Le droit au logement opposable : dès aujourd’hui !

par Marie-Noëlle Lienemann
mardi 2 janvier 2007

Le président de la République propose, dans ses vœux de nouvel an, l’instauration d’un droit au logement opposable. Il y a désormais urgence, car les évolutions vont à rebours avec la hausse des coûts, l’augmentation des expulsions, l’allongement des listes d’attente de HLM, l’accroissement du nombre de mal logés et un nombre inacceptable de personnes sans domicile fixe. Jacques Chirac est vraisemblablement en fin de mandat et on peut craindre que ces propos ne soient pas suivis d’effets. Pourtant, il peut encore faire taire ceux qui lui reprochent de ne jamais tenir ses promesses. Il le peut en inscrivant le droit au logement opposable dans la Constitution, au cours de sa révision, qu’il a programmée pour ce printemps. Ce serait un signe fort et un point d’appui incontestable pour que les politiques publiques, à tous les échelons, s’imposent une obligation de résultats. C’est le sens de la lettre que je lui ai transmise le 28 décembre (voir la lettre à la fin de cet article).

Ensuite ou plutôt simultanément doit être déposé un projet de loi qui organise la mise en œuvre de ce droit, sa progressivité et définisse des priorités claires pour la première étape. En tout cas, s’agissant d’un droit fondamental, c’est bien l’Etat qui doit en être le garant et assurer cette opposabilité. En revanche, L’Etat doit pouvoir se retourner contre les collectivités locales défaillantes ou négligentes. Il doit aussi pouvoir transférer cette compétence, et les moyens nécessaires, à des agglomérations, départements ou régions qui demanderaient à assurer cette responsabilité. Cette opposabilité doit être universelle et ne saurait se limiter pas à un droit à l’hébergement. En effet, les mal-logés ne sont pas seulement les SDF, qui, bien sûr, doivent immédiatement se voir offrir un hébergement permanent et durable en vue d’obtenir un logement. Mais, il faut, aussi, répondre à toutes celles et ceux qui vivent dans un habitat insalubre, ou entassés dans des logements trop exigus, qui subissent une cohabitation forcée, etc.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’obligation de résultats ne sera atteinte qu’au prix d’importants moyens consacrés au logement, d’une politique de réduction des prix du foncier, de l’immobilier comme des loyers et d’une relance immédiate et massive du logement social. Du logement social sous toute ses formes, public ou privé, en locatif comme en accession, mais du logement mais vraiment social, sans se payer de mots. On ne dénoncera jamais assez le paradoxe actuel d’un nombre record de constructions neuves, mais d’une part dérisoire de la production de logement correspondant à la grande majorité de la population et plus encore de ceux qui sont en attente d’un logement décent. Le gouvernement parle d’une production annuelle de 80 000 logements HLM ; il faut savoir que c’est moins de 54 000 qui correspondent à des familles dont les ressources sont, pour un couple avec un enfant, inférieures à 2,5 Smic et moins de 7500 logements dits d’insertion pour celles qui vivent avec moins de 1,5 Smic. Dans le même temps 75 000 foyers, gagnant moins de 3 Smic, qui au début des années 2000, accédaient chaque année à la propriété ne le peuvent plus. On voit bien que la situation du logement social se dégrade et que cela ne saurait durer. L’opposabilité du droit au logement doit être un catalyseur des changements qui s’imposent, mais les candidats aux présidentielles doivent s’engager clairement sur sa mise en œuvre du droit et indiquer, dès à présent, les moyens concrets qu’ils mobiliseront dés leur élection. Il y a urgence sociale et le temps pour réaliser un logement est nécessairement assez long. Lorsque Jules Ferry a fait voter une loi rendant l’instruction publique, laïque, gratuite et obligatoire, les députés savaient que tout ne serait pas acquis du jour au lendemain. Ils pensaient que l’obligation législative pousserait à des efforts importants, persévérants, créerait une mobilisation générale et que l’intendance suivrait. Nous devons relever un défi du même ordre pour le droit au logement. Nous devons le faire dans un pays plus décentralisé, dans un secteur où de très nombreux acteurs interviennent. Voilà une formidable occasion de montrer comment doit et peut agir un Etat moderne, mais aussi et surtout de donner force et crédibilité à notre République.


