Et Zidane, c’est du poulet ?

par LM
samedi 15 octobre 2005

C’est écrit sur tous les prompteurs, dans tous les éditos : on est à la veille de l’Apocalypse, la faute aux poulets d’Asie. Les temps sont à l’affolement. Alors, avant d’y laisser toutes nos plumes, rions un peu !

Déjà une nouvelle peur panique à l’horizon !

Après les terroristes incontrôlables, les ouragans force 5, la vache folle, voici venu le temps des volailles menaçantes !

Les poulets attaquent la Terre, et la Terre tremble, la Terre numérote ses abattis : combien de boîtes de comprimés, combien de masques pour se protéger, combien d’écoles à fermer, combien de métros à supprimer, combien de vaccins à produire pour éviter qu’on ne disparaisse, sans le goudron, mais avec l’odeur des plumes, des plumes de ces satanés poulets malades, trop malades !

Les interviews des spécialistes se succèdent, tous plus alarmants les uns que les autres, tous annonçant des chiffres astronomiques, bilan supposé d’une épidémie, d’une pandémie pardon, jugée, par presque tous, inévitable. Des millions de morts, des dizaines de millions de malades, des milliards dépensés pour sauver les meubles, enfin ceux qui pourront être sauvés !

C’est l’Apocalypse, donc, venue d’Asie, comme souvent, d’Asie du Sud-Est, comme le SRAS. C’est une sorte de fin du monde, qui arrive en caquetant, qui vient d’un des mets les plus consommés au monde, le poulet, servi dans tous les fast-food, dans toutes les cantines, rôti ou tandoori, un poulet qui, une fois cuit, d’ailleurs, ne présente plus aucun danger, malade ou pas.

C’est donc à nouveau l’hystérie à venir qui fait entendre son gong, l’hystérie portée par les médias, qui en font déjà beaucoup, et ne vont pas, on peut leur faire confiance, s’arrêter en si bon chemin. Après avoir réussi à nous faire croire que l’équipe de Chypre pouvait sérieusement nous barrer la route de la coupe du Monde en Allemagne, ils n’auront aucun mal à nous convaincre que l’hiver qui s’annonce pourrait bien être celui de la plus grande épidémie de grippe qu’on ait connue depuis l’espagnole, de 1918-1919 !

Nous faire peur, les journaux s’y connaissent. Qu’ils communiquent sur la délinquance, la météo ou les maladies infectieuses, ils s’y entendent en termes d’effets faciles, d’accents appuyés et de roulement de tambour, ils n’ont pas leur pareil pour paralyser, angoisser, agiter tout spectre, aussi bancal soit-il, pourvu que le spectateur ou le lecteur frissonne de crainte, soit soudain saisi d’horreur devant le péril qui s’avance, inexorable, et raide comme la mort !

L’essentiel est que le résultat soit là : une peur panique, une hystérie complète, qui conduit tout un chacun à constituer des stocks de médicaments, par exemple, ou à vider les rayons de supermarché, comme on l’a vécu lors de la première guerre du golfe, qui devait provoquer une pénurie de sucre, de pâtes, de je ne sais quelles denrées essentielles.

L’époque est à la trouille. On gouverne facilement un peuple qui tremble, on le manipule aisément, on arrive plus aisément à lui faire avaler des couleuvres. Fussent-elles de la grosseur de poulets enrhumés.

L’époque est à la pétoche. Entre les écrivains qui ne voient d’autre avenir à l’espèce humaine que la disparition, la fin, l’extinction ; les politiques qui ne voient pas d’avenir dans le pays autre que le repli sur soi pour lutter plus efficacement contre les dangers qui guettent aux frontières, dans les banlieues, de l’autre côté du couloir ; et les experts en tous genres, spécialistes du climat, des OGM, ou des virus très virulents, qui nous garantissent un futur proche de la fin, il n’y a pas de quoi pavoiser, pas de quoi rire, pas de quoi se sentir en sécurité.

On se mettrait bien le dernier CD de Patrick Sébastien, pour se détendre un peu, retrouver la forme, le sourire ou la foi, ou juste un peu d’allant, mais on se demande quand même si cette fois-ci, ça va suffire, si cette fois-ci, on va s’en sortir.

Et puis, la seconde d’après, on se dit que c’est pas possible, non, on peut pas finir comme ça, écouter Patrick Sébastien, c’est pas possible, ça va quand même pas si mal !

Ces poulets, c’est quoi, juste de la volaille, pas grand-chose ! Et puis c’est pas la première fois qu’on égrène le chapelet et que tout continue, c’est pas la première, c’est pas la dernière.

Les vaches hier, les poulets aujourd’hui, on n’en est pas à une folie près. Les oiseaux de mauvais augure sont devenus légion, ricanant, pépiant, glougloutant qu’il fait meilleur rester chez soi, bien enfermé, bien protégé, bien calfeutré, loin de la menace qui guette, dehors, qui attend, soi-disant, qu’on pointe le bout de notre nez, pour nous moucher une fois pour toutes.

Tu parles ! Les mêmes veulent nous faire croire qu’on n’a pas une équipe capable de gagner la prochaine Coupe du Monde ! Et Zidane, c’est du poulet ?

Lilian Massoulier


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