie des hommes.
L’inverse de l’Armageddon ? Un deal géopolitique de très haut niveau est imaginable, Trump (Roosevelt) cherchant à laisser un nom de « grand homme » dans l’Histoire, avec Poutine (Staline), mais sans Churchill cette fois, et sans De Gaulle en arrière plan.
Un deal consistant à ré-arrimer la Russie à l’Occident, sans rompre ses liens avec l’Asie, en acceptant de lui accorder un rôle de go between entre l’Occident et le Sud global. Un deal avec une architecture de sécurité en Europe ne cherchant plus à couper l’Europe en deux, ne cherchant pas à séparer l’Allemagne de la Russie.
Dans cette hypothèse, on peut imaginer l’Ukraine récupérant ses frontières de 1991, sauf la Crimée qui pourrait devenir indépendante, récupérant la mer d’Azov et le Détroit de Kertch mais accordant une large autonomie à l’Est du pays.
Un tel deal ne serait possible qu’en changeant radicalement la vision que les Anglo-saxons (Clinton, Obama, Johnson …) ont de la Russie. Il faudrait qu’ils adoptent une vision à la De Gaulle-Chirac contre l’actuelle qui est polono-balte, ou celle de la guerre froide, dépassée.
Il faudrait que les Anglo-saxons admettent qu’on entre dans une 3ème phase, après l’Empire britannique et l’Empire américain des XIXème et XXème siècles : l’Empire mondial multipolaire du XXIème siècle et au-delà. Il faudrait que Trump change de statut : d’empereur à chef de la première puissance mondiale, l’envergure d’un Napoléon dans un sacre inversé.
C’est à la portée d’un grand homme, d’un Trump transformé par l’Histoire. Sa présence annoncée à Notre Dame, lieu du sacre de Napoléon, laisse entrevoir une ambition. Brzezinski qui a vécu au temps de la guerre froide est mort, sa page peut désormais être tournée.
C’est évidemment l’option, l’avenir qui doit avoir la préférence des Européens ambitieux : l’Europe de l’Atlantique à l’Oural, et pourquoi pas jusqu’à Vladivostok, au contact de la Chine, contre une UE limitée et soumise aux humeurs de Washington et à la quincaillerie chinoise.
On va aller vers l’une ou l’autre des hypothèses imaginées ci-dessus, ou encore une alternative, les protagonistes maintenant les hostilités sur le terrain pendant encore des mois voire des années. Trump et Poutine se parleront, mais une grande négociation telle qu’imaginée par Zelensky paraît improbable : il n’y aura pas de Minsk 3.
Notre mainstream pense qu’un arrêt (temporaire) de la guerre va intervenir en 2025. Il se trompe : les protagonistes devront approcher de l’épuisement, on en est encore loin, avant de convenir d’un nouvel équilibre, d’accoucher d’une nouvelle Europe, voire d’un monde nouveau.
L’envergure du couple Trump-Poutine sera décisive. Seront-ils visionnaires, architectes d’un monde nouveau, d’une Europe nouvelle comme ce fut le cas à Yalta ? C’est notre avenir qui se joue, entre les mains de deux hommes que nous détestons et qui pourraient redéfinir une Europe plus grande et plus forte.
*Précision suite à un commentaire en Modération : la notion de neutralité évolue dans l’UE. C’est réglé pour la Suède et la Finlande, désormais membres de l’OTAN. Par ailleurs, une clause de défense mutuelle a été incluse dans le traité de Lisbonne. L’Autriche, en principe toujours juridiquement neutre, a participé à la mission Athea de l’UE en Bosnie et a affecté 2000 hommes à la Force de réaction rapide de l’UE. Pour un membre de l’UE, la neutralité devient un héritage de la seconde guerre mondiale en voie de disparition, une fiction juridique. Si une Ukraine neutre devait adhérer à l’UE, cette question de neutralité devrait être négociée spécifiquement, hors des Traités actuellement en vigueur.