Il faut maintenant très vite avancer pour dire comment on peut instaurer le droit au logement opposable.

Il y a plus d’un an, je faisais des propositions dans l’ouvrage que j’ai publié chez Jean-Claude Gasewitch, Le scandale du logement.Réagissez. Élus, acteurs du monde HLM ou du logement, citoyens, nous sommes tous concernés !

Le droit au logement opposable dans la constitution

NonNon seulement, l’affirmation, dans nos textes juridiques, d’un droit effectif au logement est une question de principe : il est temps en ce début de XXIe siècle de reconnaître ce droit au premier rang des droits de l’homme. Mais c’est aussi plus prosaïquement nécessaire à l’action. Alors il y a deux démarches simultanées à entreprendre. La première vise à consolider le statut juridique du droit au logement, finalement introduit récemment dans nos lois et le rendre opposable. Toute personne qui se trouve sans logement où dans des conditions graves de mal logement et qui ayant entrepris les démarches nécessaires sans pouvoir régler son problème, doit alors être en mesure de se retourner vers la puissance publique qui doit lui garantir ce droit au logement. Une telle évolution de notre droit serait une véritable révolution car il instaurerait dans les droits fondamentaux non seulement une obligation de moyens mais de résultats. C’est plus de deux cents ans après la Révolution française certainement une évolution indispensable. On l’a d’ailleurs en partie réussie dans notre pays avec la santé. Mais là l’affaire est complexe puisqu’il ne s’agit pas seulement d’avoir accès à un service mais à un bien.

Avec la décentralisation, plus encore que par le passé, les collectivités locales sont davantage maîtresses du jeu. Elles peuvent bloquer la mise en œuvre de politiques nationales et indispensables à la solidarité collective. On le voit lorsque certaines d’entre elles refusent ou trouvent toutes les arguties juridiques pour ne pas réaliser de logements sociaux sur le territoire de leur commune. Parfois aussi l’Etat ne dégage pas les moyens financiers suffisants pour accompagner celles qui veulent faire. Et cela crée ainsi une sorte de déresponsabilisation face à des citoyens bien en mal de faire entendre leur voix et surtout de voir régler leur problème. D’un côté l’Etat et la loi doivent fixer des obligations aux collectivités locales afin qu’elles s’engagent des actions indispensables à l’intérêt général .Mais de l’autre, l’idée de l’opposabilité des droits est aussi un moyen de mettre chacun devant ses responsabilités, de faire pression pour que tous assument leurs devoirs au regard de la solidarité nationale. L’opposabilité doit également permettre de traduire en Justice la structure publique défaillante.

Devant la multitude de blocages, la complexité des acteurs, l’impuissance collective à régler les problèmes j’ai acquis la conviction que le sursaut ne viendra que d’une exigence majeure s’imposant à tous : assurer le droit au logement vraiment !

Alors que multiplient des réformes constitutionnelles à tour de bras, nos législateurs et nos gouvernements n’ont toujours pas trouvé le temps, le courage d’y introduire le droit au logement. La décentralisation y est désormais reconnue, le principe pollueur payeur y a fait son entrée pas le droit au logement !

Ce droit n’est d’ailleurs apparu qu’en 1982 dans nos lois, confirmé en 1989 après que la droite l’eut annulé. Chacun sait désormais que les droits sociaux et économiques sont l’indispensable prolongement des droits de l’homme. De grandes associations qui s’étaient constituées sur l’unique défense des libertés individuelles, de l’intégrité physique et morale des personnes ajoutent désormais à leur combat des enjeux sociaux majeurs. Car sans un élargissement permanent du champ des libertés et des droits, l’humanisme se dévitalise, les sociétés se sclérosent. Certes, le Conseil constitutionnel a qualifié d’objectif à valeur constitutionnelle « la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent », mais une récente ordonnance du Conseil d’Etat estime que, pour autant, le droit au logement n’a pas rang de principe constitutionnel. Consacrer véritablement cette exigence dans la Constitution assurerait aussi un meilleur équilibre juridique entre le droit à la propriété et le droit au logement. Sans remettre en question la protection de la propriété, il faut pouvoir intervenir lorsqu’un propriétaire agit sans respecter l’intérêt général. On peut penser à ceux qui laissent sur une longue période leur bien vacant ou dans un état déplorable, ceux qui laissent dériver certaines copropriétés. Dans le même esprit, la pénalisation du squat eût été une grave erreur. Ce combat doit être aussi européen. La France avait demandé la reconnaissance du droit au logement dans la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne. Seule une phrase justifiant des aides pour éviter que les plus démunis se retrouvent sans toit a été retenue. Cela permet tout juste de ne pas appliquer strictement la logique du tout concurrence pour le logement social. Mais si la France veut être à la hauteur de sa tâche historique, elle doit défendre en Europe et dans le monde l’universalité des droits et donc celle du droit au logement.

Rappelons que le droit au logement opposable a des précédents. Les aides personnelles constituent un droit ouvert à toute personne qui en remplit les conditions et peuvent en cas de conflit être réclamées en justice. L’obligation pour le bailleur de louer à son locataire un logement en état décent peut donner lieu à une réclamation de travaux devant le juge, la procédure à suivre étant prévue par la loi. Le refus d’attribution d’un logement social peut être contesté devant une commission qui a un rôle de conciliation, le cas échéant avant passage devant le juge. Mais il faut aller aujourd’hui plus loin par une extension de ces droits.

Une observation tout d’abord : le droit à un logement décent opposable en justice n’a de portée que si l’ensemble du dispositif économique, budgétaire et fiscal nécessaire à une vraie politique du logement et à une production abondante est en place. Il ne s’agit donc pas de remplacer l’effort de la collectivité par une disposition juridique qui serait alors incantatoire mais bien de compléter l’un par l’autre. A contrario on ne saurait attendre d’avoir suffisamment de logements disponibles pour rendre ce droit opposable. Le but est aussi de pousser à la production des logements nécessaires. Ainsi il nous faut aller de façon progressive à cet objectif mais si nous n’engageons pas une première étape, nous n’atteindrons jamais le but.

La première étape aisément accessible consiste à créer la CLU et à améliorer les procédures existantes. Par exemple le droit à un logement peut être mis en cause par l’indécence, voire plus grave encore l’insalubrité du logement. Dans ce cas, la solution n’est pas nécessairement de trouver un nouveau logement pour la famille mal logée mais peut être d’obliger le propriétaire à faire les travaux. Une première action consiste à améliorer la procédure de réalisation effective des travaux lorsqu’ils sont possibles. En revanche lorsqu’ils ne le sont pas ou que le problème réside ailleurs que dans la qualité du logement, voire dans l’absence pure et simple de logement, il faut alors un dispositif qui assure aux mal logés l’accès à un nouveau logement. Enfin, Il ne suffit pas d’assurer l’accès au logement, il faut encore garantir le maintien dans les lieux et c’est l’intérêt de la couverture logement universelle. Parfois aussi la solution réside dans un relogement dans un habitat mieux adapté et moins cher. L’expulsion doit être systématiquement évitée à l’exception des personnes de mauvaise foi.

La seconde étape consiste à rendre ce droit opposable pour des populations particulièrement exposées et qui hélas ne mobilisent pas suffisamment l’attention des pouvoirs publics. C’est le cas de certaines personnes ou familles, notamment les sans domicile fixe. Ils ne peuvent pas toujours accéder à un logement ordinaire. Certains peuvent être réinsérés et accéder à terme à un logement familial. D’autres, et il faut en être conscient, sont trop « cassés par la rue » et ne rentreront jamais dans ce type de logements. Il faut donc commencer par un hébergement durable qui leur permette au moins de trouver un abri et de ne pas se sentir prisonniers d’une solution inadaptée pour eux, mais en même temps leur assurer ensuite l’accès à un vrai logement. En tout cas, cela renvoie aux propositions de production sur l’ensemble du territoire d’une offre de ce type, devenue d’une extrême nécessité.

Qui faire bénéficier du droit de réclamer un logement à l’autorité publique ?

La troisième étape consisterait à donner le droit d’aller en Justice pour réclamer le droit au logement à des personnes modestes dont les ressources sont inférieures à un plafond et qui ont des enfants à charge. Le fait d’avoir des charges de famille alourdissant les dépenses du ménage, la priorité consistant à assurer l’avenir des enfants justifient ce choix. Evidemment il s’agit de familles qui seraient actuellement dans des conditions extrêmement difficiles de logement, ou qui n’en ont pas du tout. Il peut s’agir aussi de l’impossibilité pour une personne de rester dans un logement pour raison sociale, par exemple une femme battue. Il peut s’agir enfin d’une absence pure et simple de logement puisque l’on voit actuellement se développer le nombre des personnes qui travaillent mais ne gagnent pas assez pour se loger. Il faut que les familles concernées aient fait une demande de logement social sur un territoire assez large et qu’elles n’aient pas obtenu satisfaction depuis un certain temps.

Se pose la question délicate, du lieu d’habitation proposé à la personne ainsi mal logée. Le plus raisonnable est de s’en tenir à l’agglomération Insee. Il va de soi que la puissance publique qui serait amenée à garantir le droit au logement doit veiller à ce que la personne puisse accéder à son emploi. Le droit doit être donné aux personnes que l’on vient de citer d’aller en dernier recours en justice mais il doit également être donné pour leur compte aux associations de locataires ou à celles qui militent en faveur du droit au logement. On sait bien que ce sont les personnes le plus en difficulté qui vont le moins en justice pour réclamer leurs droits.

A qui réclamer le droit au logement ?

Deux options sont possibles : l’Etat ou les collectivités locales.

Les associations humanitaires ont en général opté pour l’Etat, qui apparaît comme le garant de l’égalité républicaine et le représentant supérieur de l’autorité, de l’intérêt général et de l’ordre public entendu au sens large.

Mais il existe de nombreux arguments pour le choix des collectivités territoriales : ce sont elles qui connaissent le mieux la demande, elles peuvent se regrouper dans des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant la compétence logement, elles établissent le plan local de l’habitat et le plan local d’urbanisme, elles disposent du permis de construire, elles exercent l’autorité sur les offices d’HLM et les sociétés d’économie mixte, elles ont droit à des réservations de logements lorsqu’elles donnent leur garantie financière aux HLM, elles viennent de recevoir la possibilité d’obtenir la délégation des aides budgétaires de l’Etat pour la construction de HLM ou les aides aux travaux pour les propriétaires privés, elles ont la possibilité de recevoir délégation du contingent de logements du préfet, les communes (ou les EPCI) sont redevables de l’obligation des 20% de logements sociaux sur leur territoire. Et il est clair que l’opposabilité du droit au logement doit directement les toucher pour qu’elles construisent des logements en nombre suffisant.

L’Etat ne perd pas pour autant tous ses pouvoirs mais ils sont plus lointains et de moins en moins opérationnels. Il conserve l’enveloppe globale des financements, la législation et la réglementation générale, une tutelle des organismes de logement social qui devient davantage un rôle de contrôle de régularité qu’un rôle d’autorité et d’impulsion. Les préfets, comme l’a montré il y a fort longtemps le sociologue J.-C. Thoenig, ont trop souvent tendance à négocier avec des notables sans se placer en position de force.

Mais en mettant le représentant de l’Etat comme responsable du droit au logement et garant de l’opposabilité, on change fondamentalement la donne car le représentant de l’Etat doit alors strictement faire respecter aux collectivités locales les contraintes publiques qui vont de paire avec les nouvelles responsabilités qu’elles ont acquises. Je propose donc que l’Etat en la personne du préfet soit bien l’autorité à qui l’on doit réclamer le droit au logement. En revanche ce dernier doit pouvoir se retourner contre la commune d’origine de la personne mal ou non logée s’il n’y a pas les 20 % de logements sociaux ou s’il y a manifestement défaillance de la collectivité locale en question.

L’intérêt du choix de l’Etat représenté par le préfet comme référent est de permettre de résoudre les problèmes à l’échelle d’une grande agglomération car l’Etat y est présent partout et possède des droits de réservation sur l’ensemble du parc. Ces nouvelles dispositions plaident pour l’organisation au niveau de chaque département d’un véritable service public du logement qui serait l’antenne sous l’autorité du préfet, de la nouvelle administration, de l’immobilier et du renouvellement urbain que je crois indispensable à l’efficacité de l’Etat en la matière aujourd’hui. L’opposabilité du droit au logement exige une administration d’action sur le terrain.

Quels moyens pour les élus, quelles limites à l’exercice ?

Il faut prendre toutes les précautions qui évitent que l’opposabilité du droit au logement apparaisse comme un passe droit et spolie d’autres demandeurs, plus classiques. Il faut donc être d’une extrême prudence tant que la démarche ne peut faute d’offre suffisante être généralisée. Le « numéro unique départemental » doit permettre à chaque demandeur de logement HLM d’avoir un numéro indiquant la date de sa première demande, critère dont il faut tenir compte. Le passage devant la commission de conciliation qui examine les conflits relatifs aux décisions de refus doit devenir, comme avec les commissions de conciliation sur les loyers privés, un préalable à une éventuelle action en justice. La médiation pouvant alors s’avérer plus efficace à tout point de vue.

Il faut aussi élargir les moyens d’intervention des élus et du préfet. Ils doivent bénéficier d’un droit de réquisition de tout logement vacant, privé ou social, selon une procédure simplifiée, afin de ne pas se voir refuser les candidats qu’ils proposent. Dans le secteur privé, les logements qui donnent lieu à paiement de la taxe sur les logements vacants seront loués au loyer d’un logement social, le propriétaire qui n’utilise pas sa propriété ne pouvant se prévaloir d’une atteinte à sa propriété privée. Tout logement a une vocation à participer à l’intérêt général. Coté logement social, les organismes ayant des logements sur le territoire d’une collectivité territoriale et sollicités par celle-ci sur le cas d’une famille bénéficiant du droit au logement opposable doivent fournir la liste de leurs logements vacants. Tant que la liste de la collectivité n’est pas satisfaite, les attributions de logements sur son territoire sont soumises à avis conforme des élus.

Par contre des limites doivent être posées pour maintenir la mixité sociale. La désignation de bénéficiaires du droit au logement ne peut se faire dans les ensembles sociaux connaissant un pourcentage important de bénéficiaires de l’APL, par exemple plus de 75%. Il faut éviter de concentrer toutes les familles en difficulté dans les mêmes immeubles.

La procédure, les institutions.

Le recours en justice n’est pas un but en soi mais seulement la conséquence d’une situation de mal logement qui doit être résolue avant d’aller devant le juge. Il est donc proposé d’élargir les compétences du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées. Il pourrait désormais collaborer avec le service public du logement réparti sur l’ensemble du territoire, contribuer à la conciliation préalable à toute action en justice. Enfin pourrait être renforcé son rôle de proposition en ce qui concerne le logement indigne, le droit à l’hébergement et plus généralement le droit au logement.

Ces propositions qui méritent d’être largement débattues constituent l’amorce, déjà ambitieuse d’une mise en œuvre effective du droit au logement opposable qui pour atteindre son objectif devra d’ici moins de dix ans devenir opposable pour tous.

Le scandale du logement, Août 2005


Lettre au Président de la République

Le 28 décembre 2006

Monsieur le Président de la République,

Vous avez souhaité une révision de la constitution pour y inscrire l’abolition de la peine de mort. Cette initiative va faire l’objet d’un projet de loi qui sera, très rapidement, soumis aux assemblées. Je me permets de vous demander solennellement, d’y ajouter l’introduction du droit au logement comme droit constitutionnel, effectivement garanti par la puissance publique, c’est-à-dire opposable.

Vous avez souhaité solenniser l’engagement de la France contre la peine de mort, et je comprends ce souci d’ancrer dans nos textes fondamentaux cette avancée humaniste. Il serait tout aussi légitime, et sans doute nécessaire, d’amener notre pays à ce grand progrès humain : le droit à un logement décent pour tous !

Vous le savez bien, depuis longtemps, de très nombreuses personnes sont sans domicile fixe. Plus largement un nombre important de nos concitoyens sont mal logés, ou en grave difficulté de logement. En ce début de 21ème siècle, la France, pays des Droits de l’Homme et du Citoyen doit, enfin, reconnaître le droit au logement comme un droit fondamental, un droit assuré à chacun quelque soit sa situation. Un tel objectif, est à la portée de notre pays, l’un des plus riches du monde.

Nos textes qui forment ce que l’on nomme le « bloc constitutionnel » font référence au logement et le conseil constitutionnel, a estimé, il y a plus de dix ans déjà, que le droit au logement était un objectif à valeur constitutionnelle, ce qui, au demeurant, est moins fort qu’un droit constitutionnel, en particulier par comparaison avec le droit de propriété. L’inscription de ce droit et de son effectivité garantie par la Nation serait non seulement un signal fort, imposant des législations ultérieures pour sa mise en œuvre, mais elle serait aussi de nature à assurer la mobilisation et la responsabilité de toutes les collectivités publiques qui doivent avec l’Etat s’engager à cette fin.
L’annonce régulière de dispositifs, de plan d’actions, de moyens supplémentaires ne suffisent pas. Il faut être sûr que le but puisse réellement être atteint. L’obligation de résultat, inscrit dans la Constitution représenterait un objectif contraignant pour tous les acteurs publics et un grand espoir pour ceux qui peinent à se loger.

Je me permets d’insister sur l’universalité de ce droit - droit au logement et non pas seulement un droit à l’hébergement - car au-delà de celles et de ceux qui sont sans toit, il ne faut pas oublier ceux qui vivent dans un habitat insalubre ou indécent, qui subissent une cohabitation forcée, ou habitent dans des espaces trop petits pour assurer une vie de famille. Même s’il est bien naturel de se préoccuper prioritairement des plus fragiles, les autres doivent aussi trouver des réponses, assurant leur dignité et une vie normale.

Notre République ne peut être vivante, convaincante pour les jeunes générations qu’à travers des progrès permanents dans la défense de ses valeurs et l’extension des droits fondamentaux garantis.

On le voit davantage chaque hiver, l’impuissance des politiques à résoudre cette indignité nationale érode la confiance de nos concitoyens en notre modèle républicain et en leurs élus. Mais, bien que moins visibles, des situations inacceptables existent toute l’année, dans notre pays ; l’augmentation du nombre des expulsions en est un exemple. Elles entament la solidarité et la cohésion nationale. Cela ne saurait durer.

N’ayons pas peur des grands défis à relever. Quand Jules Ferry a instauré l’instruction publique gratuite, laïque et obligatoire, il a fallu des efforts conséquents et prolongés qui n’ont pas pu, d’un coup de baguette magique, créer partout des écoles. Mais l’objectif était contraignant, et l’intendance a suivi. Le temps est venu qu’elle suive, pour le droit au logement.

Je vous remercie, par avance, Monsieur le Président de la République, de l’attention que vous pourrez porter à ma requête et je vous prie de croire à l’expression de ma très haute considération.

Marie-Noëlle Lienemann


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